Extradition de François Compaoré : La CEDH oppose une fin de non-recevoir

Extradition de François Compaoré : La CEDH oppose une fin de non-recevoir

C’était le dernier verrou qui devait sauter pour ouvrir la voie à l’extradition de François Compaoré vers le Burkina Faso, mais il n’a pas plié. Dans un arrêt, daté du jeudi 7 septembre 2023, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rejeté la demande d’extradition de François Compaoré vers le Burkina Faso. Cette décision intervient plus de deux ans après le décret pris par la France autorisant l’extradition du frère cadet de Blaise Compaoré poursuivi pour des faits «d’incitation à assassinats» du directeur de publication du journal L’Indépendant Norbert Zongo et de ses trois compagnons le 13 décembre 1998.

Deux coups d’Etat changent le contexte politique

Le feuilleton judiciaire que constituait cette affaire et qui retient les attentions semble se renfermer sur cette note de la CEDH qui estime que la situation politico-sécuritaire n’est pas favorable à une extradition de l’ex-conseiller spécial de la présidence du Faso. Selon la Cour, le contexte politique burkinabè a changé depuis que le pays avait subi deux coups d’État militaires. De ce fait, estime- t-elle, «il n’existe plus en l’espèce les mêmes éléments permettant de s’assurer de la fiabilité des assurances fournies par le Burkina Faso par le passé et sur lesquelles les autorités internes se sont exclusivement fondées pour motiver leurs décisions accordant l’extradition du requérant».

Elle explique que «l’extradition de François Compaoré constituerait  une violation de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en son volet procédural en cas d’extradition du requérant vers le Burkina Faso, faute d’une appréciation ex Nunc par les autorités françaises du risque qu’il allègue encourir en cas de mise en exécution de la mesure de remise à l’Etat qui demande son extradition». Ainsi, elle affirme «qu’il est souhaitable dans l’intérêt du bon déroulement de la procédure, de ne pas extrader le requérant jusqu’à ce que le présent arrêt devienne définitif ou qu’elle rende une autre décision à cet égard». Elle juge donc qu’il y aurait «violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme («nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants»), en son volet procédural en cas de mise à exécution du décret d’extradition sans réexamen préalable de la validité et de la fiabilité des assurances diplomatiques fournies par le Burkina Faso». A cet effet, la Cour européenne des droits de l’homme exhorte Paris à réexaminer le décret autorisant l’extradition du frère cadet de l’ancien président Blaise Compaoré. Au titre des frais et dépens, l’Etat du Burkina Faso doit verser la somme de 15 000 euros (9 825 000 Francs CFA) au requérant pour frais et dépens dans un délai de trois mois. François Compaoré avait demandé 100 000 euros (65 500 000 F CFA). Notons que pour l’heure, la décision de la CEDH n’est pas définitive, et laisse la porte ouverte à un recours auprès de la Grande Chambre.

En rappel, François Compaoré avait été mis aux arrêts le 29 octobre 2017 à l’aéroport français de Roissy en exécution d’un mandat d’arrêt international lancé par Ouagadougou. La justice burkinabè avait aussitôt demandé son extradition, et fournit des garanties à la France. Le Burkina Faso s’était engagé à garantir un procès équitable mené par un tribunal indépendant et promis qu’en cas de condamnation à mort de François Compaoré, la peine ne serait pas mise à exécution.

En vertu de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme

Après plusieurs mois de procédures, le 21 février 2020, dans un décret signé par le premier ministre Edouard Philippe, le gouvernement français avait autorisé l’extradition de François Compaoré vers le Burkina Faso. Ce décret fera l’objet d’un recours de l’ancien conseiller de Blaise Compaoré auprès du Conseil d’Etat français qui, à son tour avait validé le décret d’extradition le 30 juillet 2021. En dernier ressort, François Compaoré avait donc décidé d’introduire un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Pour sa cause, il indiquait que son extradition entraînerait des conséquences d’une gravité exceptionnelle sur sa sécurité et son intégrité physique, et violerait l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Et c’est en vertu de cet alinéa que cette cour a opposé une fin de non-recevoir à cette extradition.

Davy Richard Sékoné

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