Le Rassemblement des Houphouëtistes (RHDP) s’en sort bien à ces sénatoriales. Une cinquantaine de postes raflés sur les 66 en jeu. Il y a donc de quoi sabler le champagne sur la joie des rassemblés, après cette victoire.
En effet, pour ces premières sénatoriales, la coalition au pouvoir a encore engrangé quasiment tout, et même si l’on se demande à quoi va servir ce sénat, cette haute chambre, aura la couleur du RHDP. Même si elle a été quelque peu facilitée par le boycott de l’opposition. En effet, l’opposition ayant pratiqué la politique de la chaise vide, ce fut un boulevard pour les ouailles du RHDP, de se tailler de larges croupières, y compris dans les fiefs des opposants. Toutefois, la satisfaction ne devrait pas être béate. Comme aux législatives, le mur du rassemblement révèle au jour qu’il est toujours lézardé. L’union n’est pas uniforme puisque des membres du parti de Alassane Ouattara ont soutenu des listes d’indépendants. On est emémoratif qu’aux législatives du 18 décembre 2016, les élus du RDR et du PDCI-RDA, les deux locomotives du RHDP étaient de 167 sur 254, mais que les indépendants avaient fait aussi leur entrée, symptomatique déjà à l’époque, que le mariage de raison au RHDP connaît quelques scènes de ménage. Pour ces sénatoriales, les indépendants ont montré qu’ils avaient de la vigueur dans la poigne de la mobilisation. Ils ont réussi à remporter des postes, faisant se poser des questions sur la plus grande échéance qui s’annonce. Cette percée à Yamoussoukro, la terre natale du grand Houphouët-Boigny et à Bouaké, fief d’une certaine ancienne rébellion, ne révèle-t-elle pas qu’il y a de la déception dans l’air quant aux actions de la coalition ? En étrennant le poste de la ville du Bélier, l’indépendant Léon Loukou Kouamé, qui met KO le RHDPiste Jean Kouakou Kouadio (60% contre 40%), indique déjà que même minoritaires, depuis les législatives, les indépendants tracent patiemment mais sereinement leurs sillons. Et puis si dans la ville d’où sont partis les croquants du Nord, qui ont occasionné près de 10 ans de cahotement politico-militaire, si dans cette ville, Bouaké, la liste victorieuse est indépendante cornaquée par un certain Alain Cocauthrey Abla Kouakou, c’est également un grand indicateur. Ne faut-il pas craindre que la brèche dans la clôture ne parte pas en s’élargissant au fur et à mesure qu’avance la grande date de la présidentielle ? Les grands rassemblements ont pour inconvénient majeur de faire souvent des frustrés. Ils résultent de choc d’ambitions, d’espoirs déçus, de manque d’espace d’expression ou de calculs purement opportunistes qui voient en la dissidence un moyen de publicité et d’élévation à peu de frais. A l’image du ruissellement qui finit par venir à bout de la montagne à force de l’arracher caillou par caillou ou de l’avalanche à l’effet ravageur de neige qui part d’une ridicule motte de terre, le RHDP devrait considérer avec plus d’attention ces signes qui ne trompent pas. Avec ces sénatoriales qui ne font qu’affiner davantage la carte électorale de la Côte d’Ivoire, la présidentielle est déjà dans tous les esprits. Et si la supposé de cette fronde intra-RHDP, et le poids des indépendants devaient se confirmer, la présidentielle de 2020, n’est plus gagnée d’avance pour la coalition RHDP, si du reste ce conglomérat résistait jusqu’à cette échéance. Avec ces votes de sénateurs ce sont des signes qui ne trompent pas pour la coalition au pouvoir.
Ahmed Bambara
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