Investiture du premier président de la IIIe République en Côte d’Ivoire : Ouattara pourra-t-il remonter le vent ?

Investiture du premier président de la IIIe République en Côte d’Ivoire : Ouattara pourra-t-il remonter le vent ?

Grand succès diplomatique pour Ouattara hier, avec la présence de la quasi-totalité des chefs d’Etats de la CEDEAO (excepté le Nigérian Muhammadu Buhari ), du ministre des affaires étrangères de France Jean Yves Le Drian, de l’ex n°1 français Nicolas Sarkozy.

Devant un parterre de chefs d’Etat et d’invités spéciaux triés sur le volet, Alassane Ouattara a prêté serment, ce lundi 14 décembre 2020. Pour une première en Côte d’Ivoire, cette prestation de serment s’est faite sur la Constitution en ces termes : «Que le peuple me retire sa confiance et que je subisse la rigueur des lois si je trahis mon serment».

Pourvu que cela ne soit pas prémonitoire du contexte tendu dans lequel il entame ce mandat controversé. Depuis le 5 août dernier, date de l’annonce de son «sacrifice» pour étrenner ce 3e mandat, ou le premier de la IIIe  république, c’est selon qu’on se situe de part et d’autres de cette ligne de fracture, la Côte d’Ivoire n’en finit pas de se «casser», même si des tentatives de racommoder le vivre-ensemble sont tentées. Pour sûr, l’opposition est actuellement vent debout contre ce mandat dit de trop et ce n’est pas le retour annoncé de Laurent Gbagbo et les velléités de déstabilisation attribuées à Guillaume Soro en exil forcé qui peuvent donner à rassurer que ce nouveau mandat de cinq ans soit un long fleuve tranquille pour Alassane Ouattara.

Il faut dire qu’hier, le premier des Ivoiriens ne semblait pas trop avoir la tête à la fiesta mais des préoccupations au fond du cœur. En tout cas, il a donné cette impression d’être conscient que la tempête politique née de sa candidature à un 3e mandat est loin d’être une tempête dans un verre d’eau. Eu égard donc à l’atmosphère délétère, son message d’investiture était du reste très attendu. Il a dû afficher sa volonté de mener cette nouvelle présidence dans une atmosphère apaisée en annonçant des mesures en signes de décrispation.

En effet, en tendant la main à l’opposition pour un dialogue avec en prime de ne plus faire la sourde oreille sur la nécessité de reformer la commission électorale comme l’avait exigé l’opposition avant la présidentielle, l’ancien-nouveau locataire du palais de Cocody tente de remonter le vent. La volonté de créer un ministère de la réconciliation nationale et en appelant «l’ensemble des partis politiques à saisir (….) l’opportunité qui s’offre à tous pour aboutir à une décrispation du climat par le dialogue», le président ivoirien veut certes rassembler, mais… le ton comminatoire du père-fouettard phrasé à l’encontre des partisans de la désobéissance civile, car c’est d’eux qu’il s’agit, la menace non voilée envers ces derniers, cadre-t-elle avec cette volonté de panser les cœurs d’Ivoiriens qui sentent toujours les meurtrissures de la décennie de braise (2000-2010) et des récentes violences de 2020 ?

En effet, nonobstant cette main tendue au dialogue et en attendant de savoir quelle suite l’opposition ivoirienne actuellement menée par son désormais frère ennemi, Henri Konan Bédié y donnera, il est à se demander si Alassane Ouattara ne semble pas souffler le chaud et le froid en annonçant que «les violences et les actes intolérables commis lors de la présidentielle ne doivent pas rester impunis». Les donjons ivoiriens étant pleins des opposants au régime, il va sans dire que leur élargissement dans des brefs délais va plutôt permettre de dérider un pays crispé. C’est du reste une des revendications non-négociables de l’opposition dont certains responsables sont toujours en prison tels Affi N’Guessan ou en exil comme Mabri Toikeuse annoncé au Ghana.

En un mot comme en mille, Alassane Ouattara doit donner des gages d’une vraie réconciliation des Ivoiriens. Certes, l’ancien pensionnaire de la prison de Scheveningen Gbagbo a bénéficié des passeports ordinaire et diplomatique en signe d’apaisement de la tension politique qui règne aux abords de la Lagune Ebrié, mais il en faut plus pour faire régner la sérénité en Côte d’Ivoire. Il lui faut, peut-être aussi, pour davantage aller dans le sens d’atténuer les tensions, s’inscrire dans une logique de mi-mandat en pensant à faire pièce à son vice-président dont l’identité est tant attendue. Pour le moins, il s’agira pour le père spirituel de feu Amadou Gon Coulibaly, un mandat difficile et corsé.

Idriss TRAORE

COMMENTAIRES

WORDPRESS: 0
Aujourd'hui au Faso

GRATUIT
VOIR