Dr Madeleine Rouamba : «Le diabète peut causer un dysfonctionnement érectile »

Dr Madeleine Rouamba : «Le diabète peut causer un dysfonctionnement érectile »

Le diabète est une maladie grave très fréquente, qui touche de nombreuses personnes, tout âge confondu à travers le monde. Au Burkina Faso, sa prévalence est de 4,9%. Des chiffres largement en-deçà de la réalité, car un malade sur deux ne se sait pas malade. Pour plus d’éclairage, nous avons tendu notre micro au Dr Marie Madeleine Rouamba, médecin interniste au CHU de Bogodogo. Dans cet entretien, elle aborde en long et en large tous les aspects de cette maladie chronique, que certains qualifient de « maladie de riches ».

Qu’est-ce que c’est  que le diabète et quels peuvent être ses signes annonciateurs ?

Le diabète est une maladie chronique caractérisée par une augmentation permanente du taux de sucre  appelé glycémie dans l’organisme du fait d’une insuffisance ou une absence totale de l’insuline,  d’une résistance des cellules à l’effet de l’insuline, ou soit  des deux mécanismes combinés. Cette maladie dite «du sucre» est grave s’elle n’est pas traitée de façon efficiente.

Chez un individu sain, le contrôle de la glycémie se fait par l’insuline, une hormone sécrétée par le pancréas. L’insuline permet l’entrée du sucre dans les cellules pour qu’il soit utilisé comme carburant, particulièrement dans les muscles et le foie.

Les signes du diabète sont assez caractéristiques. On distingue ce qu’on appelle les signes cardinaux à savoir : l’envie fréquente d’uriner, de boire, de manger, et l’amaigrissement. Et les autres signes qui doivent alerter : une faiblesse ou une fatigue inexpliquée, des troubles de la vision (la vision devient floue), les infections répétées telles que les furoncles  ou des plaies qui mettent du temps à guérir.

Quels sont les différents types de diabète connus ?

Il y a deux grands types de diabète : le Diabète de type 1 (DT1) et le Diabète de type 2 (DT2). Le DT2 qui est le plus fréquent touche 90 à 95% des malades diabétiques. Quant au DT1, il varie entre 5 et 10%. Le diabète de type 1 est celui de l’adulte jeune dont l’âge est inférieur à 35 ans, de l’adolescent et des enfants. Il est caractérisé par une absence totale de l’insuline dans le sang. Le DT2, touche le sujet adulte au-delà de 35-40 ans, généralement  en surpoids ou obèse. Dans ce cas de figure, la sécrétion de l’insuline n’est pas totalement tarit  mais elle n’est pas suffisante pour jouer le rôle hypoglycémiant qui est le sien.

Quelles sont les causes de cette maladie ?

L’on ne parle pas de causes en ce qui concerne le diabète mais plutôt  de facteurs de risque. Il s’agit d’un ensemble de facteurs génétiques, environnementaux  liés au mode de vie qui, combiné, vous prédispose ou vous expose à développer le diabète. On distingue les facteurs modifiables sur lesquels l’on peut agir pour prévenir le diabète. Ce sont : la mauvaise alimentation (les aliments trop gras, salé et sucré), la sédentarité, le surpoids voire l’obésité, l’hypertension artérielle, le tabac,  l’alcool et le stress.

Les facteurs non modifiables sur lesquels aucune action ne peut être menée. Nous avons  l’hérédité c’est-à-dire avoir un cas de diabète dans votre fratrie, chez la femme un antécédent de gros fœtus de 4 kilogrammes ou plus,  l’âge (âge supérieur à 40 ans), le sexe (les hommes sont plus exposés).

Quelles peuvent être les complications du diabète?

Les complications sont redoutables et font la gravité du diabète.

A long terme, plusieurs diabétiques voient leur état de santé s’aggraver, surtout si le diabète n’est pas bien contrôlé et suivi. En effet, une glycémie élevée de façon chronique endommage peu à peu les nerfs et les vaisseaux sanguins, principalement aux yeux et aux reins. Le diabète peut ainsi être à l’origine de maladies cardiovasculaires, d’une perte de vision irréversible, de douleurs en raison d’atteintes des nerfs et d’insuffisance rénale. En effet, le diabète est l’une des principales causes de l’insuffisance rénale chronique. Chez l’homme, on peut constater un dysfonctionnement érectile.

Quelle est la situation du diabète au Burkina Faso ?

