Elections au Burundi : Alternance trompe-l’œil dans un Etat orwellien

Elections au Burundi : Alternance trompe-l’œil dans un Etat orwellien

Qui du général Evariste Ndayishimié et des 6 candidats dont Agathon Rwasa aura l’onction des 5 millions de Burundais appelés dans les bureaux de vote ce jour 20 mai pour élire le président de la République ? Posez cette question, c’est suggérer en même temps la réponse, tant entre le candidat du pouvoir et les 6 challengers, tout a été mis en œuvre pour que le militaire passe au détriment des autres.

Après un 3e mandat obtenu en 2015 en enjambant une centaine de cadavres, en emprisonnant des opposants, en forçant à l’exil des compatriotes, en brûlant des médias et en violentant des journalistes, le pasteur-président Pierre NKurunziza n’est pas  candidat à sa propre succession, respectant sa promesse de ne pas «se retourner sur sa parole comme sur son lit».

En démocratie, les jeux sont très ouverts quand le sortant n’est pas partant, sauf, quand tout est vicié pour une dévolution de façade, pour un semblant de changement. Cas patent du Burundi.

Dans ce pays des Grands Lacs, lorsqu’il s’agit du pouvoir, et ce depuis les Accords d’Arusha en 2000, c’est le CNDD/FDD qui régente la vie du pays. Un parti politique appuyé par une armée elle-même repliée dans une posture grégaire qui contrôle tout. Si Pierre N’Kurunziza a pu se maintenir durant 15 ans à Gitega, le siège de la présidence, c’est grâce à une armée monolithique, disposée en bloc derrière un parti et un clan et le vote d’aujourd’hui s’apparente à une formalité électorale. Le seul de l’opposition qui essaie de sortir la tête hors de l’eau c’est le leader du CNL. En effet, Agathon Rwasa a crapahuté dur, malgré les menaces, les intimidations, l’arrestation de près d’une centaine de militants du CNL, et même la mort de plusieurs de ses ouailles. Tel l’assassinat du responsable du CNL de la Colline Mbogoro, Richard Havyarimana, tué par les jeunes illuminés du CNDD/FDD, les Imbonerakure.

Mais on sait que le match est déjà plié. Avant de désister pour un 4e mandat, le CNDD/FDD et l’armée se sont entendus sur le nom du général Evariste Ndayishimié. Et ce choix n’est pas fortuit.

Le bien nommé «Samuragwa», l’héritier, surnom du général-candidat devrait l’emporter sans coup férir, par l’argument de la force, dans ce vote à huis-clos, les observateurs nationaux et internationaux étant aux abonnés absents.

Des législatives et une présidentielle organisées sur fond de violence et dans un déni sanitaire puisque le Covid-19 a été quasiment ignoré, le Burundi, selon le canon religieux national étant sous l’ombrelle de Dieu, et à la date du 18 mai, il n’y avait seulement que 42 malades et 1 décès.

Ce 20 mai donc, les 5 millions d’électeurs burundais, n’auront donc pas à choisir, puisqu’il n’y a que l’option du changement dans la continuité, autant dire que tout change pour que rien ne change.

A bien des égards, on peut même dire qu’enfin l’armée retrouve sa chose, car c’est elle le véritable détenteur du pouvoir. Certes depuis 2000, elle ne descend plus dans l’arène de façon bruyante à coups de canons, mais c’est elle qui protège, le pouvoir civil et sévit contre les opposants, elle est la résultante de l’opposition armée, lors des années de braises de 1993, consécutives à l’assassinat du président civil Hutu démocratiquement élu : Melchior Ndadaye.

Vote trompe-l’œil, vote-alibi, dans cet Etat orwellien dont le destin des populations quittera les mains d’un président civil (à la main de poigne, on n’a pas fait la rébellion pour rien) pour rejoindre celles d’un soldat, qu’on dit modéré, mais, on oublie souvent qu’il est issu d’un système !

A la vérité, cette alternance donne l’illusion d’une mobilité politique, mais les Burundais ne sont nullement dupes, il s’agit d’un tour de passe-passe, mais la gouvernance ne changera pas, et leur existence guère non plus. Ainsi va la vie au Burundi ou le peuple ploie depuis 15 ans sous le joug d’un pouvoir. Mais attention tous les jours sont pour l’homme fort, et il y a un jour pour le peuple !

La REDACTION

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