Discours panafricaniste de Museveni aux Noces de diamant de l’indépendance d’Ouganda :Et si on parlait de ce culte de l’indispensabilité ?

Discours panafricaniste de Museveni aux Noces de diamant de l’indépendance d’Ouganda :Et si on parlait de ce culte de l’indispensabilité ?

C’est un peu un discours du même tonneau que le maquisard des années 80, qui prit le pouvoir en
chassant le président Milton Oboté. A l’occasion des Noces de diamant de l’indépendance de
l’Ouganda, Yoweri Museveni a tenu la dragée haute en gratifiant ses compatriotes et de nombreux
chefs d’Etat de la sous-région présents pour la circonstance un discours porteur et vigoureux, mais à
la lumière de sa trajectoire qui s’avère lénifiant : invite des investisseurs de «l’Afrique de l’Est à investir
en Ouganda, communication sur les avantages de la ZLECA, pour transformer la sous-région ; il n’y a
pas de raison qu’il y ait la faim au Kenya, alors que l’Ouganda peut nourrir les Kenyans, s’il y a des
opportunités au Kenya l’Afrique de l’Est doit pouvoir en profiter …».
Bref, on croit entendre le révolutionnaire Yoweri, il y a presque 40 ans qui vitupérait contre
l’impérialisme, qui cultivait un nationalisme à tout crin, et qui séduisait la Communauté internationale,
dont les moindres n’étaient pas les USA, la France, la Grande-Bretagne … Depuis, l’homme a
changé, et s’est mué en Bismark des Grands Lacs et a pris goût du pouvoir qu’il n’a plus quitté.
Certes, son oral d’hier comporte des points vrais, l’Ouganda qu’il a dépeint depuis son accession au
pouvoir a changé positivement en certains de ses aspects : industrialisation, projet pétrolier en
Ouganda avec une projection d’extraction en 2025 le fameux projet EACOP, la scolarisation des
enfants … mais aussi la stabilité de l’Ouganda. Cependant, l’envers du décor, reste cette soif du
pouvoir à vie qui l’habite, lequel par un curieux revers annihile tout ce qu’il réalise.
A coup d’élections présentées comme transparentes et honnêtes, Museveni est parvenu, ostracisation
et verrouillage du système aidant, à garder le pouvoir. Pire, de temps en temps, se profile même une
succession dynastique, avec son fils-général Muhoozi dont les frasques faisaient sourire mais
provoquent désormais depuis quelques années rictus et colère, vite rattrapé par le père qui n’hésite
pas à sévir. Dernier en date, lorsque le même Muhoozi affirme qu’il peut «conquérir Nairobi en
quelques temps», sortie qui lui a valu d’être congédié de la tête des armées ougandaises. N’empêche
qu’il reste et demeure non seulement le meilleur sécurocrate de son père, et un de ses jokers, lorsque
le temps sera venu de partir, si ce moment arrive, et si certains gradés de l’armée l’acceptent. Ce flou
entretenu sur une possible dévolution du pouvoir soit au fils, soit à un fidèle, ne laisse guère de doute
sur la trempe de Museveni : c’est un partisan du pouvoir ad vitam aeternam, et le discours d’hier, qui
sortait de l’ordinaire aurait convaincu, si les règles de la démocratie étaient jouées à fond, si un
opposant tel que son ancien toubib personnel, le colonel Kizza Bisigye n’était pas devenu aujourd’hui
le poil à gratter, ou pire, l’artiste-opposant Bobi Wine qui défie Museveni dans les urnes, n’alternait
pas séjour en prison ainsi que passage à tabac par les nervis du régime. Oui, ce discours aurait fait
mouche s’il n’y avait pas derrière cette carte postale politique et économique décrite et l’envers du
décor, fait d’un système répressif pour conserver le pouvoir.
Evidemment, à l’heure aussi où le déboulonnage des timoniers-tyrans en Afrique et leur
remplacement crée un vide, et une instabilité chronique, à l’heure où la démocratie a mal, démontrée
par le Forum Notre Futur (6-8 octobre 2022) qui consacra le lancement de la Fondation de l’innovation
pour la démocratie à Johannesburg par Achille MBembe, une des 13 recommandations retenues par
Macron, à l’heure du doute et d’une jeunesse frondeuse, qui veut créer ses propres repères, peut-être
que les Ougandais préfèrent encore Museveni. Mais on sait aussi où finit le «moi ou le chaos» !

La REDACTION

COMMENTAIRES

WORDPRESS: 0
Aujourd'hui au Faso

GRATUIT
VOIR