Tout à coup en ce samedi 19 mai 2018 à Boulikessi, un coup de feu part suivi d’un soldat qui gît par terre, tué par un supposé djihadiste. Bientôt les armes se mirent à pétarader et ce fut l’hécatombe : 12 macchabées jonchent le sol, et ce ne sont pas des militaires ! Qui les a occis ? Réplique des frères d’armes du militaire tué ?
L’état-major des forces du G5 promet de diligenter une enquête pour situer les responsabilités, pour savoir s’il y a eu bavures, ou ce sont vraiment des djihadistes de moins dans ce no man’s land du septentrion malien. En tout cas, pour Human rights watch, (HRW) la situation de ni pain ni mie qui prévaut au Sahel est imputable tant aux groupes islamistes qu’à l’armée burkinabè.
Dans un brûlot épais de 67 pages dont le titre en lui-même «le jour, nous avons peur de l’armée et la nuit des djihadistes» est un véritable réquisitoire, HRW dépeint l’existant sécuritaire au Nord, et même les estocades meurtrières dans la capitale burkinabè courant 2016-2017. Pour HRW pas de doute avec entretiens, recoupements auprès d’enseignants, de victimes, de témoins, d’agents des ministères de la justice et de l’éducation, de chefs religieux…, HRW est parvenu à répertorier la comptabilité macabre des djihadistes, notamment les sicaires d’Ansaroul Islam de Malam Ibrahim Dicko, du Front de libération de Macina (FLM) de Hamadoune Kouffa et d’Aqmi que coiffe désormais le terrible Iyad Ag Ghali : depuis 2016, plus de 80 tués et 12 000 abandons de foyers. Entre 2016 et 2017, 47 civils ont perdu la vie dans les deux attaques du café Cappuccino et celle d’Aziz Istanbul.
Mais le document du célèbre droit-de-l’hommiste pointe surtout un doigt accusateur sur les djihadistes, qui, ces derniers jours ont commis 19 meurtres dans douze villages, dont le dernier en date est le préfet d’Oursi, tué le 15 mai dernier, et avant le 5 avril celui du maire du Koutoukou, du 2 mars 2018, sans oublier l’équipée sanglante contre l’ambassade de France et l’état-major des armées à Ouagadougou. L’armée burkinabè en prend également pour son grade dans ce rapport puisqu’elle est accablée d’exécutions extrajudiciaires, de détentions arbitraires, de mauvais traitements à l’encontre de suspects en détention, bref, les militaires sont à peine mieux que des spadassins selon ce rapport. Travail fouillé, recherches de bénédictins s’il en est que ce rapport de HRW, mais on est tenté de demander : à qui la faute de cette atmosphère kafkaïenne ? Pourquoi l’existence de cette loi du Talion dont Boulikessi est un des exemples achevé ? Ce que ne souligne pas HRW, c’est que le Burkina, le Mali, le Niger, bref, la zone Sahélo-Saharienne est en guerre, une guerre asymétrique, mais une guerre tout de même que leur ont imposée des fils qui ont pris des armes, pour des velléités autonomistes et même pseudo-religieuses.
Rien que le cas de Boulikessi, déjà le 5 mars 2017, une vingtaine de militaires maliens ont été tués par les ouailles d’Iyad Ag Ghali. Le préfet d’Oursi au Burkina aurait été tué par deux hommes juchés sur une moto, qui ont ensuite incendié sa maison. Le Sahel est bel et bien en guerre contre un ennemi invisible qui frappe à l’improviste et disparaît après. Or les renseignements et des témoignages concordants indiquent, que ces ennemis, sont souvent comme Monsieur-tout-le monde, dans ce Sahel où être enturbanné et enfourché son cyclomoteur n’étaient pas suspects, jusqu’à ces derniers temps, où ils le sont.
Que dit HRW de ces familles, qui sont claquemurées chez elles la nuit tombée, la peur au ventre, lorsqu’elles entendent le bruit d’une motocyclette ? Que dit HRW sur ces 216 écoles fermées, ces enseignants qui ont fui et l’administration qui, s’amenuise comme peau de chagrin ? Si le «jour des gens ont peur de l’armée», c’est que les terroristes sont parmi les populations, et s’il faut déplorer les bavures militaires, il faut aussi comprendre ces forces de l’ordre qu’on surprend toujours en leur assenant des coups mortels. Comment distinguer l’ivraie du bon grain, comment savoir qui est djihadiste et qui ne l’est pas dans ce Sahel, où chaque dune est potentiellement un nid de terroristes ? A la vérité, dans cette tambouille particulière, il faut que chacun soit comme la femme de César au-dessus de tout soupçon. Si les militaires doivent éviter d’appuyer avec célérité sur la gâchette, les populations au-delà de la collaboration avec les forces de l’ordre, doivent montrer patte blanche. Car quoiqu’on dise, force doit rester à la loi, sinon c’est l’Etat qui est déculotté, car il n’y a pas de guerre propre, et entre bavure et risque Diên-Biên-Soum le choix pour le Burkina ne se discute pas.
Sam Chris
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