Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples : Laurent Gbagbo débouté, requête de Guillaume Soro irrecevable

Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples : Laurent Gbagbo débouté, requête de Guillaume Soro irrecevable

Dans des décisions rendues publiques aujourd’hui, la Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples rejette la requête du président Laurent Gbagbo ainsi que se demandes de sursis aux décisions de radiations prononcées par le tribunal de première instance d’Abidjan. Elle a aussi déclaré irrecevable la requête de Guillaume Soro.

 

Arusha, le 26 juin 2025, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (la Cour) a rendu un Arrêt dans l’affaire Guillaume Kigbafori Soro c. République de Côte d’Ivoire.

Le 2 mars 2020, Le sieur Guillaume Kigbafori et autres (les Requérants) ont saisi la Cour d’une Requête introductive d’instance dirigée contre la République de Côte d’Ivoire (État défendeur).

Les Requérants ont allégué la violation des droits suivants : (i) le droit à l’égalité de tous devant la loi et le droit à l’égale protection de la loi, protégés par les articles 3 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte) et 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) ; (ii) le droit à la liberté et à la sûreté, protégés par les Article 6 de la Charte et 9(1) du PIDCP ; (iii) le droit à un procès équitable, en particulier le droit d’être jugé par une juridiction compétente, protégé par l’article 7(1)(a) de la Charte ; le droit à la présomption d’innocence, protégé par l’article 7(1)(b) de la Charte ; le droit à l’assistance d’un conseil, protégé par les articles 7(1)(c) de la Charte et 14(3)(d) du PIDCP ; le principe du contradictoire, protégé par l’article 7(1) de la Charte, lu conjointement avec l’article 14 du PIDCP ; (iv) la liberté d’aller et de venir, protégé par l’article 12 de la Charte ; (v) le droit à la santé morale de la famille, protégé par les articles 18(1) et (2) de la Charte et 23 du PIDCP.

Au titre des réparations, les Requérants ont demandé à la Cour d’ordonner à l’État défendeur d’annuler tous les actes de poursuite engagés contre les Requérants et mettre fin aux procédures pénales ouvertes à leur encontre en violation des droits garantis par les instruments internationaux des droits de l’homme ratifiés par l’État de Côte d’Ivoire, de lever le mandat d’arrêt décerné contre monsieur Guillaume SORO, ainsi que les mandats de dépôt décernés contre les autres Requérants, de cesser à leur encontre toutes les poursuites ou mesures d’instruction, de modifier la loi Code de procédure pénale, notamment en ses articles 97, 133 et 140, afin de les rendre conformes aux articles 2 et 14 du PIDCP ainsi qu’aux articles 3,

2, 7 et 12 de la Charte, verser à chaque Requérant la somme d’un (1) milliard de francs CFA, à titre de réparation intégrale pour tous les préjudices subis, ainsi qu’au paiement intégral des dépens de la présente procédure.

Les Requérants ont exposé que, suite à l’annonce de la candidature de M. Guillaume Soro à la présidentielle de 2020, plusieurs d’entre eux ont été interpellés entre le 23 et le 31 décembre 2019, après que l’avion transportant M. Soro a été contraint d’atterrir à Accra en raison d’un déploiement sécuritaire à Abidjan. Le même jour, une information judiciaire a été ouverte contre M. Soro et d’autres pour des faits de détournement de fonds publics, de blanchiment de capitaux et de tentative d’atteinte à l’autorité de l’État, remontant à 2007. Les Requérants affirment qu’un mandat d’arrêt a été décerné contre M. Soro et que plusieurs d’entre eux ont été arrêtés, interrogés sans assistance d’avocat ni notification des charges, puis détenus dans des établissements pénitentiaires éloignés, deux d’entre eux étant portés disparus. Ils ont précisé que leurs avocats ont interjeté appel des ordonnances de placement sous mandat de dépôt les 26 décembre 2019 et 7 février 2020.

L’État défendeur n’a pas été représenté et n’a, donc, pas conclu. La Cour a, ainsi, décidé de rendre un arrêt par défaut.

L’État défendeur ayant fait défaut, aucune exception d’incompétence n’a été soulevée. Toutefois, en application de la règle 49(1) du règlement, la Cour a examiné les conditions relatives à sa compétence sur les aspects matériel, temporel, personnel et territorial avant de considérer qu’elle a compétence, en l’espèce.

L’État défendeur ayant fait défaut, aucune exception d’irrecevabilité de la Requête n’a été soulevée. La Cour a, cependant, examiné les conditions de la recevabilité de la Requête, en application de la règle 50(1).

La Cour a constaté que les conditions prévues par l’article 56(1)(2)(3)(4), à savoir celles relatives à l’identité de l’auteur, la compatibilité de la Requête avec la Charte et l’Acte constitutif, au fait que la requête ne doit pas être rédigée dans des termes outrageants ou insultants, au fait que la Requête ne soit pas exclusivement fondée sur les nouvelles diffusées par des moyens de communication de masse sont remplies.

S’agissant de l’épuisement des recours internes, la Cour a noté que deux procédures pénales ont été ouvertes contre les Requérants : d’une part, celle visant les sieurs Guillaume Kigbafori Soro, Kamaraté Souleymane et Nguessan N. René pour détournement de deniers publics ; d’autre part, celle initiée à l’encontre des autres Requérants pour trouble à l’ordre public, diffusion de fausses nouvelles jetant le discrédit sur les institutions et leur fonctionnement ayant entraîné une atteinte au moral de la population et atteinte à l’autorité de l’État.

La Cour a rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle pour déterminer si les recours internes ont été épuisés, il faut que l’instance à laquelle un requérant est partie soit arrivée à son terme au moment où la Requête est introduite devant elle. Elle a relevé qu’en l’espèce, chacune de ces procédures pénales ouvertes contre les Requérants était en cours au moment de l’introduction de l’instance devant elle. La Cour a ainsi, estimé, que les Requérants ont introduit leur Requête de manière prématurée, sans avoir épuisé les recours internes disponibles.

La Cour a ainsi déclaré la Requête irrecevable pour non épuisement des recours internes, sans avoir eu besoin d’examiner les autres conditions du fait du caractère cumulatif des conditions de recevabilité.

La Cour a décidé que chaque Partie supporte ses propres frais de procédure.

Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples

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