Crise à la CENI :  Roch calme le jeu de ping-pong, mais crée un précédent

Crise à la CENI :  Roch calme le jeu de ping-pong, mais crée un précédent

Les choses sont allées vite. En vingt-quatre heures, les divergences qui plombaient le processus de renouvellement des instances de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ont été aplanies et les quinze 15) commissaires qui doivent la composer ont finalement  tous prêté serment devant le Conseil constitutionnel. Après trois semaines de ping-pong caractérisé par un bras de fer entre Majorité et Opposition au sujet de la candidature de Bonaventure Dimsongdo Ouédraogo (Sao Naaba), il a fallu que le président du Faso, s’implique pour dénouer la crise qui couvait au sein de l’institution en charge de l’organisation des élections au Burkina Faso. 

Le risque était grand et l’inquiétude commençait à s’installer dans l’esprit de nombre de Burkinabè soucieux de la préservation des acquis démocratiques. Mais les égos l’avaient jusque-là emporté sur le bon sens rendant impossible la cohabitation Majorité-Opposition au sein de la CENI. Comme lors des précédentes convocations des commissaires pour la cérémonie solennelle de prestation de serment devant le Conseil constitutionnel, le troisième rendez-vous du jeudi 29 juillet 2021, tenait à un fil avec le mot d’ordre de boycott du Chef de file de l’Opposition. Mais l’intervention du président du Faso a permis de «sauver l’essentiel». En prenant l’initiative de rencontrer le Mogho Naaba Baongo au sujet de la controverse qui a accompagné le choix du Sao Naaba (représentant de la Chefferie coutumière), comme candidat à la présidence de la CENI, le président Kaboré a décidé de mettre les pieds dans la tambouille pour calmer le jeu et ramener la sérénité au sein de l’institution. Comme il l’a si bien justifié, il s’agissait de  «sauver l’essentiel».

Ainsi, comme dans plusieurs situations «difficiles», il fallait que Roch Marc Christian Kaboré descende de nouveau de son piédestal pour obtenir l’annulation de la candidature du Sao Naaba à la présidence de l’institution.  S’il faut saluer cette «descente salutaire» de Roch Kaboré, il convient également de s’inquiéter de ses effets sur la suite des évènements. Car ce n’est inscrit nulle part dans les prérogatives d’un président de s’ingérer dans le processus de renouvellement du bureau de la CENI. Dans son speech, il l’a lui-même reconnu et dit avoir agi pour faire l’économie d’une crise. Et voir un président en première ligne (pour expliquer, calmer…) à chaque peccadille entraine souvent une certaine gêne et même l’expose.

Cette «immixtion» du locataire du palais de Kosyam montre à souhait que de nombreuses digues ont cédé au Burkina Faso. De mémoire de Burkinabè, jamais un président du Faso n’était  intervenu ouvertement pour résorber une situation de ce genre. Sauf cas d’urgence, la parole d’un chef de l’Etat se fait rare jusqu’à ce que la situation l’exige. Doit-on comprendre que les divergences dans le processus de renouvellement du bureau de la CENI avaient atteint un point culminant que seul Roch pouvait encore sauver les meubles ?  Avait-on épuisé toutes les pistes de règlement au sein du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation ? Le chef du gouvernement n’avait-il pas la capacité de gérer la question ? 

Aux dernières nouvelles, après la cérémonie de prestation de serment, les commissaires de la CENI ont élu Elysée Ouédraogo à la tête de l’institution après plus de 5 heures de tractations.

En effet, disons-le tout net, le chef de l’Etat est toujours sur le pont. Syndicats, politiques … enjambent souvent les ministres de tutelle pour dialoguer avec Roch. Mais à quoi servent alors ces ministres  qui détiennent des parcelles du pouvoir ? Encore que dans le cas de la CENI, n’était-il pas judicieux par exemple que le Sao Naaba écrive pour dire qu’il n’est plus candidat à la présidence de l’institution électorale ? Ou encore, la Chefferie traditionnelle pouvait se fendre d’un communiqué (après que Roch a vu le Mogho Naaba) pour informer que son candidat ne briguera plus la présidence ! Et ni le nom du chef de l’Etat, ni celui du Mogho Naaba n’auraient apparu dans cette histoire ! Car si on pinaille sur cette CENI, c’est l’enjeu, c’est bien les municipales de 2022, mais surtout la présidentielle de 2025. Pour l’Opposition, pas question d’avoir une CENI-croupionne, qui influencera de façon partisane les élections à venir. La quasi-totalité des crises-postélectorales proviennent des CENI et des Conseils constitutionnels.

Enfin, il faut dire que Roch a pu tempérer les ardeurs, mais il lui faudra être moins en moins sur ce genre de pont. Sur Solhan oui ! Sur la CENI, il pouvait mieux manœuvrer.

La Rédaction

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