Ainsi donc le général Abdel Fatah Al-Burhan a expurgé les civils du Conseil souverain, et rend l’armée seule maître du Soudan. Le premier ministre Abdalla Hamdok et ses ministres civils ont été arrêtés et emprisonnés. Exit les 6 civils qui cornaquaient la Transition (avec les 5 militaires).
Pourtant, nombreux sont ceux qui avaient cru à ce pouvoir issu de la rue et des casernes, nombreux sont ceux qui voyaient en cet attelage civilo-militaire, né le 19 août 2019 un espoir pour le Soudan après 20 années de pouvoir dictatorial d’Omar El-Béchir.
A un mois de la transmission du pouvoir aux civils et après des mois de tensions entre les populations civiles et l’armée, c’est le clash qui met fin à un compagnonnage politico-militaire. Quelles sont les raisons qui expliquent ce nouveau prurit militaire ou milice au Soudan ?
Si le 11 avril 2019, est l’aboutissement des émeutiers de la faim, de la lutte opiniâtre de l’association des professionnels, et de populations soudanaises, le coup d’Etat de ce 25 octobre 2021 semble plutôt l’œuvre des milices, les Forces de soutien rapide (FSR) que dirige le général Hemeti n°2 de la junte, invisible, taiseux, mais sur qui selon des sources concordantes, serait le bras armé d’Al-Burhan pour écarter les civils de la Transition.
Depuis quelques jours, ça grinçait entre les civils et les militaires, et l’alerte d’un coup d’Etat qu’auraient tenté des fidèles d’El-Béchir et étouffé dans l’œuf dont se sont faits échos les autorités soudanaises, était une sorte de ballon d’essai. Après le faux coup d’Etat, donc voici le vrai putsch, celui de ce 25 octobre. Mais la mésentente militaires-civils n’est peut-être pas la seule cause de ce coup d’arrêt de la Transition : la situation économique et sociale est une sinon la cause principale de cette instabilité, et du mécontentement populaire. Selon la Banque mondiale, 80% des Soudanais vivent sous le seuil de pauvreté, et les 11 millions d’âmes ne mangent pas leur faim, conséquences du tarissement de la manne pétrolière, coupée avec l’avènement du Soudan du Sud en 2011, qu’est venue aggraver la vis américaine, sous forme de sanctions.
22 ans après avoir participé au coup d’Etat d’Omar El-Béchir, et 2 ans après l’avoir chassé du pouvoir, les mêmes militaires reviennent. Alors si Hemeti est l’éminence grise, et même l’exécuteur de ce putsch, c’est encore mal barré pour le Soudan. Car sous le joug du satrape El-Béchir, ce sont les mêmes, dont Hemeti avec ses sicaires de milices qui traquaient, et tuaient les populations assoiffées de justice sociale et affamées. Si le général Abdel-Fatah, s’est encore appuyé sur cette milice d’Hemeti, pour reprendre leur chose, et à un mois d’une échéance fixée il y a 2 ans, c’est que la soldatesque n’entend pas restituer ce pouvoir.
A l’évidence, le pouvoir kaki n’est plus l’apanage de l’Afrique de l’Ouest, et c’est la preuve que les soldats une fois descendus dans l’arène de façon bruyante à coups de fusils, ne veulent plus en sortir. Avec ce putsch, seules la mobilisation des populations soudanaises, et la pression de pays tels les monarchies du Golfe (Arabie Saoudite, Emirats Arabes), l’Egypte, et surtout les Etats-Unis et la France (laquelle avait même tenu un sommet à Paris pour financer le Soudan) seules ces puissances tutélaires, et intéressés, (le Soudan est au cœur du dispositif géostratégique) peuvent faire reculer encore Al-Burhan et sa clique de généraux. C’est la preuve qu’aucune démocratie ou processus vers lequel elle tend en Afrique n’est irréversible, cette démocratie peut à tout moment être remise en cause .
La REDACTION
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