Les présidents burkinabè et ivoirien ne pouvaient certainement pas rêver mieux pour donner un coup de fouet au Traité d’amitié et de coopération (TAC) entre le Burkina et la Côte d’Ivoire dont la 5e cuvée a eu lieu en juillet dernier, à Ouagadougou. Le chemin de fer qui relie Ouagadougou à Abidjan sera requinqué d’ici à 2021. C’est l’engagement pris par le géant français Bolloré.
Il investit ainsi 260 milliards de francs CFA de ciment pour raffermir les deux briques qui scellent l’amitié entre deux pays voisins unis par les liens de l’histoire et des peuples. Cette route en avait besoin, non seulement à cause de son importance (200 000 passagers y transitent par an), mais aussi à cause de son état de décrépitude avancée.
Le train, qui devrait assurément rouler plus vite et réduire la distance et le temps, se retrouve à clopiner à 40 kilomètres/heure, ralentissant ainsi le flux des affaires. Le savonnage des 1 145 kilomètres va permettre de faire émerger de terre 50 ouvrages d’art, de faire reluire 31 gares, des ponts et des passages à niveau.
En attendant la réalisation de l’autoroute Yamoussokro-Ouagadougou et les autres promesses contenues dans les discours et les documents échangés lors du dernier sommet du TAC, cette alliance en fer concrétise un peu plus la volonté affichée des deux Etats qui ont failli, il y a deux ans, casser le calumet de la paix et de la bonne entente. L’illustre français, qui a ses quartiers à Puteaux en France n’a pas le sobriquet de Bolloré- l’Africain pour rien : présent dans les ports, la logistique, il a beaucoup investi sur le vieux continent qui, le lui rend bien, même et n’en déplaise à ceux qui crient toujours à l’exploitation.
Car les usagers du rail Abidjan-Ouaga, savent depuis des années qu’emprunter le train sur ce tronçon s’apparente à un travail éreintant : deux jours de trajet, service approximatif à l’intérieur, sièges qui laissent à désirer… Ainsi, Bolloré redonnera vie, commercialement et animation à des dizaines de villages qui végétaient depuis que les trains ne les desservaient plus. ça n’a l’air de rien, mais c’est beaucoup.
Bolloré, par cette réhabilitation, fait donc œuvre utile et assène un coup de fouet galvanisant au moteur de la coopération. C’est également et certainement, au-delà des affaires que poursuit toute entreprise, de donner un certain éclat à l’image de la France.
La course vers le continent africain devient effrénée. Les entreprises du monde entier savent que l’avenir s’y jouera (s’il ne s’y joue déjà), et il est nécessaire de se hâter pour ne pas occuper les dernières places. A commencer d’ailleurs par le même Bolloré à qui l’on fait un mauvais procès d’hégémonisme car la Chine lui taille de larges croupières.
On peut ne pas aimer Bolloré, pour ses allées dans les palais présidentiels, encore que comme il aime à le dire «il n’est pas l’homme des chefs d’Etat, mais des populations », mais du port à conteneurs d’Abidjan à celui de Conakry en passant par Lomé, Bolloré a de l’expertise à revendre. Certes, les Africains peuvent également monter sur leurs grands chevaux en arguant que SITARAIL, fruit de la sueur et du sang de nos grands parents a été repris par Bolloré, pour une bouchée de paix (CQFD), mais, est-on certain que sans Bolloré le rail n’aurait pas cessé d’exister ?
Car exception faite d’un Thomas Sankara, le père de la Révolution burkinabè, qui a ajouté une centaine de kilomètres à ces rails à savoir Ouaga-Kaya, visant le transport du manganèse de Tambao, rien n’a été fait pour le chemin de fer, dont l’appellation éculée Abidjan-Niger, n’a du reste que nom. C’est dire que ce relookage des rails Abidjan-Ouaga n’est pas mauvais, tant que les actions et les investissements accorderont du bénéfice au continent, comme cette coulée de béton de Bolloré entre les interstices de l’amitié entre le pays de l’Ivoire et de celui des «Hommes intègres».
Ahmed BAMBARA
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