CPI, 20 ans après : Il faut des Chambres africaines extraordinaires pour soigner ses trois maladies congénitales

CPI, 20 ans après : Il faut des Chambres africaines extraordinaires pour soigner ses trois maladies congénitales

 

La porcelaine a cela de particulier qu’elle ne résiste ni aux chocs ni aux chutes et pourtant, en matière d’anniversaire, elle symbolise 20 ans d’existence, c’est pas petit. 17 juillet 1998-17 juillet 2018, il y a deux décennies naissait la Cour pénale internationale (CPI) qui célèbre donc ses noces de porcelaine. Créée par le Traité de Rome, au 1er janvier 2007, 104 pays l’avaient ratifiée. A ce jour, on dénombre 123/197 pays qui la reconnaissent. Institution ad ac, mais juridiction pénale permanente, elle juge les individus de tous les pays coupables de génocides, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, commis après le 1er juillet 2002.

Avec elle, c’est l’entrée en force et par effraction de la compétence universelle dans les méandres du droit pénal international. Le monde surtout les droits-de-l’hommiste,  les faibles, et les populations qui subissent le joug, des satrapes tyranneaux et autres seigneurs de guerres se sont mis à jubiler, car enfin face à l’inertie, l’incompétence et le manque de volonté politique des Africains à juger leurs princes déchus, il y a désormais la justice de la Haye qui pourrait y pallier. 20 ans après, les fruits ont-ils tenu la promesse des fleurs ?

D’emblée, l’espoir s’est vite dégonflé comme une baudruche, car il a fallu 14 longues années autant dire une éternité, après l’adoption du statut de Rome pour voir entrer le premier accusé dans son box, le chef des sicaires des Ituri, Thomas Lubanga qui a été condamné pour avoir conscrit des enfants à sa sale guerre. En 20 ans, 26 affaires ont été enrôlées, 32 mandats d’arrêt émis avec 15 exécutés. A ce désespoir, s’est ajouté dégoût et colère lorsque la CPI qui inculpa le chef de l’Etat soudanais, Omar El Béchir pour avoir massacré plus de 300 000 Darfouris, a vu l’illustre Soudanais narguer la CPI par ses voyages et déclarations intempestives auxquelles se sont jointe une bronca de chœurs protestataires des Africains et pas des moindres, ses pairs, c’est autant dire le syndicat des chefs d’Etats. Il est vrai que le Soudan n’est pas signataire du statut, mais si les Africains eux-mêmes contestent le mandat émis par la CPI contre El-Béchir, à l’exception à l’époque du Tchad, c’est à n’y rien comprendre. Puis on a vu avec le président et vice-président kényans qui, malgré leur démêlée avec la Cour relatives aux crimes postélectoraux de 2008, se sont livrés par des tours de passe-passe pour s’exonorer à mauvais compte. La coupe fut pleine, lorsque le constat a été établi que ce ne sont que des Africains qui sont poursuivis par la CPI ou sont des pensionnaires des 9m2 de la prison de Scheveningen :

le transfèrement de Laurent Gbagbo qui y est toujours et le procès de Jean-Pierre Bemba, sont symptomatiques de cette justice à forte teneur de mélanine.

Certes, le président nigérian Muhamudu Buhari a vu juste hier, en affirmant que ce sont des Africains à l’image du Mali, de la RCA et de la Côte d’Ivoire qui envoient leurs justiciables à la CPI, mais à charge de cette justice supranationale de ne pas prêter le flanc qui lui vaut  des procès en partialité.

20 ans après son avènement, la CPI empêtrée dans des problèmes d’universalité, de crédibilité et de finances  ses trois maladies congenitales, a besoin de deux choses fondamentales .

– il faut revisiter le statut de Rome pour reprofiler cette justice internationale qui est mondiale mais qui ne peut poursuivre ni un Américain ni certains Occidentaux, qui d’ailleurs lui impose actuellement une diète financière. Il ya loin des principes à la réalité, et il faut corriger cela.

– ensuite, en 20 ans, on s’est rendu compte que le chemin est long, souvent inexistant qui conduit les vainqueurs aux prétoires de la CPI. Il faut donc un supplément par la multiplication des Chambres africaines extraordinaires (CAE)  pour pouvoir rendre le plus possible justice sur le sol africain,  surtout  qu’en 20 ans  outre toutes ces questions,  la CPI est secouée  par des courants principiels, à l’image de l’ire de la Thémis, himself Fatou Bensouda, qui ne décolère pas face à la liberté accordée à Jean-Pierre Bemba. A l’image des CAE de Dakar, qui ont jugé avec panache et condamné l’ex-boucher de N’djamena, l’Afrique doit multiplier ces expériences, pour juger ces puissants d’hier et de demain qui prendront des libertés avec les droits de l’homme. C’est seulement à ce prix qu’elle pourra se forger une justice qui sera en osmose avec les justiciables.

Zowenmanogo ZOUNGRANA

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