S’il avait la sveltesse, l’opiniâtreté, le caractère bien trempé et la fidélité à toute épreuve d’un Henri Emmanuelli, «le jumeau blanc» de Laurent Gbagbo, Aboudramane Sangaré le «jumeau noir» fuyait plutôt les feux de la rampe, et les mondanités, tout le contraire d’Emmanuelli. Pourtant, un même lien insécable lie les deux hommes à l’ancien président ivoirien, car tous vouent une amitié inaltérable au fondateur du FPI, et ce depuis des décennies.
Ironie du sort, a un peu plus d’un an de distance, l’illustre pensionnaire ivoirien de la CPI, perd deux jumeaux, l’un, le 21 mars 2017 et l’autre ce 3 novembre 2018, et tous les deux à 71 ans ! Celui qui présidait à l’aile dure du FPI restée dans le sillage de Gbagbo, Aboudramane Sangaré, partage avec l’ex-chef de l’Etat, un long compagnonnage que n’explique pas seulement le fait d’avoir été cofondateur du Front populaire ivoirien (FPI). «Parce que c’était lui, parce que c’était moi» disait Gbagbo. Si sur le campus en 1970 les deux se sentent déjà des atomes crochus, c’est assurément la même graine dont, ils semblent issus, qui resserrent leurs rapports et les rend inséparables, même malgré l’intermède, dû à l’exil de Gbagbo entre 1982 et 1988.
A moins que ce ne soit
le «serment de Strasbourg», ce qu’il convient d’appeler un pacte secret, «juré» en France dont le maître à penser n’était autre que le professeur Bernard Zadi Zahourou, historiquement le premier opposant au père de la Nation Houphouët-Boigny ? En tous les cas dès la perte du pouvoir, alors qu’au fil des mois, surout après l’éloignement de Gbagbo, la césure se fait nette :
– Pascal Affi N’Guessan partisan d’une sorte d’opposition conviviale, se rapproche du RDR, du moins du pouvoir d’Alassane Ouattara, tout en cherchant à voir Gbagbo, avec qui il demande une audience, dont il n’a pas encore obtenu le ok.
– Aboudramane Sangaré lui reste arc-bouté dans une opposition radicale, reçoit ses consignes depuis La Haye, et boycotte systématiquement toutes les élections ivoiriennes. Sans doute, on imagine mal, que celui qu’on affuble du sobriquet de «gardien de Temple», a adopté cette posture, sans avoir reçu le quitus de son mentor et alter ego, embastillé à Scheveningen.
Aboudramane Sangaré incarne donc la ligne frontiste voulue par Gbagbo, et ce vieux apparatchite du FPI manquera au parti, surtout à quelques mois d’une échéance aussi cruciale que la présidentielle de 2020. Néanmoins, la réunion présidée par Simone Gbagbo, immédiatement après la chute de ce baobab du FPI, augure une succession à la tête, sans heurts, et selon la stratégie du parti.
Et ça tombe bien, car depuis quelques mois, Simone Gbagbo, libérée, grâce au pouvoir discrétionnaire du président Ouattara, ne fait pas mystère de reprendre un parti ( en dépit de timides dénégations), dont elle a assisté à l’accouchement. Une Simone, cofondatrice donc du FPI, et au regard de son parcours, et de la position qui fut la sienne, qui peut légitimement prétendre à reprendre le spectre laissé par Aboudramene Sangaré. Au demeurant, le courant n’a jamais passé entre Simone et le patron de l’aile modéré du FPI, Affi N’Guessan, dont le pinacle fut sans doute visible au lendemain des Accords de Lina-Marcoussis.
La disparition de Sangaré, ouvre donc un boulevard à celle dont la légitimité ne peut souffrir d’aucune contestation. Reste à en mettre la forme par un congrès, et surtout reste à la terrible fille de Moossou, un village de Grand-Bassam à user de tact pour rassembler tous les frontistes et refaire briller la galaxie Gbagbo.
Sam Chris
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