Football : Va en paix, Roi-Pelé l’Africain !

Football : Va en paix, Roi-Pelé l’Africain !

Hier soir, à l’instar des millions de Brésiliens qui viendront s’incliner une dernière fois au stade Santos sur le catafalque où repose Pelé, avant ses obsèques aujourd’hui 3 janvier, le président brésilien, qui a nouvellement pris fonction, Lula Da Silva, est lui aussi venu rendre hommage à celui qui a rendu le dossard 10 mythique, l’homme aux 1 303 buts : Pelé décédé le 30 décembre 2022.

Certes, comme le monde entier, le Brésil a célébré la nouvelle année 2023. Mais le moins qu’on puisse dire, est que le cœur n’y était pas. Edson Arantes de Nascimento, le magicien du football brésilien, s’est éteint jeudi dernier à 82 ans. Le sport-roi a perdu le plus grand joueur de son histoire. Intronisé sur les pelouses vertes du monde entier, la disparition du roi a produit une onde de choc ressentie à travers toute la planète. Plus qu’un roi, il s’agit d’un dieu, créateur de gestes époustouflants, dépositaire de plusieurs gris-gris dont le clonage incarné aujourd’hui par Neymar, Mbappé, Cristiano, Messi et autres lesquels font monter l’applaudimètre à chaque match dans les grands stades de football du monde.

C’est au Club Atlético de Bauru que le petit Edson commence à briller à 13 ans, avant de se mettre au football de salon où les dribbles et la technique sont encore davantage mis en valeur. Mais c’est surtout sous le maillot immaculé du Santos FC que commence la légende de celui que ses camarades avaient déjà surnommé Pelé. A 16 ans, il signe son premier contrat pro dans le club du littoral de São Paulo. Pelé demeurera à Santos jusqu’en 1974, avec au passage, deux trophées de champion mondial des clubs. Il s’affirme très tôt comme un attaquant redoutable aux dribbles déroutants et un buteur insatiable. Au total, il marquera 1 303 buts en 1 392 matchs dont 77 sous le maillot du Brésil.

Avant même d’atteindre l’âge de 18 ans, Pelé brillait en Coupe du monde. Le Brésil remporta grâce à lui, son premier Mondial en 1958. Il inscrit deux des cinq buts victorieux en finale contre la Suède, hôte de la compétition. Au coup de sifflet final, il s’évanouit, rapidement secouru par ses coéquipiers. Les deux autres trophées sont décrochés quatre ans plus tard au Chili et en 1970 au Mexique. Pelé est le seul joueur au monde à avoir accompli un tel exploit.

Avec ce génie noir d’ébène doté du flair d’un félin, du galop majestueux d’un Etalon, de la patte puissante d’un aigle et la ruse d’un fennec des sables désertiques, le football s’est érigé en religion au Brésil d’abord, et partout ensuite sur la planète, une religion dont les règles d’adoration obéissent à un art, fait d’imaginations et d’audace parfois juvénile. Seul à détenir pendant longtemps les secrets du lexique technique de ce jeu né loin des Fazenda brésiliennes qu’on aurait pu rebaptiser le «Pelé», la consécration de ce roi qui a donné un contenu au poste de numéro 10 est jusqu’à ce jour incontestable. Juste investiture d’un dieu inégalable sur les pelouses, qui aura entre-temps, inscrit son 1 000e but au Maracanã, le stade mythique de Rio de Janeiro, contre l’équipe locale de Botafogo en 1969, après avoir redessiné aux grés de ses exploits, les contours de cette discipline sportive populaire.

Lorsqu’il raccroche les crampons à Santos, il est immédiatement happé par le football américain. Mais son transfert au Cosmos de New York en 1975 a failli déclencher une mini-crise diplomatique. Le général Geisel, alors au pouvoir au Brésil, ne veut pas laisser partir ce trésor national. Et il faudra l’intervention du secrétaire d’Etat Henry Kissinger, grand fan de Pelé, pour débloquer la situation. Quinze ans après avoir été empêché de signer dans un grand club européen par le pouvoir, le roi débarque à New York.

Le triple vainqueur de la Coupe du monde doit remplir une nouvelle mission : convertir les Américains aux vertus du football non-américain. Son transfert est aussi une manière d’assurer ses vieux jours. Car à 34 ans, le roi est en fin de carrière, mais il est surtout criblé de dettes. Double mission accomplie, grâce à de multiples contrats avec Warner, et à la magie de ses dribbles sur le terrain.

Elu président de la République en 1994, Fernando Henrique s’offre un nouveau ministre des Sports de prestige : Pelé. Le roi du foot devient même l’auteur d’une loi quatre ans plus tard. La «loi Pelé» visant à plus de transparence dans le football brésilien, notoirement corrompu, et transformer les clubs en entreprises. Autre avancée : sa gestion aura permis de débloquer des fonds au profit des athlètes olympiques et paralympiques.

Adulé sur le continent africain, le talent inné du roi Pelé continue d’inspirer les adeptes du football de la rue où l’instinct dédie à cette discipline sportive, toute sa valeur de base et sa nature réelle. De ce point de vue, l’Afrique voit ainsi l’un de ses symboles le plus marquant s’en aller.

Dans son lent soupir qui a tenu le monde en haleine, nul doute que le roi Pelé a eu le temps de se remémorer son ascension de réaliser le film de son existence. La misère familiale, les débuts précoces sur les pelouses, l’Afrique, le racisme, la consécration, son héritage footballistique… que d’émotions positives, mais aussi des frustrations et des actes manqués. Le plus saillant restera sans doute la presqu’absolue discrétion du roi sur la cause noire. L’histoire ne lui reconnait aucun engagement en faveur de la classe brimée ou ségréguée du fait de la couleur de sa peau, alors qu’à l’image d’un Mandela, d’un Martin Luther King ou d’un Lilian Thuram, la puissance de son aura aurait pu apporter un plus significatif dans le combat mené à travers le monde contre la domination raciale et l’exploitation de l’Afrique.

Si cette tache assombri un coin de la Fazenda royale de Pelé, il n’en demeure pas moins vrai qu’il aimait l’Afrique et son football instinctif. Qui mieux que lui aurait pu incarner cet ADN inventif, né dans les rues de Dakar, Ouagadougou, Bamako ou Lagos ? Malheureusement, les dieux du football lui auront tout accordé, sauf son vœu de vivre le triomphe d’une nation africaine en Coupe du monde. Mais… maintenant que le roi est monté au ciel, il n’est pas exclu qu’une fée pleine de bienveillance se penche sur le berceau du football africain. Va en paix, Pelé l’Africain !

Hamed JUNIOR

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