Décès du premier ministre ivoirien Amadou Gon Coulibaly : Un alter ADO qui laisse le président-sortant face à l’Histoire

Décès du premier ministre ivoirien Amadou Gon Coulibaly : Un alter ADO qui laisse le président-sortant face à l’Histoire

Nihil certius mortius, se lamentait Plutarque, dans l’Ennéade pour signifier que rien n’est plus certain que la mort. Rentré au bercail le jeudi 2 juillet de Paris après deux mois de check up médical, ayant repris service lundi, Amadou Gon Coulibaly (AGC) était à son 1er conseil de ministres depuis son retour, hier 8 juillet, lorsque pris d’un malaise, il sera évacué d’urgence dans une clinique où le souffle de vie le quittera à 61 hivernages. La grande faucheuse est toujours fidèle au rendez-vous.

Sur le coup de 18 heures GMT, que le secrétaire général de la présidence rendra publique la triste nouvelle. Certes sa greffe de cœur le 12 juin 2012, à Paris handicapait, celui qui fut désigné le 6 mars dernier comme champion du RHDP à la présidentielle du 31 octobre. Mais pour beaucoup, le poste de PM, l’éreintait déjà (lui l’homme des dossiers) le Casting politique, la Covid-19 dont il fut atteint avant son évacuation à paris et les combats d’égo avec les récalés, bref le stress tout azimut aura eu raison de cet sexagénaire affaibli par son problème cardiaque.

Première conséquence de cette disparition, elle est filiale, AGC manquera à sa famille nucléaire mais surtout à ADO. Déjà dans les années 80, les deux hommes se connaissaient, AGC à la direction et contrôle des grands travaux, ADO comme économiste au FMI à Washington. C’est véritablement en 1990, alors que ADO est bombardé Premier ministre, que les liens se raffermissent, ce dernier, nomme Kablan Duncan, comme grand argentier et AGC conseiller technique chargé des réformes. C’était parti pour un long compagnonnage.

Depuis 30 ans donc, Daniel Kablan Duncan et AGC étaient ce qu’on appelle les 2 alter ADO, des quasi égaux du chef de l’Etat. Tous les 3 parlent le même langage celui des finances et se comprennent parfaitement.

Mais politiquement, ADO a vite fait de jeter son dévolu sur AGC, pour en faire son PM et son dauphin officiel sous le label du RHDP.

Le défunt avait déjà adhéré au RDR des 1994. C’est donc un ADO, consterné, dévasté, un peu perdu avec la mort de «ce petit frère», d’autant que jusqu’à la dernière seconde, AGC demeurait le cornac du parti unifié pour l’échéance cruciale de fin octobre 2020. Véritablement l’éclipse totale du porte-étendard du RHDP crée un tsunami politique en Côte d’Ivoire.

Les Coulibaly ont la politique dans le sang. Son patriarche Péléforo Gbon Coulibaly, et chef coutumier fut préfet de Korhogo dans les années 40 et le grand-père d’AGC fut député du 1959 à 1990.

«Le Lion de Korhogo» a cessé donc de rugir, et officiellement, nul n’avait été préparé pour remplacer au pied levé ce dernier, ADO se retrouve avec une équation politique à choix multiples, même si certaines paraissant plus périlleuses. Egrenons quelques-unes qui pourraient tenir :

1) Patrick Achi, l’actuel SG de la présidence était dans  les starting-block pour former un ticket avec AGC, mais il semble que le Nord de la Côte-d’Ivoire regimbe et veut un fils du terroir.

2) ADO va-t-il réhabiliter Kablan Duncan le «banni», lui qui garde la confiance du président mais qui ne le voit pas être investi candidat du RHDP, après tout, DKD est un produit PDCI.

3) Va-t-il se résoudre à faire adouber Ham Bak en qui il a toute confiance, mais qui ne serait pas prêt à habiter la fonction présidentielle ?

4) ADO va-t-il se dédire, et descendre dans la curée ivoirienne en endossant les oripeaux de gladiateur, la bataille s’annonçant rude ?

5) A moins de s’attacher à un modus qui serait sa non-candidature avec celle des 2 autres, Bédié et Gbagbo (qu’il amnistierait) tout en favorisant le retour de Soro ?

A 3 mois et poussière de ce rendez-vous politique, AGC laisse un vide au RHDP, et surtout ADO face à l’Histoire : le président-sortant pourrait effectivement sortir par la grande porte ou petitement par la fenêtre voire moins, selon le choix qu’il fera. C’est ce qu’on appelle être face à son destin .

Un décès qui crée un tohu bohu dans la lagune Ebrié, qui sera évidemment en houle, sans qu’on ne sache pour qui dansent les génies de l’eau, car avec cette mort, jamais élection présidentielle ivoirienne n’a comporté autant de part d’indétermination.

Pélagie OUEDRAOGO

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