Comme annoncer lors de son meeting du samedi 4 juillet dernier, la coalition syndicale a entamé sa grève générale de 48 heures, hier mercredi 8 juillet 2020 sur toute l’étendue du territoire national. A Ouagadougou, nous avons fait le tour de quelques ministères. Au constat, le mot d’ordre de grève n’a presque pas été respecté dans les administrations publiques. Où sont donc passées les frappes «chirurgicales» de Bassolma Bazié ? Sommes-nous tentés d’interroger.
Baisse du pouvoir d’achat, amélioration des conditions de vie des travailleurs, atteintes aux libertés démocratiques et syndicales, pillage des ressources nationales, droit à la sécurité des populations, respect et mise en œuvre des différents engagements pris par le gouvernement vis-à-vis des syndicats des travailleurs, sont entre autres les raisons qui ont prévalu à cette grève de 48 heures.
Hier mercredi, il était 9 heures lorsque nous sommes arrivés au ministère de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale. Une foule immense de visiteurs était attroupée à la guérite de contrôle ce qui en dit assez long sur le respect du mouvement d’humeur.
Parmi ces visiteurs, certains nous ont confié qu’ils ne sont même pas au courant de la grève. «Si ce que vous dites est vrai, le mot d’ordre n’a pas été respecté, car je suis à mon quatrième ministère depuis ce matin et l’ensemble des agents que je devais rencontrer pour mon travail sont présents. Aucun absent», fait savoir un des visiteurs qui a accepté se prêter à nos questions.
Le premier agent du ministère que nous avons rencontré dans le hall du bâtiment, nous demande de faire notre constat au parking où sont parqués les engins. «Le parking est plein à craquer comme d’habitude. Je pense que cela répond à votre question. Tout le monde était au ministère très tôt ce matin. Monter vérifier dans les bureaux, ils sont pleins», lance notre interlocuteur qui a requis l’anonymat. Au sein de la direction des affaires juridiques et des litiges du ministère, nous tombions sur deux stagiaires assis chacun devant son poste de travail.
A la question de savoir s’ils n’étaient pas concernés par la grève, ils répondront que les stagiaires n’y ont pas droit. «Nous ne pouvons dire avec exactitude si la grève est respectée ou pas. Il serait mieux de repasser dans l’après-midi car beaucoup aussi ont des activités hors du ministère», affirme Lucas Ouédraogo. Plus loin au fond du bâtiment, des agents en plein travail n’ont pas le temps de nous dire un mot. En quittant les lieux, nous croisions un autre agent à qui, nous lui avons demandé s’il respectait la grève. Ce dernier nous rétorque qu’il ne se sentait aucunement concerné par ce mouvement d’humeur car, selon lui, le pays est déjà en souffrance avec la crise sanitaire et sécuritaire.
«Chacun doit mettre de l’eau dans son vin sinon ce pays va à sa perte», prévient-il avant de poursuivre sa route. Au ministère de l’Education nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues nationales, même constat. Des bureaux occupés. Dans chaque bureau on aperçoit des piles de dossiers entassés. Au niveau de la Direction administrative et financière (DAF) plus précisément au sein du service de comptabilité, Romain Sawadogo nous confie qu’il n’est pas concerné par ce mouvement d’humeur. Il a proposé au gouvernement de remettre tous les salaires à plat et de faire une augmentation générale de 25%. Dans un autre bureau, nous tombions de nouveau sur des stagiaires qui disent n’avoir rien n’à faire car les titulaires sont présentement en réunion et non en grève. Au service de l’exécution budgétaire, une des agents nous révèle qu’elle a quitté la Bourse du travail pour se rattraper sur certains de ses dossiers restés en instance. Pour le chef de service, la cause des syndicalistes est fondée mais le temps n’est pas opportun pour des arrêts de travail. Il évoque la menace de la maladie à coronavirus qui selon lui n’a pas encore été complètement éradiquée et celle sécuritaire qui est plus que jamais d’actualité.
