Divorce militaire France-Sahel : Comment l’ex-Métropole compte rebondir ?

Divorce militaire France-Sahel : Comment l’ex-Métropole compte rebondir ?

La guerre feutrée Paris-Niamey via l’ambassadeur Itté et les 1 500 soldats stationnés au Niger, qui a fini avec un petit Waterloo pour la France, est l’un des derniers feuilletons, au-delà des réactions primaires, qui marque un début de déconstruction d’une relation devenue insipide côté Sahel et que les coups d’Etat militaires et la lutte contre le terrorisme ont mis au grand jour. L’image de carte postale d’un François Hollande portée aux nues à Tombouctou, il y a 10 ans, lequel Hollande déclara que «c’était un des plus beaux jours de sa vie», et les noms de «François» que les Maliens donnèrent à l’époque à leurs nouveau-nés, étaient la preuve palpable que Serval a été acceptée et adoubée.

Une décennie plus tard, voici Barkhane, successeur de Serval qui plie bagages, pour insuffisance de résultats sécuritaires et incompatibilité d’humeur entre les militaires putschistes et la France.

Effet domino au Burkina, Sabre, plus tournée vers le Mali, mais logée à la lisière de Ouaga, était priée également de partir du pays des hommes intègres, dont le pouvoir militaire issu d’un second putsch du 30 septembre 2022 en avait fait une condition impérative.

26 juillet 2023, le 3e domino, le Niger tomba sous la coupe de soldats, et Bazoum, président élu démocratiquement est renversé. Ici aussi, la France sentait rapidement le soufre. Résistance de Macron et sur le départ de son ambassadeur, et celui des 1 500 soldats de Barkhane redéployés dans ce pays. Deux mois d’un bras de fer ponctués d’invectives, d’avertissements pour finalement voir la France se plier aux injonctions du général Tiani et ses frères d’armes. Ce lundi 25 septembre, Emmanuel Macron lâcha prise : le diplomate français rentre d’ici quelques heures, et les soldats s’en iront de concert avec … les autorités non-reconnues par l’Hexagone. Une petite couleuvre que la France avale, en serrant les dents.

On comprend d’ailleurs pourquoi la France tenait à un hypothétique retour au pouvoir de Bazoum, encouragé, il est vrai par la menace de la CEDEAO d’intervenir pour mater les putschistes et rétablir le célèbre reclus de la présidence (Bazoum) dans ses fonctions. Depuis lors, rien et le ressentiment anti-français qui ne fait que grossir, aidé, il est vrai par les pro-Russes, cet état de fait fragilisait une France qui a vraiment perdu pied au Sahel. Quelle configuration pourrait d’ailleurs prendre la coopération sécuritaire France-Sahel, après la claque nigérienne ?

Evidemment, on parle d’un énième redéploiement des 1 500 soldats du Niger au Bénin où selon certaines sources, un casernement est en train d’être aménagé à cet effet. Mais, si au Mali-Burkina et Niger, on parle de seconde indépendance (anachronique lorsqu’on brandit des drapeaux russes) et de décolonisation, et que sécuritairement, on est à l’année zéro, il est évident que la France doit revoir tout son dispositif militaire en Afrique. A défaut d’un tabula rasa, il faut redessiner le shéma  en adéquation avec les vœux des populations et selon la géopolitique en vigueur.

Au Tchad, dernier bastion du Sahel, la France doit se convaincre qu’il faut revoir son partenariat avec ce pays, cité en exemple ou contre-exemple de la politique française à géométrie variable avec d’autres pays. En Côte d’Ivoire, l’indéboulonnable 43e BIMA, doit être revue. Idem au Sénégal…

La réalité des relations internationales a rattrapé la stratégie française au Sahel basée sur des relations historiques, et une sorte d’acquis, de rentes politiques, toutes choses qui ont gêné le discernement de l’Elysée ces dernières années dans son rapport avec l’Afrique. Dire devant des étudiants burkinabè en novembre 2017, qu’il n’y a pas de relations France-Afrique, changer le format du sommet France-Afrique en y conviant la société civile, convoquer des chefs d’Etat élus à Pau pour une clarification…tous ces actes du Jupiter français n’ont pas suffi à stopper la blitzkrieg africaine en matière de changement de paradigme de ses relations avec l’ex-Métropole, laquelle est contrainte de remplacer son logiciel devenu obsolète.

Sécuritairement, la France n’a plus le monopole au Sahel pour aider à lutter contre les terroristes. Si aide ou appui, il devait encore en avoir, ce sera sans doute aux pays concernés de dicter leurs modalités.

Ceci dit, si les Africains chantent à tue-tête le requiem de la Francafrique, et voue l’ex-puissance tutélaire aux gémonies, il leur faudra désormais assurer dans tous les domaines, et cesser de trouver en chacun des tares, retards ou insuffisances, l’ombre de la France derrière. Vouloir couper le cordon ombilical avec la France est synonyme d’arrêter de la bouc-émissairiser. C’est cela aussi la responsabilité.

 

La REDACTION

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