Dans le monde en 2017, la FID estimait à  425 millions le nombre d’adultes vivant avec le diabète.

Au Burkina en 2013, le rapport du Système national d’information sanitaire (SNIS) a révélé 3 849 cas de consultation pour diabète en consultation externe dans les centres médicaux et les hôpitaux. L’Annuaire statistique 2017 du ministère de la Santé fait ressortir 10859 cas de diabète (consultations externes dans les centres médicaux et les hôpitaux) dont 45 cas chez des enfants de moins de 15 ans, 4 936 cas chez les femmes et 5 877 cas chez les hommes. La prévalence du diabète selon le ministère de la Santé est estimée à 4,9%. Toutefois, ces chiffres  sont largement en déca de la réalité, car un malade sur deux ne se sait pas malade.

Comment le prévenir ?

Pour prévenir le diabète, il faut d’abord agir sur les facteurs de risque modifiables que nous avons cités plus haut. En mangeant moins salé, moins sucré et moins gras. Il faut avoir une activité physique selon ses capacités physiques, de façon régulière de 30 mn à 1h de temps au moins trois à quatre fois dans la semaine.

Quel régime alimentaire pour un diabétique ?

Chez les adultes diabétiques, les glucides doivent représenter 50 à 55% de l’apport énergétique total, les protéines 10 à 15% et les lipides 30 à 40%.

Les aliments interdits : tout ce qui est à base de sucre comme les bonbons, les confiseries,  les pâtisseries et boissons sucrées, charcuteries et fromages, alcool ;

Les aliments à consommer avec modération : il faut réduire les apports en féculents (aliments à base de céréales et tubercules) ; les fruits contiennent également du sucre, mais ils sont l’une des principales sources de vitamines et sels minéraux dont l’organisme a besoin pour bien se porter ;

Les aliments à consommer sans limite : légumes (haricots verts, tomates, aubergines, laitues, autres feuilles locales riches en fibres), eau.

Les autres : éviter les situations de stress et le tabac.

Comment se fait la prise en charge des patients ?

À ce jour, il n’existe pas de traitement curatif contre le diabète.

Pour la prise en charge des diabétiques, il y a d’abord l’éducation  du patient sur

sa maladie. C’est une maladie chronique et on n’en guérit pas. En  équilibrant la glycémie votre vie sera normale comme toute autre personne. Le patient doit comprendre que son régime alimentaire va changer. Il doit aussi savoir que désormais il devra intégrer dans sa vie une activité physique régulière selon ses capacités. Pour ce qui est du traitement, plusieurs médicaments existent. Nous avons les antidiabétiques oraux pour le diabète de type 2, et l’insuline pour le type 1. Cependant, dans certains cas, l’on peut avoir des indications de traitement par l’insuline dans le DT2.

Quelles difficultés rencontrez-vous ?

Les difficultés sont énormes en matière de prise en charge du diabète. La première, c’est le suivi. Du fait de la chronicité de la maladie le suivi n’est pas satisfaisant pour nombre de diabétiques. La précarité des personnes malades a un impact négatif sur l’équilibre du diabète. Les coûts des médicaments, et surtout des examens de laboratoire pour le contrôle périodique trimestriel, puis du bilan de retentissement annuel font de cette maladie «une maladie de riches» pour citer les diabétiques. Le coût mensuel du diabète non compliqué au Burkina selon l’Association burkinabè d’aide aux diabétiques (ABAD) est estimé à 59 000 F CFA. Ce qui a pour conséquences des rendez-vous non honorés, des ruptures récurrentes du traitement, la survenue des complications et la mort.

Quel est votre dernier mot ?

Je voudrais informer la population que cette maladie appelée diabète existe belle et bien et son ampleur est de plus en plus importante, vu les statistiques que nous avons et du nombre de malades que nous côtoyons au quotidien. C’est aussi une maladie assez sérieuse et grave du fait de ses complications. Mon premier cri du cœur s’adresse à ceux qui ne sont pas diabétiques : il faut se faire dépister chaque année. Pour ceux qui sont déjà diabétiques, suivre les prescriptions du médecin et honorer tant que possible le suivi. Ceux qui pour des raisons financières optent pour la médecine traditionnelle, ne pas abandonner le contrôle de la glycémie. Le contrôle permettra de revenir à la médecine conventionnelle avant les complications irréversibles.

Boureima SAWADOGO

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