Comme si les 67 millions de français avaient compris que contre les 4,5 millions de Croates, la partie n’aura aucune commune mesure avec une balade au bord de la Seine, un sondage d’avant finale avait relevé leur souhait d’avoir pour adversaire l’Angleterre. Hélas pour nos ancêtres les Gaulois, le résultat sur la pelouse a voulu qu’ils affrontent la Croatie qui, 20 après, n’avait pas renoncé à l’envie de solder les comptes de la demi-finale 98, et cela s’est vite ressenti dès l’entame de la rencontre. En effet, après une épopée fantastique, il y a deux décades on a cru que les Flamboyants croates allaient enfin étreindre Dame-Coupe surtout après avoir éliminé les redoutables Albions de Queen Elisabeth ! Que nenni.
Conduit par un excellent Luka Modric, le moins qu’on puisse dire est que les 90 minutes supplémentaires (trois prolongations) n’ont pas eu raison des Croates, physiquement régénérés par une détermination et un mental qui sonnent désormais, comme une marque déposée dans la panoplie des vertues révélées à ce mondial. Le pressing permanent, prompts sur les balles, les Croates ont exercé une emprise presque totale sur la basse-cour. Le ciel nuageux de Moscou ne présageait pas une sortie sur les ergots pour les hommes de Didier Deschamps qui peinaient à élaborer leur jeu. Et puis soudain, sur une balle arrêtée, et comme piégé par leur énergie débordant, la Croatie marque contre son camp. Ouf, le ciel s’éclaircie pour laisser entrevoir un ciel étoilé, mais c’est méconnaître les Croates qui répondent de belle manière, en rétablissant la parité. 1 à 1. Tout est à refaire.
Manifestement, une fée pleine de mansuétude s’était penchée sur la basse-cour française. Débordés de toutes parts, les Bleu réussiront une fois de plus à desserrer l’étau sur une balle arrêtée, qui aboutira à un pénalty transformé sans état d’âme par Antoine Griezmann. Paul Pogba et Kylian Mbappé se chargeront ensuite de mètrent l’étoile cueillie sous les voutes célestes russes à l’abri, faisant de la bourde de Hugo LLoris une anecdote sans conséquence.
Même si elle reste encre bien loin des 5 étoiles du Brésil ou des 4 titres mondiaux de l’Allemagne et de l’Italie, la France, forte de cette deuxième étoile de son histoire, fait son entrée dans le cercle fermé des Nations qui tutoient le sommet du football mondial. Comme il y a 20 ans, les Bleu ont réussi le pari de mettre la France dans la rue. Et comme il y a 20 ans, il n’y aura pas que les champs Elysée qui seront en ébullition. Abidjan, Libreville, Ouagadougou, Douala, pris dans le tourbillon bleu, ne manqueront pas d’exécuter quelques pas de Magic System. 1998-2018 : deux générations dorées avec un panache de la même couleur Blanc-Black-Beur. Le continent noir a été l’ombre de lui-même à ce jeu suprême de football mondial, car même les Lions de la Téranga sur qui ont reposé les minces espoirs des Africains ont déçus, assommés par un arbitrage discutable et discuté ? Toujours est-il, que si aucune équipe africaine n’a brillé, la victoire de la France est celle de l’Afrique par procuration : dans les salons feutrés, les gargotes, les endroits cosy des capitales africaines, tous les chœurs chantaient à l’unisson pour la France, et les cœurs battent la chamade, lorsque les Croates menaçaient ou ont réduit le score de 4 à 2. Par contre, les dribles et surtout les buts de Kylian Mbappé ou de Paul Pogba faisaient délirer des salles, on se jettait bras-dessus-dessous, on criait à tue-tête. Car quelqu’un qui ne connaît pas la France géographiquement, s’il observe la configuration des onze joueurs, il dira que ce pays se trouve en Afrique. Et le dessein de la semaine de Plantu dans le dernier numéro de l’Express parle de 78% de joueurs africains au sein des Bleu. Ce n’est pas marginal. Car comme il y a 20 ans, l’histoire démontre une fois de plus, toute la beauté de l’incestueuse ambigüité du «je t’aime moi non plus» qui symbolise malgré tout, la force multiraciale de la France. 20 ans avant, c’est Lilian Thuram, Zinedine Zidane et autre Thierry Henry qui donnaient un éclat particulier au drapeau français. 20 ans après, c’est Paul Pogba, Kylian Mbappé, Ngolo Kanté et autres Samuel Umtiti, qui font flotter les couleurs bleu-blanc-rouge sur le toit du monde. Tout comme ces tirailleurs venus des quatre coins du continent qui ont versé leur sang pour la gloire de la France, ils ont versé leur sueur pour le rayonnement du bleu français. Forcément, l’Afrique savoure cette victoire comme la sienne, convaincue que sans elle, ces Coqs, parfois maladroitement si fiers de leurs origines auraient eu du mal à s’émanciper dans leur basse-cour.
Incontestablement, le plus heureux n’est autre que le sélectionneur Didier Deschamps. Avec ce titre mondial, il s’ouvre les portes du plateau très select de ceux qui arborent fièrement deux étoiles sur leurs vestons. La première en tant que joueur et la seconde en tant que sélectionneur. Ils n’étaient que deux (Zagalo respectivement en 1958 et 1970, Becken Bauer en 1974 et 1990), depuis hier soir, ils sont désormais trois. L’honneur est d’autant plus à son comble que le trophée du meilleur jeune est revenu à Kylian Mbappé, auteur du 4e but français. A seulement 19 ans et 6 mois, les observateurs les plus avertis s’accordent à dire que depuis le roi Pelé, personne n’avait assisté à un mondial, à un tel phénomène précoce. Au détour de ce mondial Russe, il s’est fait une place auprès du roi pelé himself (buteur lors de la finale contre la Suède en 1958, à 17 ans et 8 mois), en inscrivant son nom sur la liste très restreinte des buteurs de moins de 20 ans, à une finale de la Coupe du monde. Dans le brouhaha et l’enivrement de ces 2 étoiles d’un bleu qui s’est refait de la couleur, la France tient peut-être son roi footballistique : Le roi Mbappé !
Hamed junior
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