Demi-finale Coupe du monde Qatar 2022 : Maroc-France : plus qu’un match de football et le cœur des Africains qui balance !

Demi-finale Coupe du monde Qatar 2022 : Maroc-France : plus qu’un match de football et le cœur des Africains qui balance !

 Le Maroc et la France face-à-face dans une demi-finale de Coupe du monde, il fallait être devin pour prévoir une telle affiche, même si le football sait parfois nous réserver des tours de magie époustouflants. En tous les cas, cette Coupe du monde Qatar 2022 n’est plus à une surprise près. De toute l’histoire de cette compétition mondiale, c’est la première fois que ces deux Nations se rencontrent.

C’est donc un choc aussi inédit qu’inattendu, mais surtout chargé de vécu, aussi dramatique que riche d’émotions humaines. Dans un tel contexte, faire abstraction de beaucoup de choses sera le mot d’ordre de deux sélectionneurs que sont Didier Deschamps et Walid Regragui. A une marche du graal, personne n’a intérêt à disperser ses forces dans des considérations extra-sportives.

Si les Bleus peuvent se vanter d’avoir une étoile scintillante telle que Kylian Mbappé, un inoxydable Olivier Giroud, soutenus par un Antoine Griezmann, capable de mettre sur orbite n’importe quel partenaire, ils devraient tout de même se méfier de l’homogénéité marocaine, bien adossée à une défense de fer. Premiers du groupe F sans la moindre défaite, puis victoires successives contre deux favoris : l’Espagne (0-0 / 3 à 0 aux tirs au but) et le Portugal (1-0). Meilleure défense du Mondial (1 but encaissé) autour de son grand gardien Yassine Bounou, les Lions de l’Atlas impressionnent depuis le début du Mondial, avec une recette simple : solidité défensive et solidarité de chaque instant.

Après la Tunisie lors de la phase de groupes, les Bleus retrouvent une autre nation africaine et plusieurs joueurs nés en France, comme le capitaine Romain Saïss et Sofiane Boufal. L’une des stars des Lions de l’Atlas, Achraf Hakimi, évolue au PSG depuis 2021. Il est le meilleur ami de Kylian Mbappé, qui lui a rendu visite à Doha. A 47 ans, le sélectionneur marocain Walid Regragui est né à Paris et a effectué quasiment toute sa carrière professionnelle en France, à Toulouse, Ajaccio ou Grenoble. Nous sommes dans une configuration de je t’aime moi non plus ou plutôt le match dans le match.

La demi-finale Maroc-France se dispute sur un terrain de rêves et d’exploits. La France veut accrocher une troisième étoile. Didier Deschamps rêve en secret d’entrer un peu plus dans la légende en gagnant deux étoiles en tant que sélectionneur après en avoir obtenu une en tant que joueur. Le Maroc lui, a réalisé l’exploit d’être la première équipe africaine à toiser une demi-finale mondiale. Sur sa lancée, espérer une victoire finale n’aurait rien d’indécent pour une équipe qui n’a pas mendié son entrée dans le dernier carré.

Dans son histoire, la France a déjà rencontré sur un terrain de foot une sélection issue de «feu» son empire colonial. Le match amical France-Algérie, par exemple, a laissé un douloureux souvenir avec l’envahissement de la pelouse du Stade de France en lieu et place d’une belle réconciliation autour du ballon rond et de la figure de Zinédine Zidane. La défaite devant le Sénégal en 2002 lors de la Coupe du monde en Corée du Sud et au Japon avait elle aussi laissé un goût amer. Plus récemment, le 1-0 concédé par l’équipe B des Bleus face à une Tunisie déjà éliminée est plus anecdotique. Après avoir fait tomber l’Espagne, les Lions de l’Atlas réaliseraient un doublé historique en sortant la France, soit les deux anciennes puissances européennes qui l’avaient dominé et occupé. En un mot comme en mille, les sujets de sa Majesté sont en train de réécrire l’histoire du rapport de force, au nom du Royaume et de l’Afrique.

En mettant aux prises la France et un pays du continent africain, le hasard des parcours vers l’obtention du ticket final du mondial ravive forcément la flamme anti-française, de plus en plus développée en Afrique, surtout subsaharienne par une génération plus que jamais consciente. Plus qu’un match de football, il s’agit d’un «affrontement» entre l’ancienne puissance colonisatrice et l’équipe marocaine, qui porte les espoirs du continent africain et du monde arabe. Cette affiche dépasse nécessairement la question sportive.

D’ailleurs, en affirmant qu’«on a écrit l’histoire pour l’Afrique !», le sélectionneur Walid Regragui a, volontairement ou non, activé la manette anti-française. Sauf que dans ce face-à-face de gladiateurs où un doit succomber pour quatre (4) ans, les Subsahariens, tenaillés par les méandres indélébiles de l’histoire qui les lient à cet ancêtre gaulois, est en proie à un doute sur son appartenance. Entre le Maroc avec laquelle ils partagent le continent et la France multicolore qui lui renvoie le reflet de ses affinités, la déchirure semble inéluctable le temps d’une partie de football. Cette France, portée en triomphe sur les pelouses par des footballeurs d’origine malienne, camerounaise, guadeloupéenne et bien d’autres, caractérise en elle-même la douloureuse histoire de l’Afrique, mais en-même temps, elle symbolise l’ADN d’un héritage qu’il faut nécessairement assumer. Le polémiste Eric Zemmour devrait se le tenir pour dit. En affirmant qu’il y a trop de Noirs en équipe de France et que si l’inverse se produisait avec plusieurs Français dans la sélection marocaine, le roi s’interrogerait, le polémiste français président de Reconquête développe une fois de plus, son jeu favori : le négationnisme dans toute sa laideur ! Faut-il rappeler à ce politicien qui n’a trouvé mieux que de surfer sur les vagues de la différence raciale, que si la France n’a jamais été sénégalaise, les Sénégalais eux, à l’image des Béninois, des Burkinabè, des Algériens ou des Ivoiriens ont été Français ? Délivrée par les vaillants tirailleurs venus du continent africain, la France est condamnée à façonner son existence sur la base de la multiplicité et de la variance de sa couleur. La présente équipe française, constituée de minorités qu’on ne peut plus invisibiliser en est la preuve. C’est pourquoi, le cœur des Africains balance même dans cette affaire de ressentiment anti-français, et ce soir 14 décembre dans plusieurs résidences de France comme à Ouaga au Burkina, l’ambassadeur Luc Hallade a convié, journalistes sportifs, amis à suivre ce duel Maroc-France. L’ambiance promet.

Quoi qu’il en soit, l’équipe marocaine enthousiasme le continent africain. De Ouaga à Yaoundé en passant par Abuja ou Dakar, les victoires successives du Maroc ont fédéré les supporters qui poussent d’une seule voix derrière les Lions. Jamais l’Afrique n’a été aussi proche de siéger au sommet du football mondial. Tant mieux si cette performance rêvée peut solder une infime partie, d’une certaine dette de sang…

Hamed JUNIOR

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