Que Cellou Dalein Diallo craigne que Condé lui «vole sa victoire», on comprend, qu’il redoute une flibusterie électorale, c’est possible, qu’il pense que la CENI est stipendiée par le pouvoir, c’est son droit, que le refus de remettre des copies des PV de dépouillements à ses délégués est suspect, on peut lui consentir ça, qu’il ait toujours l’os du scrutin de 2010 au travers de la gorge peut l’inciter à être sur le qui-vive.
Mieux que la compilation des suffrages de ses 3 800 disséminés à travers les bureaux de vote lui donne une nette avance sur le président-sortant, ne fait pas foi car ce n’est pas ni la CENI, encore que la centralisation se poursuivait au moment où le leader de l’UFDG a proclamé «sa victoire». Mais quelle mouche du coche a bien piqué l’enfant terrible du Fouta Djalon pour qu’il se précipite au QG de sa campagne pour faire cette déclamation, aussi irresponsable que dangereuse ? Satisfaire un ego hypertrophié ? Provocation ? Lentement, sûrement et irrémédiablement, Cellou Dalein est gagné par le syndrome Ping, Kamto…
La sagesse et la responsabilité recommandaient qu’il attende la proclamation des résultats par la CENI, qu’il les conteste, preuves à l’appui et refuse de reconnaître la victoire d’Alpha Condé ! Option de la «ruecratie» en désespoir de cause ?
En montrant une telle frilosité, Cellou perd la côte auprès de tous ceux qui le créditaient d’être une alternance et une alternative à ce dur désir de Condé de demeurer au palais de Sekoutoureya.
La crainte de se retrouver le bec dans l’eau pour la 3e fois a-t-elle fait perdre la raison à ce technocrate qu’on dit avoir la tête sur les épaules ? En tout cas, cette proclamation ex cathedra alourdit la thèse du pouvoir qui pense que Cellou diffuse de «faux résultats pour semer le trouble».
Car du côté du pouvoir, le premier ministre Kassory Fofana a publié sur Facebook, avant d’effacer, qu’au vu des tendances, il est impossible à l’UFDG de gagner cette présidentielle !
Le spectre tant redouté est donc là : l’acceptation des résultats sera la goupille ôtée qui fera exploser la grenade.
Objectivement, Cellou vient de déclarer la guerre à la coalition RPG-arc-en-ciel et il vient défier le pouvoir sortant, qui est toujours aux commandes !
En voulant court-circuiter Condé, Cellou a aggravé son cas, il est indéfendable. Au Cameroun Kamto avant lui, avait prétendu avoir marqué le pénalty, il a fini dans les donjons de Biya, et il est retourné ces derniers mois. Jean-Ping et Obome au Gabon, se sont proclamés vainqueurs, cela a fini de façon lamentable. A moins que la Guinée ne s’engouffre dans l’impasse ivoirienne de 2010 !
Peu probable, la Guinée n’est pas la Côte d’Ivoire, elle n’est pas divisée, il n’y a pas d’ex-rébellion, et Alpha Condé, reste toujours le président, jusqu’à la prestation du prochain président. Même si la guérilla urbaine se dessine…
Cette sortie tonitruante, passablement surréaliste et absconse ouvre largement les portes de l’enfer qu’on savait entrebaillées depuis plus d’un, au cours duquel, on a dénombré 92 victimes de violences politiques. Le tour de chauffe de samedi dernier veille du vote à Conakry, était semble-t-il avec le recul, une répétition générale pour les manifs post-élections. De l’autre côté également, les hommes du premier flic de Guinée, Damentang Albert Camara, ne laisseront pas s’installer l’anarchie et le nihilisme ! C’est parti pour un face-à-face déséquilibré et potentiellement sanglant entre le forces de l’ordre et les «sections cailloux» de l’UFDG. Cellou offre là toutes les raisons au pouvoir dont les prérogatives sont de garantir la paix et la sécurité pour tous les citoyens, il offre la verge pour mâter ses partisans. Du reste, il faut que les ouailles de l’UFDG réfléchissent par 2 fois avant d’aller servir de chair à canon face aux fusils des securocrates. Dans cette Guinée où les tirs à balles réelles sur les manifestants sont… réels. Et on ne pourra que donner raison à Condé, si entre l’injustice et le désordre, il choisisse l’injustice.
Et si Condé avec cette volonté de 3e mandat n’est pas un démocrate, Cellou, ne l’est pas non plus et avec cette posture, on en vient à se poser de plus en plus la question sur le cas des opposants africains, qui ont longtemps mariné dans l’opposition, et qui voient souvent, le pouvoir leur échapper pour toujours : sont-ils mieux que ceux qu’ils veulent remplacer ? Beaucoup commencent à en douter !
Richard SEKONE
Envoyé spécial à Conakry
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