Fatou Bensouda en RDC :  L’incompréhensible prudence de la Thémis mondiale

Fatou Bensouda en RDC : L’incompréhensible prudence de la Thémis mondiale

Ça y est ! La Procureure «mondiale» a mis les pieds en République démocratique du Congo (RDC), cette terre gorgée par de nombreux crimes et sur lesquels Fatou Bensouda avait donné de la voix. La répression barbare de manifestants à Kinshasa, à Mwanza Lomba, à Beni et les massacres qui ont éclaboussé les provinces des Kasaï, précisément  au Tshimbulu au Kasaï central, avaient hérissé les poils du monde entier, au point que certaines organisations avaient fait appel à la Cour pénale internationale.

Les 3 000 personnes qui ont trouvé la mort dans des violences déclenchées en août 2016 entre les forces de l’ordre et des membres d’une milice ethnique, Kamwina Nsapu, restent dans les mémoires.

Et ce n’est pas tout. Deux experts onusiens, l’Américain Michael Sharp et la Suédoise Zaida Catalan ont été tués dans cette partie de la RDC. Depuis lors, les enquêtes ouvertes par le gouvernement et exécutées sur le terrain par les services de sécurité congolais maintiennent les victimes sur les faims et ne donnent pas les gages d’une exécution judiciaire où la Justice  pourrait se regarder dans un miroir sans rougir de honte. Cette impression est confirmée jusqu’aux Nations unies qui restent dubitatives sur la bonne volonté des Congolais de tirer réellement au clair toutes ces affaires où le sang a coulé à flot dans des conditions généralement atroces.

Les regards ne pouvaient donc qu’être chargés d’espoir lorsque Fatou Bensouda, la Procureure de la CPI, juridiction supranationale qui a le pouvoir de juger ceux qui semblent intouchables pour le commun des victimes contre l’humanité, a posé les pieds sur le tarmac de l’aéroport de Kinshasa. Du reste, n’avait-elle pas déclaré, «je n’hésiterai pas à agir si des actes constitutifs de crimes relevant de la compétence de la Cour sont commis et à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour poursuivre en justice les personnes responsables», lorsque les fumées de répression et des morts culminaient au-dessus du fleuve Congo ?

On s’attendait donc à des déclarations claires et des intentions affichées de poursuivre ces coupables introuvables qui ont semé la terreur et la désolation dans des cœurs meurtris. Mais pour la peine, il faudra peut-être attendre. Car Fatou Bensouda s’est contentée de sortir des phrases bien enroulées dans des formules qui auraient volontiers fait l’affaire d’un diplomate. Elle a fait part de ses inquiétudes sur les violences et a encouragé les autorités judiciaires congolaises à faire des efforts pour faire jaillir la lumière. Des enquêtes de la CPI ? Cette éventualité a été conjuguée au conditionnel, montrant clairement que la Procureure de la juridiction supranationale a préféré enfourcher le mulet de la prudence plutôt qu’à l’Etalon de la Thémis mondiale qu’elle est censée incarnée.

Qu’est-ce qui a donc encouragé Bensouda à marcher comme si le sol congolais était pavé d’œufs ? Deux possibles explications logiques et objectives. La règle en droit international veut qu’une affaire ait épuisé les voies de recours nationales avant d’être portée devant une juridiction nationale. De sorte que tant que les juridictions nationales n’ont pas frappé de l’autorité de la chose les différentes affaires évoquées, la CPI pourrait avoir des scrupules à mettre les pieds dans les plats, au risque d’être taxée de vouloir remplacer les institutions nationales.

Ensuite, les bonnes relations entre la RDC et la CPI. Bensouda l’a d’ailleurs souligné. Kinshasa fait partie des bons élèves qui aident la juridiction dans un environnement africain qui lui est plutôt hostile. D’ailleurs, on se souvient du dossier Thomas Lubanga qui a donné lieu à la première ordonnance de réparation des victimes, devenue une référence pour la CPI. Ce qui pourrait expliquer le ménagement que la Procureure a réservé aux autorités congolaises.

Toutefois, ceci ne décape pas totalement  les nuages d’incompréhension qui fleurissent autour de cette visite de Bensouda. Et ne doit surtout pas l’empêcher de garder en orbite la nécessité de faire en sorte que ces massacres cessent en RDC. Quels qu’en soient les auteurs.

Ahmed BAMBARA

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