Une alternance démocratique sans discontinuité depuis 2001, des élections transparentes et consensuelles, un peuple mûr, une armée républicaine, 2 partis le NPP et le NDC qui se relaient à Osu Castle, la présidence de la République ! Ce n’est pas bien tout ça ? Merci à qui ? Au capitaine d’aviation Jerry John Rawlings.
Cette démocratie assise au Ghana, s’est encore couronnée hier par l’investiture d’un «ex» qui revient aux affaires par la grande porte : John Dramani Mahama, battu par les urnes en 2016, il est réélu 8 années après, le 7 décembre 2024, face au président sortant Nana Akufo Addo, qui l’avait coiffé au poteau en 2016.
L’auteur de ces lignes avait entendu le commentaire d’un taximan en 2022, lorsqu’on passait devant le domicile de Dramani, à Accra «Il fut un bon président, il a bien travaillé, les choses marchaient».
C’est souvent par ces petites gens qu’on a la perception sur un président. Le champion du NDC, redevenu président, prend les rênes d’un Ghana croulant sous moult difficultés dont la principale reste l’économie sous perfusion depuis 2022-2023.
C’est d’ailleurs un des chantiers-phares du nouveau président élu retoquer le contrat qui lie le Ghana au FMI, une institution de Bretton Woods qui avait appuyé il y a un an le pays de 3 milliards de dollars pour faire face à une inflation non maîtrisée et à un quotidien des Ghanéens qui s’était drastiquement détérioré ! Du reste, une mission du FMI est attendue dans les prochaines semaines à Accra ! Qui dit économie, dit monnaie solide, ce qui n’est pas le cas du Cedi, et Dramani veut également rendre robuste cet instrument de souveraineté par une nouvelle politique monétaire. Le dégraissage du mammouth est aussi dans le programme du nouveau élu par une réduction des dépenses publiques, le train de vie de l’Etat et une mobilisation maximum des recettes fiscales et toutes les ressources.
Comment ne prêtera-t-il pas attention à la question aurifère, avec son pays grand producteur d’or ? Mais surtout, il devra solutionner les pollutions et la destruction de l’environnement et des sources phréatiques, problèmes qui ont occasionné des manifestations ces derniers mois au Ghana. Il en sera de même avec le cacao, avec les prix bord-champ, et la contrebande qui a fait perdre 500 mille dollars au pays selon la Banque nationale.
Naturellement, la géopolitique sous-régionale, domaine par excellence réservée au chef de l’Etat sera aussi dans son agenda les 4 prochaines années. La CEDEAO est en proie à un schisme, avec le départ irréversible de l’AES (Mali-Burkina Faso-Niger), les rapports entre les chefs d’Etat sont teintés de méfiance, voire de défiance et Dramani sait que ses premiers pas dans le landerneau CEDEAO-AES seront scrutés à la loupe. A l’évidence, il a déjà choisi d’entretenir des relations de bon voisinage avec l’un d’eux, le Burkina Faso, en invitant IB à son investiture. C’est un signe des temps.
Et vu l’image d’Epinal IB-Dramani, on peut dire que le courant passe ! C’est une bonne chose car ce n’est pas interdit que la CEDEAO et l’AES coexistent et coopèrent, chacune gardant son identité propre.
Certes, il y avait 17 autres chefs d’Etat présents et surtout Bola Tinubu comme invité d’honneur, mais, l’un des ténors de l’AES, en l’occurrence IB n’est pas passé inaperçu, et il faut souhaiter que cette sous-région essaie de trouver une forme de partenariat au-delà des divergences idéologiques et d’intérêt.
Et s’il y a 8 ans, Dramani remettait les clefs de la présidence à Akufo, et hier, c’était l’inverse, les Ghanéens doivent cela à qui ? : Jerry John Rawlings, putschiste indécrottable, mais démocrate intraitable qui a mis le Ghana sur les rails de cette démocratie et plus de 2 décennies après, nul n’ose en sortir ! L’homme de «Noway Kala Boulé» doit sourire là où il est.
Zowenmanogo Dieudonné ZOUNGRANA
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