Le poids des mots ! L’effet de leurs impacts ! Pesé ou soupesé au trébuchet, le «discours d’Emmanuel Macron a plus d’importance que des excuses», a lâché Paul Kagame, qui hier au Mémorial du génocide de 1994 a bien écouté son homologue français, a apprécié et a lâché son jugement. «Des erreurs politiques et cette forme d’aveuglement» reconnu par Nicola Sarkozy en 2009 à la demande du «don de pardon par tous ceux qui ont traversé cette nuit» génocidaire, a affirmé par Macron hier, devant les restes de plus de 250 000 Tutsis massacrés par «ceux qui hantaient les marais et les collines» beaucoup de choses se sont passées. Il faut dire que le n°1 français n’est jamais aussi à l’aise que dans ce genre d’exercice dans lequel, il excelle. Mélangeant herméneutique de Ricœur et effet de style de Simonin, il a su ainsi toucher les Rwandais.
«Un génocide se prépare méthodiquement … il est indélébile, on ne vit pas après un génocide, mais avec … les oiseaux ne chantent pas le 7 avril car ils savent … La France a un rôle de devoir au Rwanda, pour sa part de souffrance qu’elle a infligé aux Rwandais… elle n’a pas écouté l’alerte lucide des observateurs … écouté la voix de ceux qui l’ont mis en garde. La France n’a pas le visage du génocide». Et la conclusion de ce discours de la méthode a forcément un poids : «En me tenant avec humilité et respect devant vous, je viens reconnaître nos responsabilités».
Que de cahotements politiques, que de mics-macs politico-judiciaires, que de défiances, et que de guerres d’égo, avant d’arriver à ce 27 mai où véritablement, sans avoir à prononcer, le vocable «excuses», la France est parvenue enfin à briser l’épaisse glace, à enfin se faire écouter par le célèbre homme mince de Kigali. La stratégie de «Slep by slep» a payé. Abnégation et courage ont eu raison de ce gel France-Rwanda.
Invitation du président Kagame au Salon des Nouvelles technologies à Paris, soutien majeur à l’élection de la Rwandaise, l’ancienne ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo à la tête de l’OIF, capture en 2020 sur le sol français du financier du génocide, Félicien Kabuga…nomination prochaine d’un ambassadeur français …
Avec cette forme de repentance marconiste au pays des mille collines, les 3 cases exigées par le Rwanda et non-négociables semblent avoir été cochées par la France :
1) Les faits tels quels et non un négationnisme provocateur. Sans avoir à l’avouer, Macron a affirmé dans son propos qu’au Rwanda, il y a bien eu une décolonisation mentale, dont le génocide a été l’élément déclencheur. Sans évoquer l’opération Turquoise, ou la colline de Bissessoro un exemple de «l’infernal huis-clos infernal, Macron a étalé les faits.
2) La fin de l’hostilité de la France envers le Rwanda : sauf erreur ou omission, la parenthèse Juppé est fermée, de même que les mandats d’arrestation lancés par les juges français contre des proches de Kagame.
3) Déréchef la poursuite d’éventuels génocidaires qui auraient trouvé refuge en France. En promettant de donner des moyens supplémentaires à la justice pour ce travail, Macron a clos le débat sur ce sujet.
Ce serait faire preuve de naïveté voire de cécité analytique que de voir dans ce réchauffement France-Rwanda que son côté politique sans son pendant économique.
Avec cette brouille de plusieurs décennies, la France a perdu beaucoup dans ce pays. Or, le Rwanda, c’est le type même de l’Afrique qui marche, avec zéro criminalité, villes propres, corruption imperceptible. Son innovation City petite mégapole technologique à une quinzaine de kilomètres de Kigali, où la Carnegie Mellon University a érigé un campus, Wolswagen a délocalisé au Rwanda… quel investisseur ne voudrait pas y mettre ses billes dont le retour sur investissement est certain ?
La dizaine d’entrepreneurs qui ont accompagné Macron à ce voyage historique de Kigali va pouvoir faire affaire dans ce pays «secure». L’AFD y est présent et ce sont près de 120 millions d’Euros qui ont été injectés pour la lutte contre la Covid-19 et la formation professionnelle et d’enseignement du français.
Le Rwanda est un bon partenaire pour la France. Ce 27 mai 2021, Emmanuel Macron a frappé au grand coup diplomatique, et rien qu’à voir le visage un peu déridé et les propos lors de la conférence de presse commune, une fente d’armure du locataire d’Urogwiro village (la présidence rwandaise), lui très avare en paroles, en rires, rien qu’à observer cela, on peut supposer que tout est accompli. Jupiter a convaincu le Bonaparte de Kigali. France-Rwanda peuvent repartir du bon pied.
Z. D. Z
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