Les Etalons du Burkina médaillés de bronze au Cameroun, c’est un véritable exploit qui aurait pu rester gravé dans les mémoires collectives et dans les annales du football burkinabè, voire africain.
Après un premier tour mi-figue mi-raisin qui ne laissait cependant pas indifférent les analystes de la boule de cuir, les Etalons du Burkina, séduisants par leur audace et leur insouciance juvénile, se sont invités sans coup férir à l’affiche du dernier carré de cette 33e Coupe d’Afrique des nations, renvoyant tour à tour les Panthères du Gabon et les Aigles de Carthage à la révision de leur football. Mais en demi-finale tout comme en match de classement, la soupe de tête de lion s’est avérée ingurgitable. Les Burkinabè ont même vécu une soirée cauchemardesque dans l’arène du stade Ahmadou Ahidjo. Un hold-up presque trop parfait pour espérer illusionner un lion profondément blessé. Avec une avance de 3 buts à 20 minutes du bonheur, c’est tout abasourdie que les supporters des Etalons ont impuissamment assisté à la déchéance de leur onze national. Tel dans un film western des années 70, le capitaine Bertrand Traoré et ses camarades ont entretenu l’espoir d’une médaille de bronze, avant de revêtir la tunique de chefs bandits insolents qui se font dégommer avant le générique de fin. Pas de doute, ces Etalons-là sont les dignes fils du pays du cinéma.
C’est peut-être d’ailleurs-là, toute la singulière de cette biennale du football africain, qui aura réussi à faire descendre des collines de Yaoundé, le vieux Lion vénéré. Passionné de cyclisme plutôt que de football, le président Paul Biya, selon plusieurs témoignages, n’aurait jamais mis les pieds dans un stade au Cameroun, surtout pas celui qui porte le nom de son prédécesseur. L’histoire du gigantesque stade moderne Paul Biya d’Olembé est peut-être inspirée par cette envie politico-sportive, d’identifier les Lions indomptables à une arène qui porte la griffe du sage de la tanière. Sauf que contrairement au stade Ahmadou Ahidjo, devenu un sanctuaire imprenable depuis plusieurs années, le nouveau temple du football camerounais ne semble pas porter chance aux Lions indomptables, mis en difficulté par les Etalons du Burkina à l’entame de la compétition et finalement éjectés par les Pharaons d’Egypte. Pire, ce temple présenté comme l’un des plus majestueux du continent va devoir vivre avec des ombres funestes, suite à la bousculade qui a fait officiellement 8 morts lors du match qui a opposé le Cameroun aux Comores.
Néanmoins, en attendant le bilan sportif, financier et sans doute politique, la 33e édition de la CAN a enregistré un franc succès populaire. C’était potentiellement d’ailleurs cela l’objectif, et les populations de Yaoundé, Limbé, Bafoussam, Garoua et Douala ont massivement exprimé leur reconnaissance au père de la nation qui, dans sa générosité légendaire, a offert cette fête de football à la jeunesse camerounaise. D’ailleurs, le show à l’américain aussi bien marqué à l’ouverture qu’à la cérémonie de clôture, avec les artistes musiciens les plus en vogue du moment démontrant aisément, que le public cible n’est tout autre que la jeunesse, porteuse d’espoir certes, mais parfois aussi de germes déstabilisateurs.
Considéré comme un duel entre l’expérience et le talent, les Pharaons d’Egypte et les Lions du Sénégal sortent chacun d’une finale perdue. L’Egypte en 2017 devant le Cameroun et le Sénégal en 2019 face à l’Algérie. Pendant que les Lions de la Téranga prenaient pied sur la pelouse en rêvant d’un premier sacre continental, les Pharaon eux, ambitionnaient d’enfiler leur 8e étoile. Une rencontre à la fois physique et technique, dans une fusion de force collectif et de génie individuel, le tout surmonté d’une détermination de vaincre. Les deux têtes d’affiche du match et coéquipier en club (Liverpool) avaient d’ailleurs donné le ton. Pour Salah, repartir avec le trophée était impératif, pendant que Mané lui, était fermement convaincus que c’était l’occasion ou jamais. Bref, un cocktail tel que l’adore les amoureux du football qui n’ont d’ailleurs pas marchandé le déplacement d’Olembé, convaincu que tous les ingrédients sont réunis pour vibrer et clore la fête en beauté.
Chaque finale ayant son histoire, celle d’Olembé aurait pu se résumer à un penalty manqué. Pour le camp sénégalais, la 33e finale du genre débute plutôt bien, sous la parure d’un penalty. Malheureusement, l’exécution mal assurée de Sadio Mané permet au gardien égyptien de se mettre en évidence et d’entretenir par conséquent, l’ascendance psychologique sur l’adversaire du jour. Du coup, l’Egypte s’est installée dans sa bonne vieille habitude : tenir le coup jusqu’aux tirs au but. Et ce fut le cas, malgré la prolongation. Les Lions sont à découvert sur un terrain que les Pharaons affectionnent à merveille, notamment par le truchement de son excellent portier. C’était oublier que le meilleur gardien du monde est dans les perches des Lions. Sadio Mané en dernier tireur se rachète et expédie son pays sur le toit de l’Afrique. Après deux finales perdues (2002 et 2019) Aliou Cissé et ses garçons décrochent enfin le graal tant espéré. Nul ne doute que Dakar, Ziguinchor et autre Thiès vont s’enflammer cette nuit. Plus qu’une étoile, c’est le prix de la patience qui sera célébré par tout le Sénégal…
Hamed Junior
COMMENTAIRES