Extinction des poursuites contre le général Sanogo et Cie au Mali : L’éponge de la loi d’entente nationale ou de la loi des «bérets verts» ?

Extinction des poursuites contre le général Sanogo et Cie au Mali : L’éponge de la loi d’entente nationale ou de la loi des «bérets verts» ?

Et voici venus les jours des premiers bénéficiaires de la Loi d’entente nationale, promulguée en 2018 qui absout pratiquement tous les criminels de 2012, exceptant ceux relevant de la CPI. Voici venus les jours de l’homme du 22 mars 2012 et ses conjurés.

Le général Amadou Aya Sanogo est donc libre. Avec ses 12 autres co-accusés. Il n’est pas condamné. Il n’est pas acquitté. Il est juste libre. Parce qu’il n’y a plus de procès. Ainsi en a décidé la Cour d’appel de Bamako hier, face à un Sanogo, qui pavoisait quasiment, lunettes de «Black in men» au visage, et le sourire aux lèvres avant le délibéré de la Cour. Liberté pour celui qui se prenait pour le De Gaulle malien, libre ses coaccusés le sont au nom de l’opérationnalisation de cette politique de la restauration de la paix et de réconciliation, mais aussi de cet accord qui lie l’Etat via l’ex-premier ministre d’IBK Boubou Cissé et Sagara Bintou Maïga, la présidente de l’association des parents et épouses des Bérets rouges assassinés. Soit concrètement 15 millions par tête de pipe pour les soldats de rang, 20 pour les caporaux et 30 pour les sergents chefs et des villas F5 pour chacune. En vérité, indemnisation contre extinction de l’action judiciaire. En fait, les 21 Bérets rouges trouvés dans la fosse commune à la lisière de Bamako, n’auront pas de justice, du moins par celle classique mais seront dédommagés.

Ces tués vont sans doute être relégués dans les casiers des dommages causés lors de la répression de la tentative de contre-coup d’Etat des 30 avril et 1er mai 2012 menée par les commandos parachutistes, les militaires du 33e Régiment commandos, compagnon d’ATT, les fameux bérets rouges, contre les «bérets verts» de Aya Sanogo, qui avait perpétré un mois plus tôt, le 22 mars 2012, le putsch qui a mis fin au pouvoir de Amadou Toumani Touré (ATT).

Un combat sanglant avait alors opposé les soldats du camp de Kati à ceux de Djicorni, la base des parachutistes. Plus nombreux, peut-être plus équipés, les «frères d’armes» du capitaine Amadou Sanogo ont riposté, puis ont mis en déroute les «bérets rouges» avant de les embastiller. Dans cette guerre fratricide menée par des soldats d’un même pays qui était pourtant attaqué au même moment par des forces terroristes, une vingtaine de soldats d’élite et membres de la garde présidentielle de ATT sont portés disparus. Ils ne seront retrouvés que plus d’un an plus tard, en décembre 2013, dans un charnier. Une fosse commune. Empilés. Les yeux bandés. Passés aux armes.

Le général Aya Sanogo, qui a finalement entre temps sauté  du cockpit du pouvoir, devenu trop étroit pour ses galons de militaire, tombe dans l’œil de la justice. Emprisonné dans une résidence de Silingué à Sikasso, Aya avait déjà bénéficié d’une liberté provisoire en janvier 2020.

Mais après un dédale judiciaire fait de reports, d’atermoiements, de tentatives avortées de tenue de procès, entrecoupées entre temps par une remise en liberté provisoire du principal suspect, ceux qui aspiraient à connaître la vérité, près d’une décennie plus tard après la commission des évènements, doivent se résoudre à cette réalité : non, il n’y aura pas d’auteurs «officiels» à ces assassinats. Ils sont à la limite passés par perte et profits.

Certes. Pas totalement. La loi d’entente nationale, cette loi d’amnistie votée par l’Assemblée nationale et qui est dotée d’une grosse éponge, est passée par là. A défaut de connaître la vérité, les ayant-droits ont eu droit à des indemnisations. Elles sont financières. Et en nature aussi, puisque des proches sont autorisés à intégrer la fonction publique. Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès, dit-on.

Les familles des victimes ont apparemment préféré cette option. Des réparations plus ou moins compensatrices, qui sont peut-être mieux que le bras de fer dont ils pourraient sortir totalement perdants. Ceci n’explique pas forcément cela. Et cette loi quasi-amnistiante qui élargit Aya et ses 12 compagnons n’est pas l’œuvre de l’ex-CNSP, mais du pouvoir d’IBK. On ne peut donc pas soupçonner Assimi Goïta et ses collègues darmes d’avoir «fabriqué» une loi pour libérer leur «korô» (grands frères en langue bambara) d’armes de Kati. Mais en même temps, c’est une loi qui fait leur affaire à double titre : D’abord le coup d’Etat qui a forcé le président IBK à abandonner le pouvoir a été mené par des soldats du même camp de Kati, des «élèves» du général Aya Sanogo, des «bérets verts» qui seraient légitimement animés par l’esprit de ne pas trahir la «solidarité de corps». Du reste, l’apparition en tenue d’apparat du Général Sanogo à la cérémonie des 60 ans d’indépendance du Mali devrait renseigner sur le camp choisi par les putschistes désormais emmitouflés dans les fourrures du pouvoir de transition. L’esprit militaire a prévalu, entre ces jeunes colonels et leurs aînés donc, qui se sont côtoyés, ont mangé le «garba» (riz) ensemble au casernement de Kati et se sentent en communauté de sort. Putschistes en 2012, putschistes en 2020, putschistes un jour, putschistes toujours !

Ensuite s’entêter à mener  un procès contre le «réhabilité» pourrait s’avérer inutile. Quoiqu’on dise, c’est aussi une sorte de justice transitionnelle qui est en branle au Mali avec cette interruption du jugement des putschistes de 2012 accusés d’avoir tué 21 Bérets rouges. Et pour beaucoup, même pour le radical leader du parti SADI et membre du M5, Omar Sariko, c’est tant mieux, car si ça peut être une catharsis ! Car un procès véritable d’Aya risque d’ouvrir une boîte de pandore. Justice transitionnelle, sous une transition, qui n’en est pas l’auteur mais quelle belle occasion pour solde de tout compte en matière de violences politiques ! Car le chemin est désormais tout tracé pour les véritables maîtres de cette transition malienne de faire avancer beaucoup de dossiers judiciaires pendants. Oui, les «bérets verts qui sont au pouvoir peuvent à présent accélérer cette concorde nationale, par le truchement de cette justice d’arrangement. Et si le Mali réussit cette voie, il pourrait inspirer le Burkina, par exemple avec ses monceaux de dossiers tels que ceux de l’insurrection, du coup d’Etat…

Il est temps d’ailleurs que tous ces pays du Sahel tournent la page, et s’attaquent aux problèmes de développement. Le Mali montre la route, d’aucuns crieront à la justice des Bérets verts, des vainqueurs, mais il faut bien brûler ces scories du passé pour avancer.

La messe est donc dite. Il ne reste plus à espérer qu’elle contribuera réellement à apaiser les cœurs au Mali et que ce pays n’ait plus encore à danser sur les braises des querelles fratricides .

Ahmed BAMBARA

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