Faure proclamé vainqueur avec 72,36% : Les 3 leçons de la présidentielle togolaise

Faure proclamé vainqueur avec 72,36% : Les 3 leçons de la présidentielle togolaise

2005 : 60,15%, 2010 : 60,9%, 2015 : 58,77%, 2020 : 72,36%, en 4 présidentielles, le chef de l’Etat togolais, Faure Gnassingbé a pulvérisé ses 3 précédents scores de plus de 10 points. Faure est-il une sorte de wakman électoral avatar de Merlin-l’Enchanteur, de druide politique, qui transforme l’apparence des chiffres des urnes ? Sans doute pas, mais assurément il a une lucidité, une intelligence politique aidées par des erreurs congénitales d’une opposition éparpillée.

Comment expliquer ce quasi-plébiscite de celui qui il y a 15 ans eût du mal à s’insérer dans l’arène politique balisée pourtant par un père qui régna sur le pays durant 38 ans sans partage ? Voici en guise de réponses les 3 leçons d’une présidentielle :

Leçon1 : C’est vrai que la rapidité mise pour la proclamation des résultats soit 24 heures et l’heure à laquelle, la CENI a livré les résultats vers 21 heures, ont pris de cours tout le monde, même les observateurs de l’UA. Mais ceux qui poussent des cris d’orfraie sont oublieux que les CENI togolaises ont toujours proclamé les résultats dans les circonstances au mieux surprenantes au pire rocambolesques. En 2010, par exemple alors qu’un conclave réunissait autour des présidents Olesegun Obasanjo à l’hôtel Sarakawa pour calmer la tension tous les candidats, sauf Faure, la CENI proclamait au même moment les résultats à … 21 heures. Encore qu’en 2010, c’était 3 jours après le scrutin.

En 2015, c’était également à dose homéopathique que ces résultats étaient distillés, pour enfin être livrés 2 jours après dans la nuit tombée, sans annonce au préalable.

Faure n’a pas besoin de frauder en 2020 pour gagner, car si bourrages d’urnes il y a eu, ce que affirme le challenger d’Agbéyomé par la voix de son directeur de campagne, Fulbert Akissa, ces fraudes devraient donner entre 50et 60%. Ce qui se lit en creux que même sans tricherie, il gagnait mais pas avec ce faux ! Un aveu tacite ? Encore que les fraudes ne sont pas l’apanage du pouvoir seul. L’Opposition togolaise, au-delà du fait que ses membres se détestent, cordialement voire se méfiant l’un de l’autre, est allée sans stratégie à ce vote, avec une lecture erronée de la carte électorale du Togo de 2020 :

– Habituellement, il y a 2 Togo (Nord-Sud) depuis le patriarche Eyadéma, legs laissé au jeune héritier de la fratrie présidentielle Faure : un Togo qui vote le RPT, l’ancêtre de l’UNIR et l’autre qui vote l’Opposition, chaque opposant ayant son bastion.

– Pour 2020, les 5 régions du Togo ont semblé voter mieux Faure. Pour les régions des Savanes, de Kara (Nord) et Centrale, Faure Gnassingbé a fait presque le grand chelem. Ainsi Dapaong, Sansannè-Mango, Kara, et même Sokodé (fief de Tikpi Atchadam), et Sotouboua ont voté massivement le président-sortant. Vote ethnique, régional et vote naturel des kabyè et assimilés.

Les 2 autres régions sont les plateaux notoirement hybrides, là,  pouvoir et l’Opposition s’équivalent, mais on a semblé voter un peu plus pour Faure en 2020. Enfin la région Maritime généralement citadelle imprenable de l’Opposition, surtout du temps de Gilchrist Olympio a donné ses voix à l’ANC de «l’Obama» togolais, et autres candidats. Mina, Evé, Kotokoli, autant d’ethnies qui votent l’Opposition, mais Faure a une mère Mina, ça compte !

Leçon 2 : Qu’on lui ait attribué les 18% de voix, ou qu’il les ait obtenus par la loi des isoloirs, Agbéyomé Kodjo s’est moulé désormais dans le costume de l’opposant n°1. Il lui reste les députés…

Statut qu’il devra confirmer aux prochaines législatives. D’ici là, l’homme devra policer son langage, quitter les diatribes inutiles et vexantes et son caractère sanguin, et se comporter en homme politique responsable. En 2010, c’est à peu près avec les mêmes phrases de 2010, qu’il enjoignait Faure avant les résultats de la CENI à «faire la passation de charge» à … Fabre. Bis repetita 10 ans après cette fois à son propre profit. Ça ne fait pas sérieux.

Ses contestations post-électorales pour peu qu’elles soient justifiées retomberont comme un soufflet à cause du personnage.

Quant à Jean-Pierre Fabre, cette bérézina électorale du 22 février sonne l’heure de la retraite politique. Depuis plusieurs années déjà, on sentait une désaffection des militants jaunes, mués en orange du à la personnalité clivante de Fabre, mais

aussi par l’absence d’offre politique autre que ‘’le Tout sauf la famille Gnassingbé’’. Depuis son divorce d’avec son père spirituel ‘’Gil’’ en 2007, Fabre n’a jamais pu franchir la barre des 40%. L’ANC n’a pas pu occuper un certain vide laissé par l’UFC. Il faut savoir quitter les choses, avant que les choses vous quittent !

Leçon 3 : Faure rempile pour 5 ans, et en 2025, il aura 20 ans au compteur. Deux décennies c’est largement suffisant pour réaliser ses chantiers et passer la main surtout si son père vous y a devancé. Le président devra donc partir dans 5 ans.

Un quinquennat et puis s’en va, voilà ce qui devra l’animer, même si la nouvelle Loi lui ouvre une autoroute jusqu’en 2030. Il fera preuve de sagesse et aura administré une leçon de chose politique. Son voisin le Ghana a au moins 4 présidents vivants, après la présidence. Ça peut lui inspirer. Les interminables règnes sont sources de crises sans fin. Faure le sait bien.

 Zowenmanogo Dieudonné ZOUNGRANA

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