Et maintenant mon colonel, on fait quoi ? A peine 24 heures après son irruption dans l’arène politique via les armes, le colonel Mahamady Doumbouya a revêtu la toge du justicier et du rédempteur, c’est selon.
Devant un parterre d’ex-dignitaires du régime déchu et de Guinéens au siège du Parlement guinéen, le nouvel homme fort s’est voulu un tantinet homme d’Etat, populiste, avec des propos qui oscillent entre sauveur de peuple et putschiste camouflé.
Alpha Condé qu’il a renversé et à son sujet, il faudrait d’ailleurs qu’on sache ce qu’il va en faire, ce dernier donc tombé ce 5 septembre n’affirmait-il pas il y a 10 ans lorsqu’il étrennait le pouvoir, qu’il a hérité d’un non-Etat qui manquait de tout ? Une décennie après quelle Guinée échoit au Comité national pour le rassemblement et la démocratie (CNRD) ? En 10 années, quelques réalisations sont à mettre à l’actif du prof Alpha : routes, barrage de Kaleta, infrastructures sanitaires … Mais les lignes n’ont véritablement pas trop bougé, du fait d’un contexte politique qui n’a jamais été sérein.
Il y a toujours 2 Guinées, et le vote a toujours été communautaire pour ne pas dire ethnique. «Pas de chasse aux sorcières, la justice comme seule boussole, pas de couvre-feu sur les sites miniers et de bauxite, ouverture des frontières terrestres et aériennes», assurément le colonel Doumbouya apprend vite, et semble connaître les maux qui rongent son pays. Quid des remèdes ?
Mais il est un mal dont la résolution pourrait être la matrice aux solutions de tous les autres problèmes : l’assainissement de l’environnement politique. Depuis des années, le pays est pris en otage entre le RPG et l’UFDG si ce n’est entre Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo. Deux personnalités qui sont des adversaires politiques pour ne pas dire plus. L’irruption du pouvoir kaki a mis fin à ce match sans fin, momentanément.
C’est pourquoi, de ce que sera la transition guinéenne, version Doumbouya dépendra, la sortie ou non de la Guinée du fond dans lequel, il a touché, car depuis Mathusalem, le couple violences-victimes est toujours associé aux élections.
Quel format politique Doumbouya compte-t-il appliquer pour mettre résolument la Guinée sur les rails ? Car sans ce prérequis les questions d’emplois des jeunes, de santé, d’éducation seront toujours à la traîne avec deux Guinées qui se regardent en chiens de faïence.
L’erreur pour Doumbouya serait de vouloir calquer les cas malien ou tchadien à la Guinée, solution de facilité, mais non sans risque. Permettre à tous les Guinéens d’avoir l’égalité de chances partout, y compris et surtout au suffrage universel, serait le suprême bien que le colonel Doumbouya pourrait faire à son pays. Et le prélude à des Guinéens qui se sentent tous des citoyens à part entière.
Si les militaires sont entrés dans le service politique et ne veulent plus en sortir, il faudra en tirer des leçons pour résoudre les tares pour lesquelles ils renversent les civils : au-delà du mimétisme des putschistes des années 80 et 90 c’est-à-dire entre lunettes noirs à la Men in Black, déclarations lapidaires, imitation boiteuse de Sankara… au-delà de tous ces clichetons, les néoputschistes, devraient montrer que si la trajectoire de la démocratie est réversible, il faut toujours travailler, à limiter les causes de son inversion. En attendant les esquisses de la transition, millésime Doumbouya, déjà acclamé par le peuple, lequel est versatile par essence, il faut espérer que le nouvel homme fort prendra de la hauteur, plus que ses 2 prédécesseurs (Condé et Dadis) pour tirer la Guinée vers le futur. Un retour vers le passé rappellerait ce que l’histoire invérifiable veut que Sékou Touré ait rassemblé un jour des érudits dans les années 70 pour leur dire de maudire et faire échouer tous ceux qui lui succéderont. Une histoire que ne croit sans doute pas le colonel Doumbouya. A lui de le prouver.
La REDACTION
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