CHU de Bogodogo : Incursion dans l’univers des diabétiques

CHU de Bogodogo : Incursion dans l’univers des diabétiques

Le diabète constitue de nos jours un motif de plus en plus fréquent de consultation dans les formations sanitaires. Selon une enquête du ministère de la Santé en 2013, la prévalence de la maladie est de 9% ce qui représente aujourd’hui environ 1 million de Burkinabè atteints par cette maladie. Le mardi 19 janvier 2021, nous sommes allés à la rencontre de personnes vivant avec le diabète au Centre hospitalier universitaire de Bogodogo (CHUB), où ils étaient programmés pour la consultation du jour. A cœur ouvert, ils partagent leur vécu quotidien.

Là, en plein cœur de l’ex- site du CMA du 30, devant un bureau où il est écrit  sur la porte d’entrée : «Dr Marie Madeleine Rouamba», attendent patiemment sur des chaises, des hommes et des femmes. Ils ont rendez-vous à 8 heures avec le Dr Rouamba, médecin interniste, pour une séance de consultation. En effet, cette dernière reçoit deux fois par semaine, une dizaine de diabétiques en  consultation. Parfois, il peut arriver qu’elle soit sollicitée en dehors de ce programme établi. La patronne des lieux n’étant pas encore là en cette matinée du mardi 19 janvier 2021, c’est un de ses collaborateurs  qui se charge de rassurer les patients venus depuis 7 heures pour certains, visiblement tenaillés par le vent froid de l’harmattan. «Le Dr arrive. Elle est en route», les a-t- il informés. Covid-19 oblige, quelques gestes barrières comme le port du masque ne sont pas négligés. Comme annoncé, Dr Rouamba ne tarde pas à se manifester. Elle s’y amène peu après 8 heures. Le temps de s’installer  et mettre en place son dispositif d’accueil, des tickets sont distribués aux visiteurs du jour selon l’ordre d’arrivée de chacun. Au même moment, certains qui n’avaient pas encore réglé leurs frais de visite (qui coûtent 3000 francs) se précipitent à la caisse de l’hôpital. Le premier à être appelé est une dame, la cinquantaine environ. Avec son accompagnatrice, elles y passeront une bonne dizaine de minutes avant d’y ressortir. Pendant ce temps, dans le  groupe qui patientait, des malades acceptent de s’ouvrir à nous. C’est le cas d’Ambroise Tiemtoré, diabétique depuis 7 ans. Médecin à la retraite, il dit  l’avoir découvert au cours d’un bilan de santé. A partir de cet instant, explique-t-il, «j’ai commencé à surveiller tout ce que je mangeais. Le médecin qui me suivait m’a prescrit un médicament que je prenais. Aujourd’hui, même si ce n’est pas totalement parti mon état est supportable». Pour ce sexagénaire, à part la fatigue et quelques contraintes (boire beaucoup d’eau ou se lever maintes fois pendant la nuit pour uriner), le diabète n’a pas d’impact en tant que tel sur lui. Côté social, il entretient toujours de bons rapports avec ses proches. En effet, en plus des conséquences sanitaires, c’est une pathologie qui engendre des conséquences socio-économiques aussi bien pour l’individu, sa famille et la communauté dues aux coûts de la prise en charge.

Pour venir à bout de ce mal répandu mais ignoré, M. Tiemtoré ne manque pas de propositions : «les autorités doivent  davantage  communiquer afin que la population sache que ce n’est pas une maladie des gens aisés comme ce qui se raconte un peu partout». En plus de cela, il suggère la mise en place d’un programme conséquent de prévention et de surveillance des traitements de cas de diabète.

«Je ne sais pas comment ça va se terminer»

Les statistiques disponibles sur le diabète au Burkina sont en déça de la réalité. Un malade sur deux ne se sait pas malade et nombreux sont ceux qui  découvrent  tard leur maladie. «Je l’ai su il y a de cela 5 ans. Je ne me sentais pas et c’est  suite à un examen qu’on m’a informé que le taux de sucre est élevé dans mon organisme», confie Azarata Yabré née Moimbou. Grâce aux différents traitements qu’elle dit avoir suivi, ce taux a baissé à un moment donné avant de remonter. Une situation qui n’est pas sans conséquence. «Ça me décourage. Je ne sais pas comment cela va se terminer», souligne-t-elle, les yeux presqu’embués de larmes. Mais loin d’abdiquer, cette veuve, âgée d’une cinquantaine d’années, dit s’en remettre aux médecins. «Je suis leurs conseils parce que je veux retrouver la santé pour pouvoir m’occuper de mes enfants», déclare Mme Yabré, toute nouée.

Pendant que d’autres  patients retardataires continuent d’affluer, le défilé se poursuit dans le bureau de Dr Rouamba. Nos deux interlocuteurs, successivement,  sont reçus à leur tour.  Enveloppé dans son capuche rouge noir, un jeune attire notre attention. Difficile de voir son visage avec le large bonnet qui recouvrait sa tête et le cache-nez qu’il portait. Après quelques échanges de civilités, Saïdou Sankara, contrairement à ce que nous avons cru, nous confie qu’il ne souffre  pas de diabète. «J’ai mal au rein et le Dr m’a recommandé un examen», explique le jeune commerçant tout en nous brandissant l’enveloppe dans laquelle se trouve les résultats de l’examen qu’il avait par devers lui.

Par ailleurs, trois faits majeurs ont marqué notre immersion dans ce milieu. Primo, Il y a moins d’hommes que de femmes  à la séance de contrôle. Pourtant, les chiffres montrent qu’il y a plus d’hommes malades que de femmes. Selon les explications de la spécialiste en médecine interne, «les hommes n’aiment pas patienter. Leurs activités professionnelles  semblent plus les préoccuper que leur santé». Secondo, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne financièrement. Si l’accès aux médicaments ne constitue pas un réel souci pour certains, d’autres par contre ont du mal à se procurer les produits. C’est le cas de dame Yabré. «Chaque mois je suis obligée de dépenser environ 10 000 F. Avec des enfants à prendre en charge je vous assure que ce n’est pas facile pour une veuve», a-t-elle confessé avant de clamer de tous ses vœux : «si certains médicaments comme les calmants pouvaient  nous être octroyés gratuitement ç’allait nous soulager un peu». Propos soutenus par Salif Tapsoba, qui a accompagné sa génitrice. «Nous souhaitons vraiment que l’Etat nous accompagne sinon c’est compliqué. En plus du régime alimentaire du malade qui n’est pas plus comme avant nous devons payer des produits chaque mois». Le troisième et dernier fait marquant, c’est l’ambiance bon enfant qui existe entre patients. En effet, à force de se côtoyer, une certaine familiarité s’est développée entre ces hommes et femmes du troisième âge pour la plupart, venus de divers horizons, qui partagent  et ce, pour le restant de leur vie, le même mal. Mais, en attendant, la séance du jour tire vers sa fin et les uns et les autres se donnent rendez-vous dans quelques mois (trois ou quatre).

 

Boureima SAWADOGO

 

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