CAN 2019 : Le dieu Salah est tombé sur la tête !

CAN 2019 : Le dieu Salah est tombé sur la tête !

Pour qui connaît l’Afrique et ses croyances mystiques aussi farfelues que complexes et étonnement convaincantes, sait que son environnement footballistique, surtout à un haut rendez-vous comme celui de la CAN, se conjugue avec des becs d’aigles, des queues d’éléphants, si ce n’est des peaux de Léopards ou des crins de Lions. Qu’à cela ne tienne, personne, pas même les dieux vaudou n’auraient pu prévoir que l’Ecureuil du Bénin, fut-t-il des forêts sacrées de Ouidah, de Savalou ou de Sakété, allait croquer en pleine dent, le Lion de l’Atlas, en terrain conquis, à un jet de fronde de sa tanière. Pas même l’arbitre du match l’Angolais Hélder Martins de Carvalho ne l’aurait parié. Lui qui aurait été mieux inspiré d’aller se prélasser au bord du Nil que d’arbitrer cette rencontre. Et le comble pour les poulains d’Hervé Renard qui avaient conjuré la malédiction arc-en-ciel des Bafana-Bafana au 1er tour.

Le coup de théâtre s’est produit le vendredi dernier. Finaliste en 2004 et quart de finaliste de la dernière édition de la CAN, le Maroc, qui figurait parmi les favoris a été sorti par le Bénin (1-1/ 1-4 tab), admis pour la première fois de son histoire, au stade des 8es de finale. Une élimination vécue comme un séisme par le royaume et l’ensemble de ses sujets, d’autant plus qu’en 5 confrontations depuis 92, le Bénin n’avait nullement réussi à inquiéter le Maroc. Sur fond de colère non dissimulée, la fin du match, suivie dans tous les cafés de la capitale et les faubourgs les plus reculés a été accueillie avec des cris de désolation. «Regrets éternels», «Honte d’être Marocain», s’insurgent les fans sur les réseaux sociaux, frustrés à l’évidence qu’une petite bande d’Ecureuils sans relief sur les tablettes du football africain, ait triomphé d’une horde de Lions qu’on annonçait redoutable et qui plus, chassait sous le flaire éclairé d’un certain Renard, en poste depuis 2016.

Maintenant que les dieux vaudou sont descendus sur les pyramides, on se demande bien jusqu’où iront les Ecureuils du Bénin, eux qui croiseront les Lions du Sénégal en quart de finale. Le plus étrange dans cette CAN tout aussi étrange avec ses rebondissements et ses faits divers, serait que cette formation du Bénin, si difficile à manœuvrer, réussisse le tour de force d’améliorer son prochain menu avec un deuxième lion, juste en résistant jusqu’aux tirs au but.

A peine les émotions de la surprise de l’éviction du Maroc retombées, les adeptes de la boule de cuir africaine allaient vivre un samedi de folie. Coup sur coup, le pays hôte l’Egypte et le tenant du titre le Cameroun, passaient à la trappe. On attendait Mohamed Salah et ses coéquipiers sur les cimes des pyramides, il faudra plutôt les chercher à la torche, dans les décombres encore inexplorés des tombeaux historiques des dieux égyptiens.

Au coup de sifflet final d’Egypte-Afrique du Sud (0 à 1), la vie s’est subitement arrêtée au stade international du Caire, avant de se propager dans une ondulation silencieuse, sur le reste du pays. Les cris, les chants, les danses qui présageaient une soirée bruyante dans les rues du Caire, ont fait place à la tristesse et aux pleurs. Cet Egypte, qui avait rassuré ses supporters en réalisant le carton plein pendant le premier tour, sans encaisser le moindre but, venait de quitter la CAN… sa CAN à domicile. Attendu par tout un peuple, Mohamed Salah célébré comme un Dieu avant ces 8es de finale contre l’Afrique du Sud, a traversé le match comme un figurant de film western des années John Wayne. Il quitte la CAN avec 3 buts et les larmes aux yeux, sous les insultes des supporters. Leur dieu est lourdement tombé sur la tête, et eux avec.

Naturellement, cette élimination ne pouvait pas passer sans embûches pour les responsables du football. Dans la foulée, le président de la Fédération égyptienne Hani Abou-Rida décide de démissionner. Mais avant, le désormais ex-premier responsable du foot égyptien (qui reste à la tête de la commission d’organisation de la CAN), a mis fin aux fonctions de l’entraîneur mexicain Javier Aguirre ainsi que tout son staff. 

Ce devrait être sa CAN. En plus d’avoir perdu l’organisation de la compétition au profit de l’Egypte, les Lions indomptables quittent prématurément la CAN après sa défaite à Alexandrie contre le Nigéria sur la note de 2 buts à 3. A force de défendre leur prime, les Lions camerounais ont oublié de défendre leur couronne. Dans ce pays où la mal-gouvernance, la gabegie et le laxisme sont aussi populaires que le football, rien d’étonnant que de tous temps, les Lions aient pour principe de s’agripper au gâteau immédiat. Le reste n’est qu’hypothèse ! Désormais fragilisé, il n’est pas certain que Clarence Seedorf, en poste depuis août 2018, et sa doublure Patrick Kluivert demeurent encore très longtemps sur le banc de touche. Et c’est cela aussi le Cameroun.

Sous ce soleil à faire tarir le Nil, le Sénégal a confirmé son statut en 8e, grâce à un court mais précieux succès face à l’Ouganda (1-0) sur un but de Sadio Mané. Mais au stade actuel de l’évolution des choses, le buteur sénégalais distance incontestablement le Pharaon dans la course au titre de joueur africain de l’année et du ballon d’or FIFA.

Repêchée parmi les meilleurs troisièmes, l’aventure de la RD Congo s’est vue exclure du jeu par les surprenants Malgaches, qui se sont invités sur la table des grands avec un appétit de fauve. Avec le même enthousiasme insouciant, ils ont démontré qu’ils étaient venus pour jouer au football. Victime de leur naïveté juvénile, ils se sont laissés cueillir à la 90e minute, alors qu’ils menaient sur le score de 2 buts à 1. A 4 tirs contre 2, l’inattendue Madagascar composte son ticket pour les quarts de finale devant une sélection de la RD Congo qui n’aura rien montré, si non qu’à se faire peur jusqu’à la rupture

Les résultats du Fennec d’Algérie contrastent avec sa puissance footballistique. Malgré ses grands noms et la performance de ses clubs, elle ne compte qu’un seul titre de Coupe des nations. Egypte 2019 vera-t-il le deuxième sacre des Fennecs ? Difficile à dire à cette CAN qui semble opérer sa mue, au gré du dérèglement climatique. L’Egypte et le Maroc out, la Tunisie peu rassurante, l’Algérie qui totalise 10 buts sans en concéder un seul, constitue une chance sérieuse pour les Nordistes du continent. Elle l’a confirmé en 8e de finale devant la Guinée de Paul Put, en infligeant au repêché guinéen un cinglant 3 à 0. Fringant lors des éliminatoires, le Syli national a été méconnaissable en cette phase finale. A force de balbutier son football, il a fini par voler en éclats.

Hamed Junior

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