Les hommes indispensables, les cimetières en regorgent, mais le monde est souvent orphelin de certains leaders disparus trop tôt ou à un moment charnière de l’histoire de leurs pays ou d’une région qui avaient besoin d’eux. Idriss Deby Itno paraît être l’un de ces hommes pour le Sahel.
L’ex-com. chef d’Hissène Habré qu’il renversa en 1990, s’est moulé au fil de son interminable règne, dans le boubou d’un président-guerrier dont avait besoin la sous-région confrontée depuis plusieurs années à des terrorismes crasses.
Elections trompe-l’œil, musèlement et mise au pas d’opposants, répressions, la démocratie n’était pas la tasse de thé de cet homme des ‘’Rezzous’’ (razzias rebelles) qui a repoussé moult rebellions contre son pouvoir, même celle de 2008 qui était aux portes de son palais, il est vrai avec le coup de pousse de la France. Deby-père était un vrai «Warrior» !
Lorsqu’il pousse ses premiers cris en 1952 dans le village d’Amdjareff dans la ville de Berdoba à 1000 kilomètres de N’Djamena, dans l’ethnie des Zaghawa, Deby avait déjà un destin tout tracé, car les Goranes, grand groupe des Zaghawa étaient des guerriers-nés.
«S’il n’a apporté ni or, ni argent, mais la liberté à la démocratie» phrase qu’il prononça à l’entrée de N’Djamena avec ses troupes en 1990, ses contempteurs diront qu’il a apporté «ni or, ni argent, ni liberté, ni démocratie», il s’est forgé par contre au fil des années une carapace de combattant sans peur, de soldat quasi intrépide ! Même si derrière le soldat affleure le politique qui instaura un pseudo-multipartisme. Réélu à chaque échéance, le maréchal Deby aura néanmoins formé une armée tchadienne digne de ce nom, très aguerrie et très… sollicitée. Au Tchad de toute façon, il faut une armée apte avec la noria de rebellions qui grenouillent pour y faire place.
Même président, Deby Itno n’hésitait pas à monter au front pour casser du rebelle. C’est l’une de ses sorties le 20 avril 2021 qui lui fut fatale avec le coup de feu des rebelles du FACT, une des factions rebelles armées. A ce deuxième anniversaire de son décès, sa veuve, Hinda Deby qui vit en France, lui a rendu hommage. Les pensées de son fils de successeur vont aussi à lui. Peut-être même est-il à Amdjareff pour s’incliner sur la dernière demeure de son père, nombreux n’iront pas, mais auront une pensée pour cet homme qui avait le caractère trempé.
Deby-père mort, un grand vide s’est créé au Sahel, et personne n’a encore pu occuper ce vide, on ne remplace pas le maréchal au pied levé, sur ce plan-là. D’abord, on savait que l’opération Barkhane allait tanguer, car si le QG de cette opération française était au Tchad, c’est parce que de ce pays, le dispositif de défense de la politique sécuritaire de la France pouvait se déployer avec aisance. Le Tchad est un maillon fort de cette stratégie sécuritaire.
Les militaires tchadiens ont été sur le sol malien et ont payé un sanglant tribut dans la lutte contre le terrorisme. Que dire de celle de Boko Haram dans laquelle, Deby-père s’est personnellement impliqué dans le Lac Tchad, dans la forêt de Sambissa et autre lieu où sévit la secte de Abubakar Shékau ? On se rappelle l’opération «Colère de Bohoma» du 29 mars 2020, au cours de laquelle, Deby à la tête de ses «Warriors» aurait éliminé près de 1 000 «chacals» de Boko Haram. L’armée tchadienne, jusqu’à la mort de Deby-père était sur les champs de bataille au Sahel et était efficace. On sent son absence, difficile à combler, même si c’est toujours la même armée tchadienne, dirigée par un autre soldat tout aussi valeureux, son légataire le général Mahamat Deby, on ne remplace pas le maréchal, qui avait une certaine légitimité, les connexions, la puissance de feu et payait de sa personne au propre comme au figuré.
Le maréchal Deby était un des derniers remparts contre l’expansionnisme terrorisme, d’aucuns diront que parce que la France était à ses côtés, mais demi-vérité, car son armée était reconnue comme très battante.
Deux ans après sa disparition, le Sahel est orphelin du maréchal Idriss Deby Itno, et certaines difficultés actuelles s’expliquent par son absence.
Zowenmanogo Dieudonné ZOUNGRANA
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