La polémique avait enflé sur les circonstances de ce drame qualifié aux premières heures de «bavure» par les uns et d’opération de neutralisation de djihadistes » par les autres. Trois mois après, c’est une enquête qui vient éclaircir la nuée de poussière qu’a laissé le passage des bombardiers français dans l’espace de Bounti.
L’enquête menée auprès de plus de 200 personnes par la division des droits de l’homme de la Mission de l’ONU au Mali, appuyée par la police scientifique des Nations Unies, informe que le 3 janvier 2021, 19 civils réunis pour un mariage ont été tués par une frappe aérienne de l’armée française. Au moins 22 personnes avaient été tuées, dont trois des membres présumés de la katiba Serma. Dix-neuf sont morts sur le coup et trois au cours de leur évacuation, affirme le document. Le groupe touché «était très majoritairement composé de civils qui sont des personnes protégées contre les attaques au regard du droit international humanitaire», rappelle la Minusma.
Le rapport confirme la tenue d’une célébration de mariage qui a rassemblé sur le lieu de la frappe une centaine de civils parmi lesquels se trouvaient cinq personnes armées, membres présumés de la katiba Serma. En dépit de cette précision, c’est un nouveau rapport accablant pour l’opération Barkhane qui vient d’être mis sur l’espace public.
D’ores et déjà, à ce rapport qui exhume une nouvelle bavure de l’armée française, Paris a promis de répondre point par point dans les prochains jours. Mais qu’à cela ne tienne, il s’agit d’une autre page sombre de la présence française au Sahel qui s’ouvre. Comme en pareilles circonstances et pour sa défense, la France, à travers son ministère des Armées a vivement réagi et réfute toute hypothèse de bavure de ses soldats au Mali. Dans ses réponses à cette enquête, Paris tentera à coup sûr de trouver des «justificatifs» pour sauver son honneur, mais la qualité des enquêteurs et le sérieux de leur travail, fait de l’armée française un bourreau parfait dont la marge de manœuvre s’est considérablement réduite. A l’image du naufragé dont le reflex est de s’accrocher à tout ce qu’il trouve sur sa trajectoire pour quitter les eaux qui l’emportent, la France fera tout pour garder son honneur sauf. Mais à force de se démener, ne montre-t-elle pas des signes de frilosité coupable ?
Sans présager à 100% de la véracité des conclusions de l’enquête, les carottes semblent déjà cuites et il faudra envisager un «mea culpa» et d’éventuelles réparations pour les victimes dans les prochaines semaines. A cet effet, la convention de Genève est claire ; il faut des sanctions à l’endroit des auteurs de cette opération de sécurisation qui aurait viré à l’échec. Ainsi, comme les armées des pays membres du G5 Sahel, accusées d’exactions sur des civils, l’armée française qui n’a pas bonne presse auprès d’une certaine opinion africaine, est de nouveau épinglée dans un rapport. Ce rapport apporte de l’eau au moulin des contempteurs de la présence militaire française en Afrique et au Sahel qui n’hésiteront pas à s’en saisir pour justifier leur «combat» et remonter sur leurs grands chevaux et crier à tue-tête «à bas l’impérialisme !» .
Davy Richard SEKONE
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