J-3 au Mali : Que couvent les eaux calmes du Djoliba ?

J-3 au Mali : Que couvent les eaux calmes du Djoliba ?

La campagne présidentielle malienne touche à sa fin, et le demain vendredi 27 juillet 2018, le dernier, pour la chasse aux voix s’annonce mouvementé dans la capitale malienne, qui  assistera, sans nul doute, à des démonstrations de force. Tant mieux si le sprint final parvient à apporter un peu de piquant à cette compétition, un tantinet morose.

Lâchés de leur starting-block le 7 juillet, les candidats à la présidentielle malienne se sont lancés à l’escalade de la colline de Koulouba où siège le pouvoir d’Etat. Au nombre de 24 au départ, les Maliens s’attendaient à ce que cette campagne apporte un peu plus de couleur et surtout, de réponses à leur quotidien morose, plutôt rythmé par l’insécurité ambiante et l’incertitude hivernale. Hélas, il n’en a presque rien été.

A l’exception des têtes de proue de la bataille que sont Ibrahim Boubacar Keïta (candidat à sa propre succession), Soumaila Cissé, le chef de file de l’opposition, qui ont rivalisé d’ardeur pour démontrer leur force de frappe dans la capitale, et dans une moindre mesure, des candidats à l’image de Mountaga Tall ou Aliou Diallo qui ont inondé la presse et les réseaux sociaux, les autres font plutôt preuve de discrétion. Un désintérêt  que leur rendent bien les populations qui, peut-être lassées par les promesses non tenues des politiciens, vaquent à leur train-train quotidien.

Peut-être convaincus que la bataille est perdu d’avance, certains candidats, après avoir déboursé une caution de 10 millions qu’ils ne sont pas certains de bonifier, ni même de récupérer la moitié (50% est restitué aux candidats qui réalisent au moins 50% de voie), ont opté de ne pas s’appauvrir davantage dans une campagne faite pour d’autres. D’où l’option du système du porte à porte adopté par certains candidats, quand d’autres ne prennent pas d’assaut les marchés des grandes villes comme Bamako, absolument convaincus qu’il n’y a pas meilleur endroit pour vendre son projet de société que les marchés et leur proximité.

Si les réseaux sociaux sont également privilégiés par bon nombre de prétendants au fauteuil présidentiel, les débats télévisés ne rencontrent pas l’assentiment espéré par les hommes des médias maliens. Seulement un peu moins de la moitié des candidats ont accepté d’éplucher leur programme sur les plateaux de télévision. Un fait qui laisse penser que le contrat social conçu par certains postulants n’est pas aisément défendable.

Eu égard aux difficultés qui ont émaillé son quinquennat, au point de fragiliser ses assises, le président candidat, IBK, est conscient que le fauteuil de Koulouba risque de se jouer dans un mouchoir de poche. C’est peut-être ce qui explique son regard insistant sur la forte diaspora malienne. Le président sortant est descendu dans les capitales africaines comme Abidjan, Libreville et Brazzaville avec dans ses sacoches, le programme de son prochain quinquennat, et certainement, les liasses de billets de banque qui vont avec, en de pareilles circonstances.

Après le coup de starter de départ, le Djoliba a retrouvé son calme. Mais sur ses rives, les Bamakois et le Mali entier retiennent leur souffle, tant le risque de voir les eaux tranquilles de ce fleuve de la capitale faire des vagues semble élevé. Le vendredi 8 juin déjà, on se rappelle que l’opposition avait pris d’assaut les rues de Bamako, en scandant «non à la fraude électorale». Comme si elle avait eu raison trop tôt, cette crainte d’une élection opaque s’est confirmée avec la légèreté coupable qui a entouré la gestion du fichier électoral. En plaidant l’erreur informatique, l’institution chargée de veiller à une élection libre et transparente la direction générale des élections (DGE) a presqu’avoué le forfait d’intention qu’on lui prêtait. Reste à savoir comment elle sortira de ce bourbier sans écorcher sérieusement sa crédibilité. Et tout le pouvoir sortant avec.

Dans cette élection, les vagues du fleuve Djoliba sont aussi redoutées que les tourbillons du désert nordique et du Centre. Dans ces régions où l’autorité n’existe quasiment pas (un rapport du SG des Nations unies relève qu’au 30 mai, seulement 33% des fonctionnaires étaient à leur poste dans les régions du septentrionales et dans la région de Mopti), la porte déjà ouverte à un trafic en tous genres, pourrait selon l’opposition, constituer une prébende de haut fait de fraude électoral. Au stade actuel de son histoire, il nous semble bien que ce qui peut sauver le pays de Soumdiata Keita, ce n’est pas sa démocratie (dans les conditions telles qu’on voit aujourd’hui), mais plutôt la sagesse des hommes et des femmes maliennes…

Hamed JUNIOR, envoyé

spécial à Bamako

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