Condamnation de Hajar Raissouni au Maroc : Un coup de pub dont Rabat aurait pu se passer

Condamnation de Hajar Raissouni au Maroc : Un coup de pub dont Rabat aurait pu se passer

Ni le brûlot médiatique des 490 femmes, lequel tribune libre n’aura pas eu le même effet que les ‘’343 salopes’’ de l’IVG, publié le 12 avril 1971 dans le Nouvel obs. ni la bronca des droits-de-l’homiste, avec Human Rights Watch en tête encore moins le Conseil national des droits de l’homme marocain n’ont pu assouplir la main du tribunal de Rabat qui a finalement fait tomber son lourd cimeterre sur la tête de la reporter Hajar Raissouni.

La foultitude d’avocats et le soutien de ses confrères n’auront donc pas suffi. Le glaive de la Justice a tranché pour Hajar Raissouni. Un an de prison ferme pour avortement et relations sexuelles hors mariage. Son gynécologue en a pris deux ans et même son ‘’fiancé’’ n’a pas échappé  à la fureur judiciaire. L’anesthésiste a pris un an de prison et une secrétaire médicale a vu son casier judiciaire être taché d’une peine de huit mois avec sursis.

Pourtant, pendant le procès, la défense de la journaliste a fourbi une preuve médicale attestant que  Hajar Raïssouni souffrait d’une possible fausse couche qu’il fallait traiter, et non d’un avortement. Ce qui du reste peut emprunter le chemin de l’absurdité puisque son conjoint est là et qu’il prévoyait se marier le 14 septembre 2019. Un mariage désormais annulé par la faute d’une procédure judiciaire que les confrères de Raissouni accusent  de flirter avec une main politique. Une question basique : depuis quand des adultes regardent la loi avant d’avoir des relations intimes ? «Mon corps m’appartient, il n’est ni à ma mère, ni à mon père, encore moins à l’Etat» chanté en chœur par les milliers de femmes marocaines vont dans ce sens.

Difficile de ne pas tourner le regard vers cette direction puisque la journaliste a tout pour s’attirer les foudres du pouvoir. D’abord, elle travaille pour un canard, Akhbar Al-Yaoum, qui n’a sa plume pas dans la poche et se montre très acerbe et critique envers le gouvernement. Ce qui n’est pas fait pour plaire, même dans les régimes où la démocratie est tirée au nirvana.

Ensuite, Raissouni est la nièce d’un éditorialiste à la plume tout au aussi trempée dans le vitriol contre les dirigeants, sans compter cet autre lien de parenté qui la rattache à  un idéologue islamiste ultra-conservateur. Un cocktail qui est fait pour déclencher l’animosité des tenants de la force publique. Autant d’arguments qui permettent de trouver des stratagèmes pour la mettre à l’ombre de façon «propre» et sans tordre (pas trop) le cou à la loi et pour faire bien aux yeux de l’opinion publique. Mais même avec ces facteurs aggravants, c’est un recul dans la monarchie alaouite ouverte, où il est vrai le parti PJD, essaie d’imposer un rigorisme politique et social.

Mais depuis l’avènement de M6 au trône en juillet 1999, un vent de liberté souffle sur le royaume. D’où vient alors cette condamnation contrenature, qui ternit un peu l’image du Maroc. Est-ce une condamnation téléguidée ?

Malheureusement, si cette hypothèse est  avérée, le pouvoir du Roi Mohamed VI ne se rend pas service à lui-même. Lui qui tient tant à soigner son image à l’extérieur, en s’attaquant à la presse, est en train de ruiner ses efforts. En plus, il n’est pas certain qu’à l’intérieur de son «sérail», de nombreuses voix cautionnent cette façon de faire.

Cette condamnation judiciaire vient également jurer avec les engagements qu’il avait pris, à l’occasion de l’anniversaire de son couronnement, de lutter pour dissoudre les digues de l’injustice. On ne clame pas son amour pour la démocratie en toisant d’un regard torve et peu amène les voix qui s’élèvent pour critiquer ses tares. Rectifier le tir ne ferait pas de mal à la couronne marocaine. C’est pourquoi, M6 devra user de son pouvoir discrétionnaire pour lever l’écrou de cette femme condamnée pour autre chose, mais pas pour ce délit qui, si l’on voulait, enverrait pas mal de femmes au donjon.

Ahmed BAMBARA

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