«Mon service fonctionne à 80%», a-t-il rassuré. A la direction générale des Impôts, autre constat. Si les agents des Impôts ont respecté le mot d’ordre de grève, n’empêche que les bureaux soient occupés. Un des agents du ministère nous pointe du doigt la direction de la Bourse du travail avant de déclarer : «C’est là que vous trouverez les responsables syndicaux. Sinon ici au sein du ministère la plupart des agents travaille comme d’habitude», a-t-il fait savoir. De retour à la Bourse du travail, l’ambiance est tout autre. Mais la mobilisation n’était pas de taille le jour du meeting. «En avant camarades, pour un examen sérieux de notre plate-forme revendicative par le gouvernement ! En avant camarades contre la gabegie ! En avant camarades, pour le jugement et le châtiment des délinquants à col blanc ! Non et non… à la généralisation de l’IUTS sur les primes et indemnités ! Non et non à la levée de milices voyous par le MPP… ! Non et non à la dilapidation des richesses du pays… ! Non et non à la banalisation de la vie humaine par le MPP…! Ça suffit, camarades, ça suffit les assassinats de masses par les milices du MPP… ! Ça suffit camarades, le pillage à ciel ouvert des ressources du pays par le pays… ! En prison les voleurs de la République ! En prison les maires sangsues ! En prison les ministres charbon fin…! A bas, la pourriture au sommet de l’Etat…! A bas l’incapacité avérée et généralisée du MPP dans tous les domaines».
C’était la même ferveur et le même dynamisme que les leaders syndicaux tenaient les camarades de lutte en haleine en attendant la sortie du «général» Bassolma. A sa sortie sous les acclamations des camarades, le porte-parole de la coalition est revenu sur les cinq points de la plateforme revendicative avant de réagir sur la rumeur selon laquelle la lutte syndicale est politique.
«Si revendiquer les 5 points contenus dans notre plateforme revendicative c’est faire la politique c’est que nous l’avons commencé hier, nous le ferons aujourd’hui et nous la poursuivrons demain», a-t-il fait comprendre au pouvoir en place. A l’entendre, les point cités dans la plateforme sont justes, légitimes et patriotiques et donc pour lui, si on était dans un Etat de droit , «dirigé par gens qui sont hautement responsables il y a des préoccupations en principe qu’on ne devait même pas envoyer à des gouvernants pour qu’ils puissent les mettre en œuvre. Ça devrait être systématique». Dans son allocution, Bassolma Bazié a fait savoir que le gouvernement a eu une communication tendant à faire croire qu’il est ouvert au dialogue et que ce sont les syndicats qui refusent ce dialogue. Ce dernier indique que qui parle de dialogue parle d’acteurs francs, bien éduqués et qui ont le sens de la parole donnée. «N’ayant pas reçu une correspondance pour aller échanger, qu’on nous dise où est qu’on nous invite ? C’est sur quelle table ? C’est pour discuter de quoi et avec qui ?», S’interroge-t-il.
Il souligne à cet effet que si les travailleurs sont bien rémunérés, si aucuns d’eux n’a un retard d’avancement, s’ils ne sont pas brimés dans leurs droits, la trêve sociale, la paix sociale s’installent d’elles-mêmes. Après avoir fait l’historique de l’IUTS sur les primes et indemnités et les différentes intempéries dont le syndicalisme a surmonté, le porte-parole de la coalition syndicale a invité les camarades à l’unisson, à la mobilisation et à la détermination. «Il y a des gens qui ne sont pas ici parce qu’ils ont peur. Il faut les approcher pour échanger. Il y a des gens qui ne sont pas ici parce qu’ils estiment qu’ils ont des intérêts à garder, il faut les approcher et échanger avec eux. Il faut inviter l’ensemble des organisations qui veulent venir à la coalition. La porte est ouverte et nous allons nous battre pour obtenir ce que nous voulons», a conclu le «général» Bassolma.
Omar SALIA
et Larissa KABORE
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