Abuja, 21 décembre 2019 10 heures: Les chefs d’Etat réunis en sommet de la CEDEAO chantaient en chœur ( ?) le requiem du franc CFA, remplacé par l’Eco. Et c’est bien le président en excercice de la CEDEAO le Nigérien Mahamoudou Issoufou, suivi du président de la Commission Jean-Claude Kassi Brou qui l’annoncèrent.
A Abidjan, le président en exercice de l’UEMOA, l’Ivoirien Alassane Ouattara qui a fait l’aller-retour de la capitale nigériane l’annonça également aux côtés de son illustre visiteur Emmanuel Macron, qui en donnera les grands contours. Dans les esprits et sur les petits papiers des décideurs africains depuis 1983 et dont le nom Eco a été arrêté le 29 juin 2019 à Abuja par les chefs d’Etat et de gouvernements, qui décidèrent dans la foulée qu’il aura cours en 2020, l’Eco a officiellement remplacé le CFA, depuis ce samedi 21 décembre.
Concrètement en 2020, il y a d’abord le nom qui change, ensuite, le rapatriement du Trésor français des réserves de change que d’aucuns estiment à 13 000 milliards de francs CFA (plus de 19 milliards d’Euros), et troisièment, la France ne sera plus présente aux instances de gouvernance de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) à savoir, au Conseil d’administration et au comité de politique monétaire de la BCEAO, et à la Commission bancaire de l’UMOA.
C’est un tournant copernicien dans la relation monétaire France-Colonies, car de la naissance du Franc des Colonies françaises d’Afrique en 1945, à sa mutation en Franc de la Communauté financière d’Afrique en 1960, le CFA a toujours constitué ce fil rouge insécable entre la Métropole et son ex-glacis.
Désormais, à partir de 2020, en attendant les 7 autres pays qui forment l’ensemble de la CEDEAO, ce sont les 8 de l’UEMOA, qui pourront aller déposer les 50% de leurs réserves dans les banques de leur choix, notamment à la BCEAO et les instances de gouvernance seront toutes africaines.
Décision d’une historialité à nulle part en Afrique de l’Ouest ? Oui et Non !
Oui, car rien que par l’appellation nouvelle (Eco), cela donne l’illusion de la métamorphose, ensuite, ce que d’aucuns appellent le fantasme des comptes d’opération sera enfin mis au grand jour, et la zone Eco gérera elle-même, ces dépôts de change. Enfin, on sera entre Africains, pas de «Blancs» qui dictent ses lois, et son «impérialisme financier».
Non car la parité Eco-Euro reste fixe (1 Euro= 655,96 CFA) et tous les ‘’CFAphobes’’ qui tablaient sur une monnaie flottante dont la convertibilité restera arrimée à plusieurs monnaies devront patienter. Les inflations stratosphériques et les risques systémiques, en cas de coaucs bref la stabilité ont pesé lourd dans le maintien de cette parité.
Même s’il est vrai que l’arrimage Eco-Euro, posera toujours le problème d’une monnaie forte (Euro) face à une économie de la zone UEMOA moins compétitive. Enfin, le lien ombilical est-il vraiment sectionné quand on sait que la France reste «le garant en dernier ressort» les mots sont du grand argentier français Bruno Lemaire ?
En français facile, en cas de pépin, insolvabilité, inflation, économie sous perfusion, la France devra cracher au bassinet pour renflouer ou régulariser. Une sorte de caution solidaire et morale. N’est-ce pas ce qui était en vigueur sous le CFA, qui faisait sa «force» ? Où est la différence ?
Enfin pour bon nombre d’Africains, le CFA a vécu ! Ite, missa est … Vive l’Eco !
Les ‘’CFAphobes’’, des plus sérieux Nakukpo, Deby, Carlos Lopes au fantasque Kemi Seba, et surtout une frange des Africains qui supportaient de plus en plus mal, cette tutelle monétaire, peuvent pavoiser, c’est une petite victoire pour eux.
Alors que d’autres, parmi lesquels certains maîtrisent les arcanes économiques acceptent ce changement avec circonspection, même s’ils se gardent de le clamer haut. On sait que jusqu’à la dernière minute, un Alassane Ouattara, n’était pas pour le décrochage, et sans doute comme Omar Bongo, en 1994 à Dakar (Lire page 5), il a pesé de tout son poids pour maintenir la parité et la ‘’garantie’’ françaises. On savait également le président sénégalais un peu réservé sur les bords sur cette affaire du CFA.
Quel avenir pour l’Eco, à partir de 2020 dans une zone ouest-africaine, dont les disparités économiques sont notables, que vient en rajouter une crise sécuritaire ?
Comment se comporteront les économies de la zone CFA ? Où va-t-on imprimer les nouveaux billets Eco ? 2020, c’est déjà demain .
Zowenmanogo ZOUNGRANA
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