Il était plus ou moins attendu à ce tournant. Il y est arrivé. Avec un cortège pas très différent de ce qu’on avait imaginé. Le fils de Mouamar Kadhafi, Seif El Islam, a décidé de se lancer dans la course pour la présidentielle de son pays, la Libye.
Bassem al-Hashimi al-soul, le porte-parole de la famille, l’a annoncé à Tunis hier 19 mars 2018. Mais l’héritier a donné le ton. Il ne veut pas être vu comme le fils du guide. Mais un candidat à part entière avec sa particularité. Arrêté le 18 novembre 2011 et embastillé à Zenten pendant 5 longues années, le Play Boy de la fratrie Kadhafi a été libéré en juin 2017 et s’était claquemuré dans un silence qu’on savait calculateur, car, malgré le massacre de son père de Guide, et de certains de ses frères, et de la situation actuelle de la Libye, on devinait que le «glaive de l’islam» ne pouvait rester longtemps au fourreau. Il s’agissait ni plus ni moins qu’une volonté de rattrapage de Seif El Islam, car du vivant de Kadhafi il faisait figure de dauphin, malgré la kyrielle de fidèles qui murmurait à son oreille tels les Moussa Koussa, Abdallah Al Senoussi. La fin de la Jamahiria aura mis un terme momentané à cette velléité de dévolution monarchique, mais vivant et libre provisoirement (?), le second fils ne fait qu’essayer de remplir un vœu paternel : reprendre son sceptre pour poursuivre cette révolution. Les chats ne font pas des chiens, et sans doute, Seif El Islam qui dit vouloir battre son programme sur le dialogue et la réconciliation, vise également une revanche posthume de son géniteur, massacré, et dont le corps fut l’objet d’une indécente exposition. Il reste un Kadhafi. Et si l’Etat c’était son père, la société civile c’est lui, le visage humain des Kadhafi . Le dossier DC 10 d’UTA en 1989, c’est lui ! la libération des otages de Jolo ? encore lui ! Mais si Seif se donne désormais des ambitions nationales, il n’ignore pas que ce combat là n’est pas gagné d’avance, et même à bien des égards se veut être ingagnable. D’abord deux épées judiciaires pendent sur sa tête : il a été condamné par contumace par les autorités de Tripoli le 28 juillet 2015. Et la Thémis de La Haye Fatou Bensouda est toujours à ses trousses. Et encore !
Comment compte-t-il battre campagne dans cette Libye faillie, qu’enserrent les Katibas djihadistes qui tentent d’en faire un sanctuaire ?
Et puis pendant qu’on y est que compte –t-il faire des deux frères libyens qui occupent le terrain : Haftar et Sarraj, dont le faible armistice obtenu à Celle-Saint-Cloud par Macron demeure fragile ?
Sur quelles tribus va-t-il s’appuyer, pour se faire adouber, dans cette mare à café qu’est devenue cette terre des Bédouins même s’il dit avoir le soutien de ces dernières ?
Si donc cette échéance électorale a lieu à mi 2018, car cela relève aussi du miracle que dans cette Libye actuelle, une présidentielle puisse se tenir mais si par extraordinaire, elle est une réalité, c’est un Seif Islam qui jouera sa vie s’il va jusqu’au bout, et c’est déjà un grand pas que d’essayer cette revanche outre-tombe du qaïd as Thawra (Guide de la révolution). Quelque part dans cet immense désert où il repose dans l’anonymat, lieu qu’il adorait tant, Kadhafi doit sourire, et est fier de ce fils qui tente cette rédemption. Reste à en connaître la suite.
Il faut dire que son objectif est clair : faire sortir son pays de l’ornière et le remettre dans cet orbite duquel il a dévié depuis la chute du Guide, le conduisant dans un dédale de chaos qui lui a perclus le corps d’ecchymoses d’ordre social, économique et politique.
L’ex bagnard de Zenten pourra-t-il se présenter devant les électeurs sans que l’ombre tutélaire de son père hors du commun ne s’élève automatiquement derrière lui ? Autrement dit, est-il certain que le patronyme Kadhafi est toujours électoralement vendable ? Car la bataille s’annonce cependant ardu, non seulement sur le chemin de la campagne électorale mais également sur le champ de la gouvernance, si jamais il venait être choisi par ses compatriotes pour tenter de redresser le tronc du baobab Libye.
Ahmed BAMBARA
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