J-2 en Côte d’Ivoire : Abidjan est en apnée!

J-2 en Côte d’Ivoire : Abidjan est en apnée!

A deux jours de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, nous nous sommes intéressés à l’ambiance dans les rues de la capitale économique. Abidjan paraît plutôt calme ce mercredi. Un calme avant la tempête ? Nul ne saura le dire. Entre les partisans du président sortant et ceux de l’opposition, chacun y va de son appréciation. Sans qu’on ne sache ce qui se passera ce samedi 31 octobre, surtout l’après-élection, un remake de l’interminable cahotement politico-militaire de 2010 étant dans tous les esprits.

7h 15mn. Mercredi 28 octobre 2020. Direction Deux Plateaux Aghien Carrefour Duncan. Le taximan qui nous y conduit de la Riviera 4, «le vieux Serges», comme il se fait appeler, est plutôt calme au volant. Sa barbiche un peu blanchâtre colle bien avec son surnom. Silencieux tous les deux, au bout d’une dizaine de minutes de trajet, nous décidons de briser le silence, à l’entame d’un virage à la hauteur de Anono, avec une question pour le moins cocasse : «Apparemment, les gens n’ont pas peur hein, la circulation semble abondante là ?» «Quand un serpent te mord, le jour où tu vas voir un vers de terre, tu vas te méfier», nous répond-t-il sans ambages.

Puis, il enchaîne dans la foulée : «Les gens ne veulent pas vivre la même situation de crise qu’en 2011 qui nous a tous fatigués. Chacun se méfie». Réactions auxquelles, nous ne faisons aucun commentaire. En lui signifiant que notre destination finale est le siège de la commission électorale indépendante (CEI), du coup, «Le vieux Serges» nous lance une boutade à première vue qui tombe comme un cheveu dans la soupe mais tout de même intrigante : «En Afrique ici là, c’est la dictature», avant de pousser un soupir comme s’il voulait se raviser.

 Est-ce une allusion à la tension liée au troisième mandat de Alassane Ouattara ? Nous ne saurions le dire. Puisque, nous ne lui avons pas demandé d’étayer son propos. Nous sommes au siège de la CEI. Un important dispositif sécuritaire y est. Les policiers, gendarmes et militaires déployés avec armes au poing autour de la bastille observent les mouvements des piétons, taxis et autres véhicules. La circulation est libre mais pour accéder à l’enceinte, il faut, évidemment, montrer patte blanche. A J-3 du scrutin contesté, pas d’affluence particulière. Mais les réunions s’enchaînent «pour les derniers réglages», nous confie Inza Kigbafori Koné, chef de service de communication de la CEI. Mais quel est l’état de déploiement du matériel électoral dans les différents bureaux de vote ? Pas d’interlocuteur attitré pour nous situer. «Tous les commissaires sont occupés actuellement», nous répond Kigbafori Koné avant de renchérir : «ne vous en faites pas, tout sera prêt à temps. Tous les bureaux de votes seront ouverts le 31 octobre et ce pendant 10 heures. Ceux qui seront ouverts à 8h vont refermer à 18h. Et les bureaux qui seront ouverts à 9h seront fermés à 19h».

«On s’en tient au mot d’ordre qui est la désobéissance civile et le boycott total de ce scrutin»

En attendant, à un jet de pierre de l’institution électorale, sur le boulevard Latrille, des partisans du candidat ADO font le show. Dans une ambiance surchauffée rythmée par des prestations musicales, les slogans de campagne sont repris par la centaine de soutiens. Un des organisateurs, Christian, les traits tirés, s’efforce avec un sourire pour nous souhaiter la bienvenue. «Comme vous pouvez constater, nous soutenons notre leader ADO. On va ambiancer jusqu’à la fin de la campagne (ndlr : jeudi 29 octobre à minuit)».

A la question de savoir s’il ne craint pas des affrontements entre les partisans de ADO et ceux de l’opposition le jour du scrutin. Sa réponse est sans ambages : «s’il y a troubles, il appartient aux forces de sécurité de mettre de l’ordre. Nous, on veut voter, et on ne va pas répondre aux fauteurs de trouble». Mais notre ‘’amitié’’ prend fin lorsque nous sortons l’appareil photo pour les images. «Nous ne voulons voir nos photos dans la presse, on ne sait pas qui est qui actuellement», nous éconduit-il. Certes, il ne semble pas le seul à avoir peur de voir son image dans les colonnes des journaux. Michel Konan, un cadre des Postes rencontré à Cocody conditionne ses impressions sur la tenue du scrutin présidentiel du 31 octobre sous l’anonymat. Comme le taximan Serges, il pense, lui aussi que «les Ivoiriens ne sont pas prêts à vivre une autre crise électorale». «Je suis contre ce 3e mandat de Alassane, mais je n’approuve pas le durcissement du ton du côté de l’opposition. Il faut à tout prix éviter des troubles. Que ceux qui ne veulent pas voter laissent ceux qui veulent voter le faire». Vœu de Michel. Seulement, un vœu pieux à quelques encablures de lui sur le boulevard de France Cocody où est bâtie la ‘’Maison du Parti’’ autrement dit, le siège national du PDCI-RDA. «Pour nous, il n’y a pas d’élection. On s’en tient au mort d’ordre qui est la désobéissance civile et le boycott total de ce scrutin». «Propos du directeur de la communication du PDCI-RDA».

«Nous sommes sereins sur notre position», renchérit-il tout en refusant tout commentaire sur ce que l’opposition entend faire le samedi 31 octobre. Toujours est-il que dans la cour du Parti, rien ne laisse transparaître un quelconque état de siège. Les va-et-vient sont plutôt calmes. Est-ce un calme avant la tempête ? Pour l’heure, Abidjan retient son souffle.

En cette journée de mercredi 28 octobre, pas de troubles particuliers liés aux élections.  Qu’en est-il à l’intérieur du pays ? Dans la capitale politique, Yamoussoukro, on apprend qu’en plein meeting du RHDP, une débandade s’empare de la foule ce mercredi 28 octobre 2020 sans raison apparente. Après quelques minutes de confusion, le meeting a dû reprendre son cours.

La fin de la campagne, c’est pour ce jeudi 29 octobre. Les deux principaux candidats à la pêche des voix ont tous choisi Abidjan pour le clap de fin. En effet, pendant que le RHDP a choisi Abobo, commune dont le maire, Hamed Bakayogo est le directeur national de la campagne de ADO, le candidat indépendant, Kouadio Konan Bertin dit KKB, a, lui, préféré le stade Inchala de Koumassi pour son meeting de fin de campagne.

Idriss TRAORE

Envoyé spécial à Abidjan

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