Pour ce coup-ci, le président tchadien n’a pas eu besoin d’appliquer l’efficace tactique de «l’aspirateur» qui lui sauva parfois la vie et le trône, laquelle stratagème bien connu en guerre consiste à éloigner les rebelles de leurs bases afin de les prendre soit en tenaille soit de front ; Ce sont les rebelles qui semblent avoir pris les devants ou plutôt les apparences le laissent croire.
Ce 11 avril 2021, alors qu’Idriss Deby Itno sollicitait par les urnes un 6e bail de 6 ans à la présidence, les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) ont opté de rentrer sur le territoire tchadien à partir de la Libye avec pour objectif N’Djamena afin de déloger Deby du pouvoir. Ayant progressé jusqu’à Gouri dans la région de Mao capitale du Kanem à 200 km de Faya-Largeau et à 300 km au Nord de la capitale, les rebelles du FACT en veulent au fauteuil de Deby et ont eu un rude accrochage ce 17 avril avec les loyalistes. Mais c’était sans compter avec cette armée, la meilleure de la sous-région qui combat le djihadisme et Boko Haram.
Qu’ils viennent de l’Est ou du Nord du Soudan ou de la Libye, Deby a toujours pu repousser ces croquants qui sont parvenus même en février 2008 aux faubourgs de N’Djamena. L’histoire veut que cette année-là, Deby prenne le volant de sa 4×4 et à la tête de ses «warriors», il parvint à repousser les assaillants et il ne s’en ait fallu de peu puisque la France lui aurait proposé une exfiltration qu’il déclina.
Militaire, guerrier des rezzous, Deby est donc vacciné contre les «rebellionistes» depuis qu’il régente le Tchad en 1990. Du lointain Mouvement pour la démocratie et la justice (MDJT) de Youssouf Togoimi dans les années 2000 jusqu’au «Raspoutine» tchadien Timan Erdimi le bouillant neveu de Deby, le chef de l’Etat est abonné à ces accès guerriers venant souvent de membres de sa tribu en rupture de ban, les Zaghawas alliés à des Gorans mais il s’en est toujours sorti.
En outre, partenaire indispensable de la France, ce n’est pas sans raison que le QG de Barkhane s’y trouve, Deby peut compter sur elle et même si pour cette bataille de Mao, les Rafales français n’ont pas décollé pour stopper le FACT, les «yeux et oreilles» des drones hexagonaux ont dû constamment renseigner l’armée tchadienne sur l’avancée des rebelles. Et ce n’est pas étonnant que la bataille de Mao se soit soldée par un échec des assaillants venus du Nord même si le bilan de part et d’autre reste à être précisé , on parle de près de 300 tués .
En fait, IDI, parfait professionnel de la survie ne se sent que dans son uniforme de militaire, à preuve rien que l’année dernière, il avait encore endossé sa tunique de «com’chef» doublé de maréchal pour neutraliser 1 000 éléments du chacal (Abubakar Shekau) de Boko Haram lesquels avaient tué 80 soldats tchadiens.
Présenté comme le commandant militaire suprême du Sahel en matière de lutte contre le terrorisme, Deby qui mise sur ses «Boys» joue toujours gagnant. Quoique c’est à n’y rien comprendre car lorsque concomitamment à une présidentielle des rebelles prennent les armes c’est qu’il y a un gros problème dans le pays.
Effectivement lorsqu’on reste 30 ans au pouvoir et qu’on s’apprête à y rester encore alors que toutes les aiguilles du pays indiquent une quasi-inertie avec des opposants embastillés ou tués et des scrutins-pipots, la seule alternative qui reste souvent ce sont les armes !
Malheureusement pour les rebelles, le rapport de force n’est toujours pas en leur faveur, ils souffrent de leader charismatique et l’Occident en particulier la France ne peut pas se permettre que la digue tchadienne saute, véritable verrou depuis l’implosion de la Libye suite à la mort de Kadhafi. On l’aura constaté d’ailleurs si les sites des ambassades de France et des USA au Tchad invitent leurs ressortissants à la prudence, il n’est ni question d’évacuation ou d’intervention. On n’est pas au stade de sauver le soldat Deby ni d’atmosphère de fin de règne, loin s’en faut. Sauf des populations qui font des provisions au cas où… Le Tchad souffre de la longévité au pouvoir de Deby. Hélas pragmatisme politique impose, il demeure le seul à faire l’affaire de la communauté internationale. Entre reapolitik et démocratie ou aspirations des peuples, il n y a pas de choix cornélien.
La Rédaction
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