Les contestations, voire les crises pré ou postélectorales naissent toujours en Afrique du fait de deux institutions qui sont au cœur des processus électoraux : la CENI et la Cour constitutionnelle. En amont, les résultats provisoires de la CENI ou même, la clarté du fichier électoral, que cette administration électorale aura fourni peut être un casus belli.
En aval, la confirmation ou rarement l’infirmation des résultats par la Cour constitutionnelle, est aussi l’étincelle qui met le feu aux poudres. En RD Congo, la CENI a affiché le 24 août dernier la liste des admissibles pour la présidentielle du 23 décembre 2018. Sur 25 prétendants, 6 ont vu leurs dossiers rejetés pour divers motifs allant de la binationalité, au non-paiement de la caution (100 000 dollars US) aux raisons judiciaires comme celles qui justifient, l’irrecevabilité de la candidature de Jean-Pierre Bemba. Outre les recalés de la présidentielle, il y a 283 autres pour les législatives sur 15 505 postulants.
Ainsi donc les Sami Badibanga, Adolphe Muzito, et Antoine Gizenga, des ex-PM de Kabila, ainsi que Marie José Ifoku, la seule femme candidate, et évidemment, Jean-Pierre Bemba, sont out ! Naturellement le cas de l’ancien vice-président congolais demeure le plus emblématique, et le plus problématique. En bénéficiant début juin d’une liberté provisoire, sur le dossier crimes contre l’humanité en RCA, bien que le chef d’accusation de subornation de témoin reste suspendu sur sa tête, le chairman du MLC, compte bien être sur la ligne de départ. Et cette libération qui s’est faite contre l’avis de la procureure Fatou Bensouda, le fait qu’il ait bénéficié fissa d’un passeport diplomatique et a pu déboulé le 1er août, à Kinshasa et déposé son dossier le lendemain étaient de bon augure.
Son collègue Moïse Katumbi n’a pas bénéficié des mêmes égards. Puisque lui, ne peut même pas rentrer en RD Congo ! En taclant JP. Bemba, Corneille Nanga et ses conseillers de la CENI confirment tout le mal qu’on pensait de l’institution : qu’elle est stipendiée par le pouvoir et aux ordres de Kabila. Depuis des mois en effet, le porte-parole de la majorité, André Atundu n’a eu de cesse d’affirmer que la candidature de Bemba ne sera pas retenue, car il est sous le coup de la justice.
Et s’il faut dire que le sort politique du fils de Saolona Bemba se joue encore à la CPI, avec la subornation de témoin, et si ses avocats plaident pour la relaxe totale, arguant sur les 10 ans passés à Scheveningen, la balle est surtout dans le camp de la Cour constitutionnelle, qui devra instruire le dossier à charge et à décharge, tout en tenant compte du contexte actuel pour libérer sa décision qui sera sans appel. Subornation de témoin et corruption ont-elles la même acception dans le code pénal congolais ? C’est à cette question nœudale que se joue le destin politique de Bemba, et à cette lancinante interrogation que les grands juges congolais devront répondre pour dire le droit.
Au Mali, par exemple, l’opposition est vent debout contre la Cour constitutionnelle, taxée d’avoir joué le jeu du président sortant IBK, quand bien même, on sait que si fraudes il y a eu, les 67% du reconduit correspondent à la vérité des urnes. C’est dire que sa collègue congolaise, est très attendue, épiée et (déjà) suspectée, et devra donc soupeser les attendus de son jugement avant son verdict. Généralement les juges des grandes juridictions sont en principe astreints au devoir d’ingratitude. Mais on est en RDC, le peuvent-ils face à Kabila, le deus ex-machina du pays depuis ces dix dernières années ? En tout cas, cette Cour est face à sa responsabilité historique.
Sam Chris
COMMENTAIRES