Pour un cadeau d’anniversaire de la fête de l’indépendance, c’en est un, celui offert par le président Alassane Ouattara à Gbagbo dans son discours à la Nation du 6 août, veille de cette commémoration : Gbagbo est gracié de sa condamnation de 20 ans, liée au fric-frac de la BCEAO. Gracié, mais non amnistié, donc un casier judiciaire toujours noirci, et une présidentielle en pointillé pour Gbagbo.
Lorsque Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié se sont retrouvés, le jeudi 14 Juillet dernier pour parler des problèmes du pays, notamment de la prochaine présidentielle et de la réconciliation nationale, on subodorait que pour que tous ces chantiers se déroulent sous de bons auspices, il fallait d’abord apaiser les esprits. Et cette grâce, c’est encore un nouveau maillon du long puzzle qui mène vers la réconciliation nationale et la cohésion sociale : débutées par les phases du dialogue dont la 5e s’est tenue début 2022, en passant par les rencontres Gbagbo-Ouattara le 21 juillet 2021, puis par le conclave du triumvirat le 14 juillet dernier (Ouattara-Gbagbo-Bédié), cette grâce régalienne accompagnée du dégel des comptes du fondateur du parti frontiste, la remise de ses arriérés de rentes viagères (3 millions d’Euros), la libération de 3 000 prisonniers parmi lesquels des embastillés politiques, notamment le vice-amiral Vagba Faussignaux et le commandant Jean Noël Abehi, tout ceci va dans la trajectoire pour mettre du baume aux coeurs des Ivoiriens.
Un acte fort et symbolique qui était attendu, car depuis que l’ancien président a pu s’affranchir des liens de la CPI, et est revenu à Abidjan, il n’a jamais été inquiété, et même a pu former un nouveau parti le PPA-CI, et effectuait des tournées à l’intérieur du pays pour ameuter le ban et arrière-ban des gbagbolâtres.
Evidemment, une grâce n’absout pas le délit et les ouailles du «christ de Mama» auraient souhaité l’amnistie qui serait passée par la case parlementaire. Mais ce pardon discrétionnaire du prince quoiqu’on dise va dans le sens de l’apaisement des fougues vengeresses, de la paix des cœurs, et on espère qu’une autre mesure touchera d’autres exilés politiques et adversaires du pouvoir.
Avec cette grâce présidentielle, il faut faire crédit à Ouattara de vouloir non seulement donner un coup d’accélérateur à la réconciliation nationale, mais aussi qu’il guigne une sortie honorable de l’arène par la grande porte. Quelle pourrait être la suite de ce difficile et cahoteux chemin vers une Côte d’ivoire préservée des démons de l’après-Ouattara ?
Scénario 1 : Ouattara parvient à dénicher un remplaçant dans l’écurie RHDP et mise sur lui pour la prochaine présidentielle et parvient à l’imposer. Si ce poulain gagne, ce sera glorieux pour Ouattara. S’il perd face aux dauphins de Gbagbo et Bédié, il aura des soucis à se faire.
Scénario 2 : Ouattara, faute de présidentiable d’envergure ou de guerre fratricide au sein de sa famille politique, décide d’y aller en 2025. Avec aussi les 2 autres «ex) Gbagbo (à condition qu’il soit amnistié) et Bédié, et l’histoire ivoirienne se remet à bégayer, car ces 3 vieux caïmans de la Lagune Ebrié, qui sont au-devant de la scène depuis 3 décennies ne peuvent que répliquer les mêmes tics, les mêmes mœurs et ils se connaissent trop bien que grâce et pardon ou pas, ils vont se faire forcément des chausse-trapes ! Pour le malheur de la Côte d’Ivoire !
Scénario 3 : Ouattara-Gbagbo et Bédié sont touchés par la sagesse, et décident de trouver un stratagème pour cette échéance présidentielle, et eux restent en retrait, tout en veillant à la régularité des choses. Scénario souhaitable mais improbable. Pour le moment, la galaxie Gbagbo savoure un peu cette grâce et les familles des victimes crieront à une double impunité (CPI et grâce présidentielle). Mais in fine, la Côte d’Ivoire peut-elle traîner les miasmes et les rancœurs de cette longue crise post-électorale ad vitam aeternam ?
La REDACTION
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