Après sa nomination, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga campe le décor de son action à la tête des 25 ministres de la Transition. La feuille de route du nouveau gouvernement de la transition malienne est ambitieuse.
Amélioration de la sécurité, réformes politiques et institutionnelles, organisation d’élections crédibles, réduction du train de vie de l’État, moralisation de la vie publique, fin de l’impunité et la satisfaction d’une part importante de la demande sociale. Voici les objectifs à atteindre et gravés sur l’ardoise des membres de l’équipe du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga. Tout un long chapelet de chantiers qu’il faudra réaliser, sinon, ils ne seront que des incantations ou des vœux pieux.
Les aspirations de pas mal de Maliens sont ainsi énumérées. On trouvera aussi des réponses aux slogans vindicatifs des marcheurs et des manifestants qui avaient appelé du pied à la démission du désormais ancien président Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK), une manière de dire que le 2nd coup d’Etat épouse les contours du premier, c’est-à-dire que les aspirations du M5-RFP ont été prises en compte par la junte.
Assurément, il y a de quoi séduire. Améliorer la sécurité sur le terrain. C’est bien là un chantier sur lequel le monde entier darde des yeux sur l’exécutif malien. C’est bien là le nœud gordien, le plus gros des travaux d’Hercule que le gouvernement malien à la sauce Assimi Goïta veut exécuter. Pour ce pan ci, la volonté est d’y aller baïonnette au clair et de casser du terroriste pour ramener l’administration dans les zones occupées par les assaillants. Et avec la reconduction du colonel Sadio Camara à la Défense, le départ de celui (avec son collègue de la Sécurité) qui a valu le «coup d’Etat dans le coup d’Etat», dixit Emmanuel Macron, avec la réintégration de ce colonel dans l’équipe, on espère que la lutte contre le terrorisme va aller crescendo CQFD (Ce qu’il faut démontrer) quand on sait que Barkhane est en partance, sans que le Nord et le Centre du pays n’aient été pacifiés. C’est véritablement d’ailleurs ce terrorisme qu’il faudra circonscrire pour justifier à priori le putsch, et même pouvoir organiser des élections inclusives.
Assimi Goïta et son équipe veulent être aussi vertueux. Vertueux par l’exemple en sacrifiant 2/3 des fonds de souveraineté au profit de secteurs plus «prioritaires» et bannissant au sein du gouvernement les pratiques malsaines de malgouvernance et de corruption. Vertueux aussi en appliquant les textes et en se montrant intraitable devant les cas avérés de mauvaise gestion.
Assimi Goïta et son équipe veulent aussi assainir l’agencement institutionnel en opérant des réformes. La modification de la Constitution est mise en orbite, afin de donner au Mali des institutions à la hauteur des aspirations de ses habitants. Sauf chamboulement de timing, ce sera en octobre prochain qu’aura lieu le référendum constitutionnel. Le code électoral, le fichier électoral, tout y passera pour mener, et le mot est lâché, à la «refondation» ! Refonder le Mali en 8 mois ! Vaste programme, qui ne laisse place à aucune perte de temps, à aucun agenda caché, ni à des jeux de théâtre d’ombre.
Et ce n’est pas tout. Assimi Goïta et son équipe veulent enfin revisiter l’accord d’Alger et cela, de façon intelligente, pour lui donner le tonus qui lui manque. Le tétraplégique Accord 2015, mérite effectivement d’être requinqué : signé au forceps, mal ou pas appliqué quelquefois, il est un des pans au mal malien. Les Etats-Unis par exemple en font une condition sine qua non à la reprise de leur coopération militaire.
Bref, Assimi Goïta et son équipe veulent opérer une gouvernance de «rupture». Une révolution copernicienne, encore faut-il que lui et son premier ministre, soient à la hauteur de ce basculement de paradigme. C’était aussi une promesse d’IBK sous son slogan «Le Mali d’abord !». Rompre avec le passé et ses déviations. C’est du reste ce qui expliquerait un double coup d’Etat, n’est-ce pas ?
Tout ceci est beau. Et les Maliens ne demandent sans doute que sa mise en réalité afin de pouvoir vivre dans un Mali qui leur ressemble et dans les ruelles duquel ils peuvent dérouler les annales de leur vie. Sauf qu’à écouter ce nouveau programme, on croirait qu’il s’agirait d’un gouvernement ou d’un régime élu pour un mandat d’au moins 5 ans. Il n’est pas question de remettre en cause les capacités et les ressources sur lesquelles s’appuie cette volonté affichée. La volonté est le carburant de la réussite.
Toutefois, les belles paroles du début sanctionnées par les actes désolants de la fin ont fini par formater l’esprit critique à se méfier des promesses mirobolantes. Ceci est une belle feuille de route. Pourvu que les écueils, les nids de poule et les ornières ne viennent pas à détourner de l’itinéraire originel pour emprunter des chemins tortueux aux finitions aventureuses. Il ne faudrait pas que le rectificateur finisse par faire pire que le rectifié, au point par exemple que les envies et les visées bassement alimentaires ne viennent occulter ces belles visions. En d’autres termes, le maçon bidasse qui se dit excellent est attendu au pied du mur des défis du Mali. Quotidiennement durant ces 8 mois, moins que le temps d’une gestation pour un accouchement, mais suffisant, pour implémenter les bases d’un futur probable.
Ahmed BAMBARA
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