Prix Nobel de la paix au Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed : Prime à une race de dirigeants en voie de disparition

Prix Nobel de la paix au Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed : Prime à une race de dirigeants en voie de disparition

Et de deux pour l’Afrique, en deux années consécutives ! Après le Congolais réparateur de femmes, le docteur Denis Mukwege en 2018, avec la suppliciée sexuelle de DAESH, la  Yezedi                     Nadia Murad, voici qu’un autre Africain, le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed recevait le Prix Nobel de la Paix 2019. C’est suffisamment rare pour ne pas être souligné dans une Afrique en proie aux guerres classiques et asymétriques, et à la raréfaction des leaders-faiseurs de paix.

En Erythrée, même les populations ont encore du mal à apprécier à sa juste valeur la fin de la guerre fratricide de deux décennies entre l’Ethiopie. Leur dirigeant, Isaias Afwerki, est toujours présenté comme l’un des dirigeants le plus répressif de sa génération. Des frontières ont été fermées entre l’Erythrée et l’Ethiopie, faisant s’interroger sur la compréhension de l’acception «réconciliation» du côté érythréen.

En Ethiopie, des violences interethniques ont fait un millier de morts en  2018, sous la gouvernance d’Abiy Ahmed. C’est la preuve que ce n’est pas d’une sinécure qu’il a hérité, mais d’une Ethiopie crisée, malgré le travail effectué par un de ses devanciers Zelès Menawi. Les réformes entreprises par le Premier ministre font grincer des dents et entraînent la réprobation de nombre d’opérateurs économiques. Enfin, la tête de proue de l’Ethiopie est toujours au pouvoir. Ce qui est une menace pour l’intégrité du Prix Nobel de la paix 2019 qui lui a été décerné. Mais faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ?

C’est certain. Le monde serait plus merveilleux s’il abritait davantage d’hommes politiques de la trempe, de la carrure et de la volonté de cet homme d’Etat éthiopien. Arrivé au pouvoir, il a compris qu’il ne pouvait tracer des sillons du développement de son pays ni le pacifier si les échardes de la guerre continuaient de pleuvoir sur le champ de ses réformes. Ceinture fortement serrée autour de la taille, muni de son sourire facile et de son élégance non feinte, le Premier ministre éthiopien a agrippé son bâton de pèlerin pour désamorcer en quelques mois, un conflit qui durait depuis 20 ans entre deux pays frères. L’interminable guerre entre l’Ethiopie et l’Erythrée qui dura de mai 1998 à juin 2000 aura occasionné des dizaines de milliers de victimes, des milliers de déplacés. Sans oublier la lointaine guerre entre les 2 pays de 1961 à 1991 qui aura été tout aussi meurtrière.

La seule signature de l’accord de paix par son seul entregent (il a dû faire des compromis, des sacrifices et des renoncements) lui aurait valu le Prix Nobel de la paix. L’Histoire du monde a rarement enregistré dans le registre de ses déambulations, de protagonistes qui décident d’eux-mêmes de mettre fin à une crise qui ne fait pourtant pas leurs affaires.

Mais ce n’est pas tout. On mettra à son actif, la libération de plusieurs prisonniers de conscience des geôles éthiopiennes. Sa mission ne s’arrête pas là. Au Soudan du Sud, l’accord de paix, même pas tout à fait accompli, a été son œuvre. Et au Soudan de Omar El Béchir, on a vu son passage en tant que médiateur de la crise entre les militaires et les populations.

A l’intérieur, les critiques fusent certes contre lui. Mais, elles proviennent majoritairement de détenteurs d’un certain establishment  qui ne tolèrent pas que les réformes qu’il a entreprises ne viennent déranger et remettre en cause leurs intérêts enracinés depuis de longues années et qui profitaient d’un certain laxisme et complicité au sommet de l’Etat.  Du reste, les réformes qui instaurent l’ordre et tendent vers la satisfaction de l’intérêt général font rarement l’unanimité.

Le Prix Nobel de la Paix, loin d’être une prime aux insuffisances de son action vers la construction de la paix, est ici plutôt une sortie de vigie qui a été posée sur l’épaule d’Abiy Ahmed. Un joug qui le force désormais à guider son énergie vers la résorption qui empêche les hommes de nuire aux autres hommes. Un sacerdoce qui est lourd et qui n’intéresse plus vraiment ceux qui ont la chance de présider à la destinée de leurs prochains. Ce prix Nobel est une consécration mondiale pour ce jeune premier ministre de 43 ans, rentré en politique en 2010 seulement et qui 8 ans plus tard avec l’OPDO son parti et avec la coalition du Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE) remplacera Haïlè Mariam Deralegn.

Ces lauriers sur la tête d’Abiy Ahmed est un encouragement au vivre-ensemble, entre Oromos et Tigréens. Mais également un honneur à une race de dirigeants, dont le nombre va décroissant sous les tropiques.

Ahmed BAMBARA

COMMENTAIRES

WORDPRESS: 0
Aujourd'hui au Faso

GRATUIT
VOIR