Gabon, 55 ans après : Coup d’Etat manqué contre la démocratie ou contre un «fils de» malade ?

Gabon, 55 ans après : Coup d’Etat manqué contre la démocratie ou contre un «fils de» malade ?

Libreville lundi 7 janvier 2019, dans la torpeur matinale un quarteron de la Garde d’honneur de la Garde républicaine s’empare d’un point névralgique de la capitale Libreville, la radiodiffusion télévision du Gabon, leur meneur le lieutenant Ondo Obiang Kelly proclame un pronunciamiento, au nom d’un «Conseil national de la restauration (CNR)» qui compte exercer le pouvoir d’Etat et appelle la population à un soulèvement, tout en flétrissant les barrons et autres hiérarques du Bongoland qui gravitent autour du célèbre convalescent de Rabat : le président Ali Bongo Ondimba, victime d’un AVC à Ryad en Arabie Saoudite le 24 octobre dernier et qui se remet du mal dans la capitale marocaine.

Après quelques heures de show militaro-médiatique, Obiang Kelly, quasiment «inconnu» à la garde républicaine, car effacé, prendra alors la fuite avec les autres ‘’pieds nikélés’’ du putsch manqué, sous l’assaut du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale.

Le cerveau du putsch a-t-il été inspiré par ce qui s’est passé en 1999, et en 2002 en Côte d’Ivoire puisqu’il fut un pensionnaire de l’Ecole des Forces armées (EFA) de Zambakro, à Yamoussoukro ?

En tout cas vers un peu  après 12 heures, chasse aux  putschistes et fin de la tentative. Les militaires félons seront appréhendés, un à un, deux y perdront même la vie, tandis que le putschiste en chef, le lieutenant Kelly Ondo sera cueilli dans un domicile privé, caché sous… un lit. Pitoyable fin de mouvement pour ce parachutiste-commando, qui doit pourtant savoir que la tête du chef appartient à celui qui n’a pas peur de perdre la sienne. Il a tenté de renverser un président malade et de surcroit absent du pays, il a échoué, il devait se rendre dignement au lieu de prendre ses jambes au coup. Poltronnerie et chefferie font mauvais ménage.

Ceci étant, ce coup d’Etat est révélateur d’un grand malaise au Gabon et plus précisément, au palais du bord de  mer, depuis l’élection d’Ali Bongo Ondilmba en 2009.

Mal élu ou pas élu du tout, c’est selon, ABO a traîné depuis 9 ans, un parfum de «fils de», qui s’est emparé du spectre de son père, au détour d’un passe-passe électoral, qui fut émaillé de violences et morts. Jean-Ping le frère, devenu adversaire, n’en démord toujours pas, le vainqueur de la présidentielle, c’est lui, il n’est pas jusqu’à l’ancien premier ministre français Manuel Valls qui n’ai émis des réserves sur la sincérité de l’élection de celui que les intimes nomment Zeus.

Plus que le halo de faux qui entoure sa victoire de 2009, le reclus pour maladie de Rabat souffre aussi de délit patronymique et surtout de l’exemple même de la monarchisation du pouvoir en Afrique : Omar Bongo Ondimba son père, a régné sur ce petit pays gorgé de pétrole pendant 42 ans, pouvoir que prolongera, le légataire Ali qui a déjà au compteur 9 ans, ce qui fait 51 ans que le Gabon est sous les serres de la fratrie Bongo. ça fait beaucoup même pour un pays de 4 millions d’âmes!

Tout comme en RD Congo où un autre «fils de» Kabila Junior tente par toutes les contorsions électorales de garder le pouvoir même par procuration ou comme au Togo où Faure autre successeur filial, qui à coups de forceps, essaie de s’octroyer 10 autres années, après 15 ans déjà à la tête du pays, ce qui arrive à Ali Bongo est symptomatique que de plus en plus, cette race de gouvernants, qui tient  sa  légitimité de par le sang, sera en voie d’extinction.

Autre leçon de ce putsch raté: pas eu besoin de parachutistes français pour rétablir la légalité constitutionnelle, comme dans la nuit du 17 au 18 février 1964 où des militaires gabonais avaient renversé le père de la Nation Léon M’Ba, qui sera ramené le 19 février au pouvoir par la compagnie autonome de parachutistes d’infanterie de la marine ( CAPIMA) ordonné par le général Charles De Gaulle.

Sans doute, la galaxie Bongo y a veillé et les militaires aussi dont beaucoup restent fidèles à Ali Bongo dont le passage à la tête de la grande muette comme ministre de la défense fut très apprécié par les soldats.

54 ans après les lieutenants Jacques Mombo et Valère Essone ont fait des émules. Le Gabon détient désormais le Coup d’Etat le plus bête coiffant ainsi le Mali avec le Général Sanogo et le Burkina avec celui du 16 septembre 2015. Retour à des jours tranquilles donc au Gabon.

N’empêche que ces frémissements de prétoriens pour le pouvoir signifient que la démocratie malgré quelques avancées demeure fragile et surtout c’est un avertissement à certains vieux timoniers agrippés au pouvoir comme un arapède à une paroi, des présidents, qui par amputations et prothèses de leur constitution, se sont transformés en monarques, tyrans et tyranons secrétant des oligarchies prédatrices des richesses !

Aucun coup d’Etat n’est à cautionner et l’UA et la France ont bien fait de condamner ce putsch gabonais, mais, il faudra aussi que les chefs d’Etat africains jouent à fond la démocratie avec des élections transparentes et crédibles, bref qu’ils acceptent l’alternance et une vie après la présidence. C’est le seul antidote contre le retour des pouvoirs kaki.

Zowenmanogo ZOUNGRANA

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