Braquages de boutiques Orange-Money, attaques à main armée, «terrorisme» urbain à bas bruit, grand banditisme… : Ousséni Compaoré, ministre de la Sécurité dit (presque) tout

Braquages de boutiques Orange-Money, attaques à main armée, «terrorisme» urbain à bas bruit, grand banditisme… : Ousséni Compaoré, ministre de la Sécurité dit (presque) tout

Un «terrorisme» à bas bruit dans nos villes plus prégnant et plus violent. Il apparaît comme un monstre dont la décapitalisation n’effraie guère, une hydre, cette criminalité dans nos cités s’est accentuée depuis quelques jours.

Cependant, la riposte se fait, se déploie. Ces dernières semaines, les vols à-la-tire avec violences, les sacs et braquages de boutiques Orange-Money se multiplient. Et déréchef la réplique des forces de sécurité, qui ont déjà appréhendé 17 d’entre eux, et court après d’autres en cavale. La police et la gendarmerie sont sur le qui-vive, pour ne pas dire sur les dents. Et des résultats sont là, paroles du premier securocrate du Burkina, le colonel Ousséni Compaoré.

Dans une vie antérieure, lorsqu’il arborait sa tenue de pandore, commandant de la gendarmerie, l’homme aurait pu martéler de façon martiale que  «l’ordre est en train d’être rétabli». Ministre de la Sécurité, il se montre souple, mais dans ses propos, on devine la détermination et surtout une vision, un plan pour sécuriser davantage les populations, lequel plan est basé entre autres sur le renseignement, la technologie et la compétence des hommes. La sécurisation du retour des déplacés internes dans leurs localités lui tient aussi à coeur et elle est déjà en branle à Barani et Toéni, et se poursuivra. Entretien avec le «Robocop» du Burkina, qui comme toute personne dans sa fonction dit … presque tout au journaliste.

 

Une police de proximité a été mise sur pied il y a deux mois. Pouvez-vous rappeler son rôle, et comment peut-elle contribuer à circonscrire le banditisme ou l’éradiquer ?

L’objectif majeur de la police de proximité que nous avons lancé est de créer une confiance entre la population et la police dans le but de lutter contre la criminalité. C’est vrai que le concept de police de proximité est un concept que nous avons  depuis longtemps mais nous ne l’avions pas matérialisé comme nous sommes en train de le faire actuellement.

Il est donc important qu’après la mise en place de cette police de proximité, que les policiers s’habituent à sa pratique, c’est-à-dire que les policiers deviennent amis et vivent avec la population. Il faut que  la population accepte la police et parle à la police. Tout cela prendra un certain temps. Mais comme dans toute chose, il faut un début, nous avons espoir que dans les mois à venir, les résultats de la police de proximité seront plus probants que ça ne l’est aujourd’hui.

On avait compris que cette police de proximité est là pour  détecter les moindres gestes ou comportements suspects. Est-elle prise à défaut par cette criminalité urbaine ?

La police de proximité sert à recueillir des renseignements et ces renseignements ne seront obtenus que si la population accepte de parler d’une part, et d’autre part si la police accepte de quitter son ancien costume qui est d’être au-dessus des populations. Lorsque nous aurons cette symbiose ça ira bien. Mais nous allons persister et aller vers les populations en cessant d’être le «père fouettard». Nous n’avons aucune raison de désespérer car les résultats sont à portée de main.

Depuis quelques mois, dans les grandes agglomérations, pas un jour ne passe sans un braquage, un hold-up avec souvent mort d’homme comme ce boutiquier tué à Nagrin. Que se passe-t-il ?

Il est important de souligner que la police travaille sur ces questions et a obtenu des résultats. Mais maintenant pourquoi autant de braquages ? Quels sont les facteurs ? D’abord, disons qu’il y a énormément de boutiques Orange Money installées de façon sauvage dans les villes, notamment à Ouagadougou. Ensuite, reconnaissons que nous sommes dans une situation où le citoyen a le sentiment de ne pas être en sécurité et il veut se protéger lui-même en demandant un permis de port d’arme.

Il y a aussi que le Burkina Faso est au carrefour de trafic d’armes. Donc il y a une floraison d’armes dans le pays facilitant leur acquisition et leur utilisation. Si vous avez suivi, dès que je suis arrivé à la tête du ministère, j’ai suspendu premièrement les autorisations de port d’arme pour contrôler ce qui existe déjà sur le terrain. Dans un deuxième temps, voir à qui on va attribuer un permis de port d’arme. Les résultats d’une telle mesure ne sont pas immédiats mais ils viendront par la suite. Et nous sommes sur la bonne voie.

Le problème se pose également en province comme à Bitou, où dans la nuit du 28 février au 1er mars, un centre de transfert d’argent Orange Money a eu la visite de ces fameux HANI, suivis de tirs de sommation des forces de l’ordre et de panique dans la ville. On dirait que les bandits narguent les forces de l’ordre… Votre commentaire ?

