Installation du Conseil  souverain au Soudan : 11 corsaires pour une rude traversée transitionnelle

Installation du Conseil  souverain au Soudan : 11 corsaires pour une rude traversée transitionnelle

Et voici venus les jours des 11 corsaires qui dirigeront le bateau soudanais pendant 39 mois ! Et voici que ce 20 août 2019, est à ajouter aux jours victorieux arrachés au prix du sang par l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC) et l’Association des professionnels soudanais (APS) pour dépêtrer le Soudan de la gadoue autocratique. Le conseil souverain est installé.

Les 5 militaires et 6 civils ont donc prêté serment, il y a 48 heures, pour servir le pays, pour mener le pavillon soudanais au port de l’Etat de droit à une démocratie acceptée. Après 30 ans de règne dictatorial et 8 mois d’une lutte à mort contre les militaires, qui voulaient garder ce ragoutant nectar qu’est le pouvoir.

Les Soudanais peuvent légitimement pousser un petit ouf de soulagement, ils peuvent se gargariser d’écrire leur destin de leur main et ils savent le destin dévolu à ces 11 corsaires parmi lesquels il y aura sans doute des Surcouf et des Magellan, mais, l’essentiel reste l’étape ultime : la tenue pacifique des élections en 2022. Et la traversée de l’océan transitionnel vers le quai démocratique sera rude. En effet, la configuration de ce Conseil souverain qui exercera le pouvoir d’Etat peut donner libre cours à la circonspection, à des supputations.

Certains pourraient être amenés à s’écrier : tout ça pour ça ! Allusion au général Abdel Fatah Al-Burhan, ci-devant président du Conseil de transition et qui se retrouve président intérimaire, durant 21 mois.

Pourra-t-il ôter ses oripeaux de militaire pour se draper du manteau de démocrate, missionné par 41 millions de ses compatriotes ? Pourra-t-il se défaire des habitudes et des tics hérités de 30 ans de compagnonnage avec le satrape Omar El Béchir ? Le militaire putschiste est-il soluble dans les mœurs démocratiques ?

Evidemment, la présence dans l’organe dirigeant du général Hamadan Daglo, alias Hemetti n°2 de la junte et patron de ceux qui sont considérés comme des séides les Forces de Soutien Rapide (RSF) de sinistre mémoire suspectés d’avoir tué plus de 200 personnes ces 8 derniers mois, suscite également crainte et absence de confiance.

Ce militaire très volubile, qui n’hésitait pas à lâcher ses tueurs, il n’y a pas longtemps sur la foule amassée au quartier général militaire, à pourchasser dans les rues, les manifestants et à tirer sur eux comme des lapins, pourra-t-il faire sa mue pour diriger autrement que par la baïonnette ?

Le plus gros danger réside aussi dans la longueur de la transition. 3 ans et 3 mois, c’est court et long à la fois  mais, dans ce Soudan post-El Béchir c’est une éternité. Dès lors que ces 21 premiers mois sous «bannière militaire» s’avèrent très risqués, car la probabilité d’un dérapage est réelle.

Heureusement, que dans ces 11 téméraires, il y a les pendants civils des militaires, qui n’ont pas d’armes, mais qui ont les populations avec eux, le peuple, ceux-là même qui ont dicté la marche politique du pays ces derniers temps. Aux 6 civils, qui, au cours des 18 mois qui leur sont impartis, de faire proprement la tâche à eux confiée, de se dire qu’ils n’ont pas le droit d’échouer, de faire capoter cette transition. Et ils ont un homme et son équipe sur qui ils peuvent compter : le premier ministre Abdallah Hamdok, qui avec son gouvernement joueront forcément la carte d’une transition équilibrée et apaisée.

Tout compte fait, et même les premiers responsables de l’ALC et de l’APS, le reconnaissent, tout compte fait, sans tomber benoitement dans un optimiste dangereux, les Soudanais ont bien trempé la plume dans l’encrier et tracent les linéaments d’un pays démocratique tout en veillant à ce que le buvard n’aspire pas toute l’encre. Il y a bien 11 personnes, qui seront au gouvernail qui sur la tour de contrôle, qui à bâbord… et c’est donc une transition qui sera surveillée comme du lait sur du feu, car les Soudanais n’ont pas mené ce combat pour le voir terminer au garage des ambitions bassement personnelles. Bravo au peuple soudanais, pour toutes ces manches remportées. Le meilleur reste à  venir.

Zowenmanogo ZOUNGRANA

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