Démission de Guillaume Soro en Côte d’Ivoire : L’envol du phénix ou la chute de l’albatros ?

Démission de Guillaume Soro en Côte d’Ivoire : L’envol du phénix ou la chute de l’albatros ?

«Je quitte le tabouret pour m’asseoir sur le fauteuil». Le doute n’est donc plus permis. Guillaume Kigbafori Soro se positionnera sur le chemin qui mène au palais de Cocody. Et cela,  tôt ou tard. Et il s’y prépare. Méthodiquement. Cette même méthode qui l’a conduit depuis les austères bancs des universités ivoiriennes à l’antichambre de la rébellion à Ouagadougou, avant de passer par les cases Bouaké, primature et les chauds mois de l’ère Hôtel du Golf pour ensuite finir sur la confortable chaise de Chef du parlement ivoirien.

Du reste,  tout le scénario mis en place autour de cette démission pourtant forcée, laisse présager qu’il ne s’agit que d’un épisode d’un feuilleton qui s’annonce long.

D’abord, le suspense sur sa démission  ou non. L’impression donnée que c’est Guillaume Soro qui décide de quand il partira. Ensuite,  la mise en scène de la session extraordinaire. L’arrivée en grand. Le discours plein de panache, d’envolée lyrique, les raisons qui sont évoquées puis enfin la victimisation,  non pleurnicharde, mais plutôt gagnante, héroïque. Et quoi de plus de plus explosif que de terminer par un départ de l’hémicycle au volant de sa petite voiture personnelle alors qu’il y était arrivé avec le véhicule de l’Assemblée ?

Et les commentaires qui vont avec : «ma carrière en politique ne fait que commencer», dit-il dans cette vidéo publiée sur les réseaux sociaux par une machine communicationnelle bien huilée.

Oui elle ne fait que commencer puisque ce départ signe avec ère. Celle où il a vécu dans l’ombre d’Alassane Ouattara. Celle où il faisait pratiquement tout à son profit : rébellion,  ralliement,  discours, messes basses, coups bas. Même les lois qui étaient votées à l’Assemblée nationale. S’ouvre désormais la page de l’histoire où Guillaume Soro doit désormais s’assumer de lui-même et faire désormais tout pour lui-même ou pour ses convictions, comme il l’a d’ailleurs dit.

Cette démission sonne peut-être chez Alassane Dramane comme un coup pour son «jeune frère» ancien rebelle nordiste. Désormais sans le soutien de celui qu’il a soutenu, sans l’appui de l’appareil parlementaire, d’autres hommes politiques auraient peut-être moins de chances de s’en sortir. L’autre question est de savoir si le président ivoirien a pris le soin de couper le cordon ombilical qui le lie aux anciens «com zones» et si les tentacules des ex Forces nouvelles continuent de lui être comme des appuis et si ces appuis ont toujours les moyens de leur politique. On sait que Alassane Ouattara a entrepris de bâtir une armée ivoirienne beaucoup plus républicaine. Le sachant pas né de la dernière pluie, l’envie lui a sans doute pris de déconstruire les amarres de celui par qui il doit en grande partie d’être à la tête de la Côte d’Ivoire. L’affaire des fameuses caches d’armes découvertes chez des proches de Soro laissent sans aucun imaginer l’épaisseur de sa volonté à ce niveau.

Mais peut-être qu’au lieu de plonger le jeune Soro dans les abysses, cette façon de le pousser à bout est un formidable tremplin duquel il peut aller loin. Déjà, dans l’opinion, le traître, ce n’est plus Guillaume Soro, mais bien Alassane Ouattara. Si le premier s’était par exemple déclaré candidat à la présidentielle alors que celle de Ouattara lui-même baigne toujours dans l’océan des incertitudes, «ingratitude», «égoïsme»,  «traitrise» allaient voler comme des tomates mûres vers le visage du désormais ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne. Dans la configuration actuelle cependant, c’est plutôt l’actuel président qui se montre ingrat envers celui qui «a pourtant pris les armes pour lui».

Voici donc un premier point à l’avantage de Soro. Autre élément, de vastes chemins de soutiens s’ouvrent devant le jeune homme politique. Le FPI de Laurent Gbagbo (puisque l’absurdité est absurde en politique) ou Henry Konan Bédié ou les deux à la fois pourraient se servir du démissionnaire pour solder leurs comptes avec Alassane Ouattara.

Quoi qu’il en soit, le vieux Félix Houphouët-Boigny, quel que soit l’endroit où il se trouve en ce moment, ne doit pas être très fier ni très content de la façon dont ses «héritiers» se comportent dans la grande concession familiale ivoirienne. Il aurait peut-être soufflé, de son vivant, à l’oreille de Alassane Ouattara de ne pas pousser Soro à la démission, et mieux, de ne pas exacerber la patience de Bédié en ne respectant pas le pacte implicite qui laissait la place au PDCI d’essayer de remporter la présidentielle en 2020, après deux tournées pour le RDR.

Il n’est cependant plus vivant. Et ses «fils» sont en train à nouveau de titiller dangereusement le museau de l’ogre hideux de la mésentente fraternelle. Pourvu seulement que ces 10 ans de répit pendant lesquels la colle de la réconciliation n’a pas vraiment pris entre les Ivoiriens, ne soient pas écrasés comme du foutu sous le coup d’un pilon.

Ahmed BAMBARA

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