François Compaoré extradable  : 20 ans après, l’innommable de Sapouy !

François Compaoré extradable  : 20 ans après, l’innommable de Sapouy !

Ce sixième rendez-vous était le bon. Ce 5 décembre 2018 est une date historique qui devra figurer en lettres d’or dans la longue procédure qui tente depuis 20 ans de trouver le fil d’Ariane qui mène à la vérité sur le «boucanage» du journaliste d’investigation Norbert Zongo et ses 3 compagnons d’infortune. Deux décennies ! Dans une semaine exactement, cela fera 20 ans que la lampe est toujours allumée au Centre de presse Norbert Zongo. De la commission d’enquête indépendante (CEI) dont les travaux n’avaient pas valeur de rapport de fins limiers judiciaires à ce quitus de la Chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris, en passant par l’ordonnance de non-lieu de juillet 2006, concernant le seul inculpé dans le dossier, l’adjudant Marcel Kafando, la réouverture du dossier sous la transition, l’arrestation de François le 29 octobre 2017, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts du Kadiogo et de la Seine. La justice française a donné un avis qui vaut une victoire d’étape pour ceux qui attendent de voir la lumière jaillir sur les ombres des évènements du 13 décembre 1998 à Sapouy. La Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Paris en France a en effet émis une décision favorable à l’extradition de François Compaoré, petit-frère de l’ancien président du Faso.

Le 3 octobre 2018,  la salle de la Chambre d’accusation a retenti, donnant de l’espoir aux représentants de l’Etat burkinabè, mais qui a fait perler des gouttes de sueur d’inquiétude derrière l’oreille des proches de François Compaoré. L’avocat général y avait en effet manifesté son avis favorable pour l’extradition de François Compaoré. Ce dernier, en effet, au vu des nouveaux éléments ramenés par la justice burkinabè et versés au dossier après l’audience du 13 juin 2018, a donné son feu orange pour une éventuelle extradition de l’autre célèbre Compaoré du Burkina.

Une perspective qui avait fait sortir l’ex-bâtonnier de Paris, truculent Me Olivier Sur, et avocat de l’ancien conseiller économique de Blaise Compaoré, de sa retenue. On se souvient que les juges français avaient renvoyé le délibéré à ce 3 octobre 2018, afin que le Burkina complète ses informations. Quels éléments ont-ils fait bouger les lignes de la justice française ? Qu’est-ce que le Burkina a bien pu ajouter au dossier Norbert Zongo, pour que l’extradition de François Compaoré ne soit plus une hypothèse d’école ? Toujours est-il que, le procureur en manifestant un avis favorable à l’extradition, l’avocat de François Compaoré ne l’a pas entendu de cette oreille et a accusé la partie adverse de faux et faux en écriture.

L’avis d’un procureur, représentant le ministère public, n’est généralement pas loin de celui des juges, quoiqu’il arrive que les avocats de la défense réussissent souvent à faire peser la balance de leur côté. Tout est argumentation et savoir des articulations du droit. Incontestablement, d’ici les 5 mois à venir le feuilleton judiciaire se poursuivra car, l’ancien bâtonnier du barreau de Paris et toute la kyrielle d’hommes en robe noire de François Compaoré, essayeront de battre en brèche, cette muraille de preuves burkinabè. Bataille juridique assurée. Cette décision du 5 décembre 2018, vient donc confirmer un rude combat entre pénalistes.

Pour le profane donc, François Compaoré est extradable vers le Burkina Faso. Certainement, la famille de Norbert Zongo, sa défunte mère qui est partie rejoindre son fils avec l’amertume tapie dans son cœur, tous ces combattants de la liberté et de la justice qui ont sué eau, sang et salive pour que la petite lumière qui vacille dans la lampe posée au Centre de presse Norbert Zongo  devienne un éblouissant éclat de soleil, doivent le ressentir comme une victoire d’étape. Oui, une belle victoire d’étape, car, même si l’avis favorable à l’extradition ne signifie pas confirmation de la culpabilité de François Compaoré, il emporte tout de même un début de preuve que ce que la partie burkinabè a envoyé comme pièces est assez consistant, assez incriminant.

Maintenant, le seul bémol à la satisfaction des aspirants à la justice, c’est bien le nuage d’incertitude qui pèse sur la date précise de cette extradition. En effet, l’opiniâtre Me Olivier Sure, sûr de son fait, a déjà déposé un pourvoi en cassation. Ce qui suspend l’exécution de la décision de la Cour d’appel de Paris et devra attendre que la Cour de cassation se prononce. La raison de la justice ayant une raison que la raison du justiciable ignore, il faudra s’attendre encore à un long fleuve de procédure parsemé de jets de manches et de virevoltes juridiques et judiciaires qui ne manqueront pas de perturber et peut-être même d’émousser la vague d’enthousiasme qui s’est soulevée du côté de Ouagadougou.

Les avocats comptent par exemple attaquer la probité du juge d’instruction burkinabè, qui aurait, selon eux, modifié le témoignage d’un témoin, afin de faire peser la balance de son côté une sorte de subornation écrite de témoin. Cette procédure aboutira-t-elle à une cassation de la cour française ? Difficile de se prononcer pour le moment. Ensuite, il faudra que les Burkinabè, et tous ceux qui ignorent la présomption d’innocence ou les méandres judiciaires sachent aussi, que si la Chambre d’accusation a apposé son imprimatur pour cette extradition au regard de la légalité, il appartient au gouvernement français d’accorder l’extradition par un décret motivé signé par le premier ministre et  par le ministre de la justice, (cf. : Loi du 10 juillet 1952), un décret qui ne dit pas que l’extradé est coupable, et qui peut être l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat ! C’est-à-dire qu’il y a loin de cette victoire d’étape à l’image de «l’ex-petit président» menotté à la Dominique Strauss-Khan dans un avion AF, de CDG direction Ouaga.

Quoi qu’il en soit, le rallongement de l’échéance de l’extradition est quasi inévitable. Il est question même de 2020 ou 2021, avant une éventuelle décision définitive. La leçon de ce délibéré de la Chambre d’instruction est que c’est vraiment navrant que François Compaoré ait passé 20 ans à fuir la justice de son pays. Au plus fort de la crise en 1999, consécutive à l’assassinat de Norbert Zongo, des proches de l’ancien chef d’Etat, Blaise son frère, lui auraient suggéré de laisser la justice entendre François Compaoré, le juger et même le condamner quitte à le gracier après.  Mal en a pris tous ceux qui ont effleuré cette idée, car ils seront des «pestiférés» par la suite.

20 ans qu’il s’est battu pour éviter ce face-à-face, qui n’est plus depuis ce 5 décembre, une hypothèse d’école, mais une possibilité plausible, preuve que ce fut une fuite éperdue, car 20 ans durant, résonne comme une mauvaise conscience, cette expression sur toutes les ‘’Une’’ de l’Indépendant, le journal fondé par Norbert Zongo : «Tôt ou tard !», allusion à la vérité qui devra jaillir dans l’affaire David Ouédraogo, chauffeur de François Compaoré tué au Conseil de l’Entente, affaire sur laquelle Norbert  écrivait, c’est donc dire que tous ces refus de François de déférer ne sont à la fin, en réalité que des reports d’un dénouement inévitable.

Ahmed BAMBARA

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