La résidence de Mougins à Paris devra se séparer plus tôt que prévu de son locataire. Alassane Dramane Ouattara, le président ivoirien, a dû toute affaire cessante retourner dare-dare dans son pays, qui pleure depuis hier à cause d’un déluge qui s’est abattu sur ses filles et fils, endeuillant au moins une vingtaine de familles. Plusieurs communes, dont notamment la Riveira Palmeraie, Abobo, Adjamé ont découvert des paysages qui seraient plus seyants dans un décor de film de science-fiction, plutôt que dans la réalité.
Et comme si cela ne suffisait pas, des nouvelles pas si bonnes annoncent de possibles arrivées de pluies tout aussi menaçantes, plongeant les autorités communales dans un désarroi qui traduit le caractère inédit de cette catastrophe naturelle. Du reste, le président ivoirien qui arrive à Abidjan, coiffé du casque de pompier, devrait vite s’asseoir et prendre des décisions urgentes pour d’abord sauver ce qui peut encore l’être, procéder à la réparation des dégâts, assister les sinistrés, et voir dans une mesure plus prospective, examiner les possibilités d’amoindrir les pertes et les dégâts si une catastrophe de ce même gabarit devrait revenir.
Il faudrait néanmoins garder en mémoire que ces catastrophes naturelles sont les résultantes de nos comportements délictuels envers la planète : notre globe a chaud parce que nous décimons nos forêts, la pollution les gaz à effet de serre sont des réalités, le gaspillage d’eau quotidien, bref à force de vouloir se rendre maître et possesseur de la nature par le productivisme dompteur, l’homme ne fait qu’engendrer de funestes tornades et orages. Stakhanov de la transformation de notre environnement, nous en avons créé le déséquilibre qui se déchaîne.
Le dérèglement climatique n’est plus donc une affaire et de Blancs, encore qu’il existe des climatosceptiques, tel un Donald Trump, le réchauffement de la planète est aussi palpable en Afrique. Et le déluge abidjanais, se déroule souvent à Niamey, Ouaga, Bamako, et au Burkina, le 1er septembre 2009 est toujours présent dans les esprits, un jour apparenté à l’Apocalypse Now, version burkinabè. Les motocyclettes qui pétaradent, dégageant la fumée à longueur de journée, ou les voitures de 20 ou 30 ans déversées en Afrique comme poubelle doivent cesser. Les réunions internationales sur le climat, notamment les COP, sont désormais des places to be, des tribunes où l’Afrique doit faire entendre sa voix, car très souvent elle pollue moins, mais payera plus pour les grands pollueurs comme la Chine.
L’Africain doit se convaincre que malgré la météo, qui fait dans la prévisibilité de l’heure des intempéries, du volume d’eau par mètre carré, bref du temps qu’il fera, il y a toujours cette part d’indétermination qui fait que la Nature demeure insoumise et rebelle. Mais le climat n’est pas la seule cause de cette furie naturelle. L’incurie et l’irresponsabilité de l’homme (encore) expliquent aussi des scènes comme celles observées à Abidjan dans la nuit du 18 au 19 juin dernière : des villes construites avec des voiries approximatives, entendez les lotissements et l’érection des maisons ne sont pas accompagnés de caniveaux idoines et quand ces caniveaux existent, ils sont bouchés par des détritus domestiques et autres sachets plastiques jetés par les riverains. L’assainissement est un des parents pauvres de l’urbanisation. Nos pays regorgent d’urbanistes, de paysagistes, d’architectes-urbanistes, mais hélas, à chaque saison, ses déguerpis, ses mares au milieu d’habitations. Mais à chaque fin de l’hivernage, les zones inondables sont prises d’assaut par des populations qui s’y installent de nouveau.
Face à la Nature qui se sent agressée alors qu’elle semble être ordonnée et parfaite, il faut que l’homme se discipline, qu’il prenne conscience, qu’en la détruisant c’est lui-même qu’il détruit. Abidjan n’a été qu’un aperçu et d’autres villes en feront les frais, car bien souvent l’homme, ce bien-pensant n’apprend pas de l’histoire. Climat-là ce n’est plus affaire de Blancs dè, pour emprunter le nouchi ivoirien.
Ahmed BAMBARA
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