Décès de Robert Mugabe : Un Janus politique a quitté l’arène définitivement

Décès de Robert Mugabe : Un Janus politique a quitté l’arène définitivement

Se faire craindre et respecter du Blanc, combattre le colon de l’ex-Rhodésie du Sud, se montrer courageux, voire téméraire, défier la mort et la prison, sévir voire envoyer  au bucher l’ennemi ou l’opposant, les 2 étant pareils au même, selon Mugabe, c’est au prix de moult actions diverses, de souffrances et mortifications que s’écrit la légende de ‘’Papy Bob’’, dont la médecine bionique singapourienne qui l’a sauvé plusieurs fois, a été incapable, ce 5 septembre de le faire. La mort a eu raison de Robert Mugabe à 95 ans, loin de son pays.

Et c’est un signe manifeste de 37 ans de discours oiseux où il vitupérait contre le colonialisme, les Blancs exploiteurs, mais pas de gouvernance concrète. Pourquoi aller à l’étranger se soigner (Mugabe faisait régulièrement ses chek up au pays Lee Kwe Yuan) alors que le Zimbabwe aurait pu ériger des hôpitaux de pointe ?

Dès 1982, deux ans après l’accession de l’indépendance de l’ancienne Rhodésie du Sud, le 18 avril 1980, célébrée en grandes pompes, sous les «Zimbabwe !» du rastaman jamaïcain Bob Marley, 2 ans après cet avènement affleurait déjà, l’autocrate avec l’ensanglantement des terres des Ndebelé, dans la province du Matabeleland, chez son ex-allié Joshua Nkomo. On dénombra 200 000 victimes.

Dans les années 2000, une pseudo-réforme agraire fit s’abattre d’énormes violences sur les fermiers blancs, avec comme impact direct l‘écoulement d’une économie déjà exsangue marquée par une inflation stratosphérique, avec des billets de 100 milliards de dollars zimbabwéens, pour se payer une bouchée de victuailles, qui n’existaient même pas , les magasins étant vides dans ce «pays-grenier de l’Afrique».

Réponse du tyran, «c’est parceque les Zimbabéens ne veulent pas manger des patates mais du riz».

La même année 2000, ni la surenchère rhétorique, ni la frénésie punitive de Mugabe n’ont pas pu lui épargner la déculottée référendaire constitutionnelle et la montée en flèche du parti d’opposition le MDC de Morgan Tsvangirai. Là aussi, le satrape indexa les fermiers blancs d’être les soutiens du MDC. Et il sévit !

La libération du thaumaturge de la Nation arc-en-ciel, Madiba dans les années 90, qui fit de l’ombrage à Mugabe, qui se considérait comme le leader régional explique-t-elle la naissance de l’autocrate Mugabe ?

Ou est-ce la montée en puissance du MDC, qui écorcha l’égo de l’ex-guérillo anticolonialiste ?

Toujours est-il qu’il y a eu 2 Mugabe, un bon dès les années 80 et un mauvais après surtout les années 90.

Qu’est-ce qui peut expliquer cette transformation de celui qui confessait qu’il n’avait pas seulement 7 doctorats obtenus depuis sa prison, mais 8, car «J’ai un Doctorat en violence» ? Chacun a son explication, selon d’où on se trouve.

Mais le tyran peut-il éclipser le héros, adoubé et porté aux nues, par des Zimbabéens et par des Africains ?

A l’évidence non, à commencer par son successeur Emerson Mnangagwa qui a bombardé le camarade Bob de «héros national». Et sans doute, c’est Ian Smith qui a tracé les sillons pour Mugabe, en l’emprisonnant pendant 10 années, c’est-à-dire, en faisant un héros, prêt à goûter aux délices des prisons du colon (on était dans la Rhodésie du Sud).

Du reste, c’est avec maestria, certains diront ruse et force qu’il prendra la tête de la ZANU-PF, le parti-Etat en 1973, étant en prison.

En fait, pour les Zimbabéens, le fils de paysan de Kutuma qui croisa le fer contre l’impérialisme blanc, a endossé la tunique de tous les souffre-douleurs de la colonisation, dans cette Afrique australe en proie à l’époque, aux affres de l’apartheid chez le voisin d’Afrique du Sud, et des violences raciales dans les 2 Rhodésies.

Robert Mugabe fut alors celui qui géra l’héritage empoisonné selon certains de Cecil Rhodes, et sans qui, le Zimbabwe n’aurait jamais accédé à l’indépendance, puisque le même Cecil Rhodes a autoproclamé cette indépendance en 1965, laquelle indépendance ne fut pas reconnue.

Si officiellement Mugabe a été déclaré «héros national» il aura des funérailles nationales et c’est un peu cet aspect-là que l’Histoire retiendra, mais pour les Occidentaux et pour les familles de ses victimes, il est le tyran parfait. Pour d’autres Zimbabéens et nombreux Africains, c’est un héros, déformé par le prisme occidental. Bref, c’est un Janus politique qui a quitté l’arène définitivement .

Zowenmanogo ZOUNGRANA

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