Entre le policier et le voleur, il y a toujours cette course comme entre une femme et sa coépouse et c’est celui qui prend de l’avance qui gagne toujours. Ce que nous (policiers) essayons de faire, c’est d’avoir de l’avance sur le voleur. Nous commencerons à avoir des résultats probants lorsque nous attendrons le voleur au lieu du braquage.

Ça veut dire que lorsque nous avons l’information qu’il va braquer nous l’attendons sur place. L’anticipation est au cœur de nos dispositifs. Mais courir toujours après lui est presqu’un demi-échec. Et c’est à nous de savoir qui et où va aller braquer pour le devancer, à cela nous y travaillons. Nous devons pénétrer tous ses réseaux et être en mesure de prévoir, d’imaginer et de savoir avec précision que telle ou telle boutique va être braquée et nous les (bandits) devançons.

Pour cela, il faut la technologie, les renseignements humains et un certain nombre de mesures à prendre. Mais, pour le moment, je puis vous dire que nous avons des bons résultats. La preuve est que ces derniers temps, nous avons procédé au démantèlement de plusieurs réseaux de braqueurs. Certains ont été appréhendés, d’autres sont recherchés, du matériel, des fusils et téléphones ont été saisis … Mais comme nous sommes toujours là-dessus et que les enquêtes se poursuivent, permettez-moi de ne pas en dire plus.

Vous venez de rentrer d’une tournée à Toéni et Barani, la énième depuis quelques temps. Qu’avez-vous constaté auprès des forces de l’ordre et des populations ?

Je tiens d’abord à reféliciter les éléments des Forces de défense et de sécurité (FDS) sur le terrain qui font du bon travail. Malgré les  conditions difficiles dans lesquelles ils vivent, ils sont toujours là à défendre la patrie.

Le gouvernement en est conscient, les encourage et prendra toutes les mesures nécessaires pour les soutenir. Quant aux  populations, elles ont vécu des horreurs au début des attaques notamment des bras coupés, des têtes coupées… Mais avec l’arrivée des Forces de défense et de sécurité (FDS), qui ont riposté et traqué les terroristes jusque dans leur dernier retranchement, une bonne partie  de la population qui était partie commence à revenir. A Barani où est basée l’unité Groupe d’action rapide de sécurisation et d’interpellation (GARSI) j’ai pu constater ce jour-là (NDLR: vendredi 28 février) l’effet GARSI  sur les populations.

Elles disaient que la confiance est revenue, que l’école a repris, les services de santé fonctionnent à nouveau bref, que la situation se normalise. A Toéni, je n’ai pas eu le temps d’aller en ville mais  l’imam et le chef du village sont venus me témoigner leur reconnaissance à l’équipe des Forces de défense et de sécurité (FDS) qui était là.

Actuellement, nous pouvons dire que la peur a changé de camp et cela est très important. Surtout, la sécurisation du retour des déplacés internes est un fait aujourd’hui, les gens retournent chez eux et j’ai échangé avec eux. A Barani par exemple, de façon incognito, j’ai été au marché et bavardé avec des populations qui se disent sécurisées de plus en plus, dans un kiosque PMU’B bondé, j’ai eu des propos avec des personnes, c’était le même sentiment qui prévalait. Dans cette lancée, nous comptons faire le même travail à Barsalogho, à Pensa …

Qu’avez-vous à dire aux citadins concernant ces attaques à main armée et autres fric-frac violents pour les rassurer ?

La police ne réussira pas toute seule, la gendarmerie ne réussira pas toute seule. Il faut que les populations collaborent. Mais nous les rassurons que nous travaillons à leur sécurité. Nous ne publions pas souvent nos résultats pour les besoins d’enquête. Tant qu’on a pas mis la main sur tout le réseau, il y a des choses qu’on ne peut pas dire.

Mais dans les jours à venir, nos enquêteurs sur le terrain donneront quelques résultats. Il faut que les gens sachent que le combat contre la criminalité est un combat de longue haleine. Nous sommes encadrés par un certain nombre de textes et nous ne pouvons pas faire n’importe quoi. Nos éléments ont été formés dans le respect de la loi et ils travaillent dans ce cadre. Nous ne pouvons et ne devons pas agir en dehors des lois. Je voudrais ajouter que face au phénomène du grand banditisme nous avons activé un plan de réponse depuis le 12 février appelé «Plan de sécurisation de la ville de Ouagadougou».

Il a commencé à Ouaga 2000 et est en train de se dérouler actuellement dans les principaux quartiers criminogènes de la capitale. Permettez-moi encore d’en rester là. Sans dévoiler les séquences de ce plan pour des raisons que vous connaissez, nous pensons qu’à l’issue de son opérationnalisation, la situation va s’améliorer davantage .

Interview réalisée par Boureima SAWADOGO

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