Condé reporte les législatives et le référendum en Guinée : Reculade pour un saut périlleux

Condé reporte les législatives et le référendum en Guinée : Reculade pour un saut périlleux

Son prédécesseur et geôlier Lassana Conté aurait fort déprécié ce rétropédalage d’Alpha Condé. Celui qui repose pour l’éternité dans son village de Wawa, qui arrêta l’actuel président à Piné, le 13 décembre 1998 à la frontière libérienne et le maintint durant des années dans ses donjons, succédannés du camp Boiro n’aurait jamais compris les reculades et il aurait perlé dru… comme Condé. C’est la seule similitude entre les 2 hommes.

Couplé à la hussarde le 4 février aux législatives pour se tenir le 1er mars, le référendum plus que crisogène a été renvoyé avec les députations, pour le 15 mars prochain et ce, à 48 heures du scrutin.

Ce revolving du corps électoral décidé par Alpha Condé, semble être dicté par des impératifs d’ordres logistiques, politiques, stratégiques, et sécuritaires. Le président de la CENI Me Amadou Salif Kebe avait beau taper sa poitrine, pour clamer que quel que soit la date de ce scrutin couplé, l’administration électorale qu’il dirige serait prête, il savait qu’il était dans des incantations inutiles, car l’impact du rajout du référendum a multiplié la logistique de façon exponentielle, surtout un vote aussi sensible que celui-là.

Les citoyens voteront 2 fois, il faut 2 urnes et peut-être 2 isoloirs, le convoiement des résultats de l’intérieur vers Conakry, le dépouillement des PV se fera doublement, il faut revoir le budget, et les ressources humaines. Bref, la CENI ne pouvait pas être prête. C’est un argument massu qui peut expliquer ce report. Ce renvoi de double vote à 2 semaines pourrait permettre aussi au conglomérat présidentiel RPG-arc-en-ciel de mieux se pourvoir, car si l’absence de l’opposition réelle aux législatives ouvre de bonnes perspectives au camp du président-sortant, le référendum conflictogène lui reste une incertitude lourde de danger au double plan du taux de participation et aux résultats finaux.

Alpha Condé a-t-il reporté les votes pour une ultime tentative de ramener le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) aux élections ? Où est-ce du dilatoire compte tenu de la polémique sur le vrai-faux retrait de l’OIF par exemple, question de ne pas délégitimer des élections qui déjà se dérouleront avec une jambe en cautère ? Car ils ne sont pas nombreux les observateurs qui se bousculent pour surveiller un scrutin porteur originellement les germes d’une crise pré et post-électorale.

Sur le plan du réalisme politique donc, c’est la stratégie du sioux, cet indien d’Amérique qui depuis son tipi ou son wigwan rampera jusqu’à l’ennemi, sans bruit… Sauf que dans le cas présent, ni le FNDC, ni le peuple guinéen, ne peuvent se satisfaire du cynisme des 3 singes de la fable : ne rien voir, ne rien dire, ne rien entendre.

Si la modernisation de la Loi fondamentale, raison  serinée par le pouvoir pour expliquer ce toilettage au scalpel, et qu’il suffit que les Guinéens opposent un non massif pour que l’affaire soit pliée, chacun sait que ce ne sera pas aussi simple et que derrière les modifications sur le quota des femmes, l’obligation d’aller à l’école jusqu’à 16 ans, c’est la mention utile de l’article de la Constitution qu’il aurait fallu ne pas toucher. Et pour cause, il redonne 2 mandats potentiels à l’octogénaire Alpha Condé, déjà 10 ans locataire du palais de Sekoutoureya. Enfin, ce recul de 2 semaines devrait permettre de faire des réglages sécuritaires. Le pouvoir tient mordicus à faire savoir que l’armée, et les forces de l’ordre n’ont pas d’arme, ou qu’ils la garderont au pied.

Depuis ce projet référendaire, on dénombre 30 victimes constitutionnelles, qui ne sont pas morts de maladie mais de vraies balles, «qu’aucune force de l’ordre n’a tiré».

Dans cette Guinée où entre les opposants, la plupart d’ex-premiers ministres de Conté, la défiance avec Alpha Condé est telle, la violence n’est jamais loin de toute élection à fortiori un référendum contesté, et contestable. Ce report s’apparente à un recul de Condé pour mieux amorcer ce saut périlleux.

Périlleux : lié au péril, au danger, dangereux lit-on dans le Larousse et le Littré .

Zowenmanogo Dieudonné ZOUNGRANA

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