Colonel  major  Pierre  Sanou : «C’est La CRAD qui a dit à Diendéré  d’assumer le coup d’Etat»

Colonel  major  Pierre  Sanou : «C’est La CRAD qui a dit à Diendéré  d’assumer le coup d’Etat»

Trois officiers supérieurs de  l’armée burkinabè étaient convoqués hier mardi 5 mars 2019 à la barre du tribunal militaire de Ouagadougou,  à savoir, les colonels majors Pierre Sanou et Sié Toué ainsi que le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba. Celui qui a le plus retenu l’attention des différents acteurs de ce procès est sans doute le colonel-major Pierre Sanou. En effet, il a affirmé que c’est la Commission de réflexion et d’aide à la décision (CRAD) qui a demandé au général Gilbert Diendéré d’assumer le coup d’Etat pour éviter les dérapages.

Coup de  tonnerre  au procès du putsch manqué du 16 septembre 2015 !Dans notre édition du lundi 4 mars avons titré : «Procès putsch manqué : Les témoignages de la hiérarchie se succèdent et s’apparentent». Après la suspension de lundi pour cause de décès, l’audience a repris du service hier mardi  avec la convocation de nouveaux  témoins,  tous  des officiers supérieurs de notre armée. Premier à être appelé pour faire son témoignage, le colonel major Pierre Sanou. Ce dernier  a surpris plus d’un présent  dans la salle  des banquets par ses déclarations qui se détachent nettement de celles faites par ses prédécesseurs composites de la Commission de réflexion et d’aide à la décision (CRAD). En effet, il a confirmé des points essentiels  que  n’a cessé de clamer  haut et fort  ‘’Golf’’.  Après l’échec des négociations avec la troupe, «La CRAD a demandé au général d’assumer le coup d’Etat pour éviter le chaos», déclare l’officier supérieur qui ne s’est pas limité à là. Sur la notion du maintien de l’ordre, il  indique que la  question  a été évoquée lors  de la  réunion  du 16 septembre. Et sur ce, le  témoin assermenté a soutenu que c’est le chef d’état- major de la gendarmerie nationale, le colonel major Touandaba Coulibaly qui a manifesté le besoin en matériel. Autre point important à noter, la réunion du lendemain 17, considérée comme une rencontre d’information par le colonel major Sanou. A l’en croire, c’est le Chef d’état-major général des armées (CEMGA) Pingrenoma Zagré qui a introduit Diendéré en ces termes : «Veuillez accueillir Monsieur le président du CND, entendez Conseil national pour la démocratie». Ainsi, tous les participants se sont mis  debout pour saluer l’homme fort du Burkina à l’époque, qui a profité pour porter un certain nombre d’informations  aux différents chefs militaires. Il s’agit entre autres de l’arrivée des médiateurs de la CEDEAO, la libération de certains otages… Répondant au parquet qui a cherché à savoir si par ces  actes, la  CRAD avait fait allégeance aux putschistes, l’intéressé est on ne peut plus clair : «C’était juste une réunion d’information et il n’a pas été question d’une quelconque allégeance». S’adressant toujours au ministère public il explique que la demande a été adressée au natif de Yako d’assumer l’acte car c’est lui qui était le porteur du message  faisant  cas de l’arrestation  des autorités.

Le général Diendéré remercie le témoin pour sa franchise

Pour la première fois, l’homme mince n’avait rien à dire lorsqu’il fut convoqué à la barre en compagnie du colonel major  Boureima Kiéré, par le  président du tribunal Seidou Ouédraogo. De ce fait, nous comprenons aisément qu’il  est en phase avec ce qui a été relaté. En sus, c’est  la première fois  également que la déposition d’un témoin  relevant de la hiérarchie  militaire au moment des faits  est bien accueillie  du côté de la partie défenderesse. Mieux, il a même été complimenté par  les conseils du général aux deux étoiles. Même si d’autres ont tenté de  nier, Me Abdoul Latif Dabo estime que les déclarations du témoin du jour confirment certains aspects des déclarations de  Diendéré et  de Kiéré, notamment sur le maintien de l’ordre, sur l’introduction de son client à la réunion du 17… «On se rend compte que la déposition du colonel  major va en droite ligne de celle  général», assure l’auxiliaire de justice. Fort de cela, il  se dit convaincu  que les déclarations de certains officiers supérieurs passés à cette barre  ont été programmées, millimètrées et orchestrées. Avant de rejoindre le box des accusés, l’ancien  chef d’état- major particulier de Blaise Compaoré a tenu à louer le témoin  pour sa bonne foi. «Je vous remercie pour votre franchise», lance – t- il avec un air souriant.

L’ancien  commandant du GCA, comme deuxième témoin

A la suite de Pierre Sanou, un autre colonel major s’est avancé devant le tribunal. Il s’agit de Sié Toué, commandant du Groupement central des armées (GCA) au moment des faits. Pour lui, c’est le 17 septembre après avoir suivi le communiqué du CND, qu’il a été  invité à participer à la réunion de la CRAD. «Le général Diendéré a confié que c’est un mouvement d’humeur qui s’est soldé par un coup d’Etat qu’il assume», raconte l’actuel attaché de défense du Burkina à Abuja. En ce qui concerne les exactions, il a regretté le fait que des éléments du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) ont pourchassé des manifestants en effectuant des tirs en l’air jusque dans les logements situés derrière le lycée Marien N’Gouabi. Par ailleurs, il a laissé entendre  que dans les environs, non loin du Centre culturel des forces armées, sur la voie menant à Larlé, deux corps ont été retrouvés probablement des personnes atteintes par  des balles. Dans son mot de fin, Sié Toué, tout en témoignant sa compassion aux parents des victimes et aux blessés a souhaité que ce procès serve d’école à leurs jeunes frères d’armes.  L’armée doit s’éloigner de la scène politico-politicienne, a t- il conclu. A la suite du colonel major Toué, c’est le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba qui  a été appelé. Il est reproché à l’ex-commandant du 11e Régiment d’infanterie commando de Dori (RIC) d’avoir voulu apporter un soutien aux putschistes à travers une  communication téléphonique qu’il a eue avec le général Djibrill Basolé le 26 septembre de l’année 2015. Confronté à la transcription de cet élément sonore contenu dans le dossier, le lieutenant- colonel ne reconnaît pas toute l’intégralité de la pièce. Selon lui, des parties ont été omises et d’autres ajoutées. Prenant la parole, le procureur militaire s’est dit surpris de cette attitude. «Nous sommes étonné que le témoin ne reconnaisse pas l’intégralité de la transcription sonore que lui a fait écouter le juge d’instruction», déplore-t-il.  Qu’à cela ne tienne, il précise qu’au moment venu, l’élément sonore lui sera présenté afin de situer les choses. L’audience se poursuit ce matin avec Jérémie Ilboudo, un agent de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Ce dernier, faisant partie de la mission qui a consisté à rechercher la radio de la Résistance  a expliqué comment cela s’est fait.

Boureima SAWADOGO

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